« Les Soulèvements de la Terre » : Valérie Masson-Delmotte sort de sa réserve en soutien au collectif

La paléoclimatolgue et coprésidente du Giec a réagit ce mercredi 12 avril sur Twitter aux menaces de dissolution du collectif « Les Soulèvements de la Terre ».
La paléoclimatolgue et coprésidente du Giec a réagit ce mercredi 12 avril sur Twitter aux menaces de dissolution du collectif « Les Soulèvements de la Terre ».

ENVIRONNEMENT - « J’exerce ce soir mon droit à la liberté d’expression, comme scientifique, comme citoyenne. » Dans une rare prise de position sur Twitter, la coprésidente du premier groupe de travail du Giec, Valérie Masson-Delmotte a dénoncé mercredi 12 avril au soir les menaces de dissolution qui pèsent sur « Les Soulèvements de la Terre ».

Ce collectif écologiste est en effet accusé par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin d’être à l’origine des « actions violentes » contre les méga-bassines, survenues le 25 mars lors d’un rassemblement à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres.

Le Conseil des ministres devait rendre sa décision concernant la dissolution du collectif ce jeudi 13 avril dans l’après-midi, mais le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a annoncé que ce ne serait pas le cas. « Il n’en a pas été question ce matin en Conseil des ministres car il faut instruire le dossier avant de prononcer une dissolution. Ça prend un peu de temps », a expliqué à la presse l’ancien ministre de la Santé.

50 nuances de « gravité »

Mercredi soir, une quarantaine de personnalités politiques, d’artistes, de scientifiques, d’intellectuels et de syndicalistes se sont réunis à Paris pour prendre position contre « la violence d’État » et pour clamer la « nécessité de maintenir un champ d’espoir politique sur les questions écologiques », a fait savoir à l’AFP Benoît Feuillu, un des porte-parole des Soulèvements de la Terre.

Et parmi les personnes présentes figurait la paléoclimatologue et coprésidente du Giec, Valérie Masson-Delmotte. Après cette soirée, la chercheuse a partagé les grandes lignes du discours tenu un peu plus tôt, en appuyant son argumentaire avec des éléments présents dans le 6e cycle du rapport du Giec portant sur l’évolution du climat. « Gravité. C’est le mot que j’ai choisi pour répondre à l’invitation de Christophe Bonneuil et Philippe Descola à la soirée de réaction face à la menace de dissolution des Soulèvements de la Terre, ce soir », commence la chercheuse dans une suite de messages Twitter que vous pouvez retrouver ci-dessous.

Pourquoi « gravité », continue-t-elle ? Parce que selon l’Autorité environnementale, une entité indépendante qui évalue l’action des États en matière d’écologie, « la transition écologique n’est pas amorcée en France ». Parce qu’aussi « l’année 2022 a été tristement emblématique de l’aggravation des conséquences du changement climatique. » Ou encore parce que « nous sommes dès maintenant face à une escalade de risques, risques liés au changement climatique, qui vont frapper de plein fouet les écosystèmes et les personnes les plus vulnérables », énumère la scientifique.

« Quelle est la menace la plus grave ?  »

« Quelle est la menace la plus grave ? Est-ce la poursuite de tendances non soutenables (...) ? Ou bien est-ce cette contestation qui dérange face à l’inertie, face à l’inadéquation des réponses institutionnelles et politiques ? », s’interroge-t-elle encore dans une sortie qui tranche avec la posture de neutralité qui caractérise le travail du Giec. D’où sa précision sur le fait de s’exprimer en tant que « scientifique et citoyenne », et non pas responsable du groupement d’experts de l’ONU.

« Les mouvements sociaux pour la justice climatique, qui prennent, dans les régions rurales comme dans les centres urbains, de nouvelles formes d’actions de résistance non violente, parfois perturbatrices » sont, selon la scientifique, des catalyseurs de la transition écologique et de la prise de conscience du dérèglement climatique.

Les scientifiques du Giec, eux, évaluent et résument dans chaque rapport l’état des connaissances les plus avancées relatives au changement climatique, sans jamais émettre d’avis ni de recommandations. Et il est rare qu’ils prennent position sur les réseaux sociaux. Des députés écologistes, journalistes, agriculteurs, et climatologues ont ainsi remercié Valérie Masson-Delmotte sur Twitter pour sa prise de parole qu’ils jugent « nécessaire ».

« Ta voie (voix ?) est précieuse, fondamentale et nécessaire. Ton courage, ta détermination, ta constance éclairent le chemin qu’il nous faut urgemment emprunté. L’urgence est à la hauteur de la gravité sur laquelle tu sais nous sensibiliser », lui a notamment répondu Benoît Biteau, député écologiste au parlement européen. « Dignité, responsabilité, sagesse et noblesse des mots dans cette déclinaison de ’gravité’ (...) », a quant à lui commenté le climatologue Christophe Cassou.

Lassés que leur parole soit si peu écoutée, de nombreux scientifiques affichent désormais leur engagement sur les réseaux sociaux, mais aussi via des actions de désobéissance civile. Un collectif créé en 2020, composé de scientifiques et d’universitaires, nommé « Scientist Rebellion » opère par exemple des actions dans le monde entier pour réclamer une politique réellement efficace de protection de l’environnement.

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