Tenues et signes religieux: le ministère de l'Éducation confirme une hausse des atteintes à la laïcité à l'école

Élèves, dont certaines en abaya, devant un lycée en région parisienne - BFMTV
Élèves, dont certaines en abaya, devant un lycée en région parisienne - BFMTV

La tendance se confirme. Le ministre de l'Éducation Pap Ndiaye avait indiqué que les remontées de terrain confirmaient "une hausse des signalements" depuis la rentrée pour "port de vêtements ou d'accessoires de nature religieuse", dont les abayas (robes amples et longues arrivant sous les chevilles ) et les qamis (vêtement long pour les hommes), dans les écoles, collèges et lycées.

Le ministre, qui s'était engagé à la "transparence" sur ces questions, a rendu publics ce jeudi les chiffres sur les atteintes à la laïcité en septembre, dans une interview au journal Le Monde. Il déclare que pour le mois de septembre, 313 faits d'atteinte à la laïcité ont été remontés, contre 904 sur le trimestre avril-juillet, et 635 entre décembre et mars. C'est la première fois que ces chiffres sont publiés mensuellement.

"Le mois de septembre confirme cette augmentation des faits d’atteinte au principe de laïcité", dit Pap Ndiaye, ajoutant que "la majorité de ces signalements, 54%, concernent le port de signes et tenues religieux."

"La République est plus forte que TikTok"

Le reste des atteintes signalées se compose: pour 8% de suspicion de prosélytisme, 7% de refus d’activité scolaire, 7% de contestation d’enseignement, 7 % de revendications communautaires, 5 % de provocations verbales et 2 % de refus des valeurs républicaines. "Par ailleurs, 10 % correspondent à d’autres formes d’atteintes à la laïcité", note le ministère de l'Éducation dans un communiqué.

82% des personnes concernées pour ces faits sont des élèves, mais 8% sont des personnels de l'Éducation nationale et 5% des parents d'élèves.

Avant la rentrée de septembre, un service anti-radicalisation de l'État avait tiré la sonnette d'alarme: le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) avait accusé la "mouvance islamiste" de remettre "en cause le principe de laïcité à l'école" en s'appuyant notamment sur Twitter ou TikTok. Des personnes encourageaient sur les réseaux sociaux le port de vêtements marquant une appartenance religieuse.

Pap Ndiaye cite le port d'abayas, de qamis, mais aussi de bandanas, ces foulard souvent à motifs colorés, noués sur la tête, qui n'ont a priori rien à voir avec la religion. Le ministre parle des "conseils que certains influenceurs mal intentionnés peuvent donner aux adolescents pour déjouer la loi", en utilisant certains vêtements sans connotation religieuse pour se couvrir. Mais "la République est plus forte que TikTok", déclare-t-il.

Les refus de participer à une activité ou contestation d'enseignement "plus faibles"

"Les signalements pour refus de participer à une activité ou contestation d’enseignement sont plus faibles, autour de 7% chacun", dit le ministre, contre plus de 10% d'avril à juillet 2022.

Dans le détail, les 313 signalements d’atteinte au principe de laïcité ont été recensés dans 59.260 établissements scolaires du second degré.

51% de ces atteintes au principe de laïcité ont été signalées par les chefs d'établissement dans des lycées, contre 30% d'avril à juillet 2022. 36% de ces faits notifiés au mois de septembre l'ont été dans les collèges (contre 51% d'avril à juillet), et 13 % dans le premier degré (19 %).

Si le ministre de l'Éducation parle bien "d'augmentation" des faits d'atteinte à la laïcité, le ministère souligne que le passage de données trimestrielles à mensuelles incite à la prudence: "il faudra disposer des données de trois mois consécutifs pour procéder à une comparaison de période à période."

"C'est une tenue religieuse interdite ou ce n'est pas une tenue religieuse?"

Devant un lycée de banlieue parisienne, BFMTV a pu observer des tenues pouvant s'apparenter à des abayas. "L'année dernière on n'avait pas le droit de mettre des abayas, et cette année l'établissement nous laisse plutôt en mettre, on en voit plus dans l'établissement qui en portent", explique une lycéenne à notre micro. Pour les jeunes filles interrogées, le port de l'abaya ne se rapporte pas à la religion mais s'apparente plutôt à la tradition, ou à l'envie réel de mettre des vêtements couvrants selon elles.

"J'ai toujours été plus à l'aise couverte que dénudée", explique l'une. "Cela n'a rien de religieux, moi je préfère une personne avec des abayas qu'une personne qui va mettre des crop-top ou des minis-shorts", déclare une autre.

Côté personnel éducatif, il est difficile pour certains de mettre le curseur: à quel moment s'agit-il d'un vêtement religieux ou non? "Comment voulez-vous que même les jeunes s'y retrouvent, savoir que dans tel lycée ce n'est pas permis, et que dans tel autre à 100 mètres c'est autorisé", explique à BFMTV Marianne Dodinet, du syndicat indépendance et direction FO, proviseure de lycée à Paris.

"C'est cela la difficulté, on ne peut pas laisser à l'appréciation locale le fait de choisir: c'est une tenue religieuse interdite ou ce n'est pas une tenue religieuse?", déclare-t-elle.

Pour Pap Ndiaye, "la loi est parfaitement claire", il "y a des signes religieux qui le sont par nature: un voile, une kippa ou une grosse croix. Voilà qui ne prête pas à débat. Et puis, il y a les signes religieux 'par destination', qui peuvent le devenir par une intention que leur prête leur auteur (...) C’est pourquoi les chefs d’établissement doivent regarder précisément les signes ostensibles."

Article original publié sur BFMTV.com