Quand la Serbie demande pardon "à genoux"

Tout a commencé par une bande-annonce pour un entretien avec le
président Tomislav Nikolic qui ne devait passer que le… 7 mai. Mais, vu la
vague de réactions qu’ont suscitée les propos de cet ex-nationaliste converti à
l’Europe, la BHT, la première chaîne de Bosnie-Herzégovine, a décidé de le passer
immédiatement.

Répondant à une série de questions sur Srebrenica, cette petite
ville où quelque 8 000 Musulmans bosniaques ont été tués par les forces serbes en 1995, le
chef de l’Etat serbe prononce ces mots : “Je m’agenouille et je demande
que la Serbie soit pardonnée pour le crime commis
à Srebrenica.” Poursuivant ainsi : “C’était un crime horrible (…)
commis par des membres de mon peuple. Et je voudrais qu’ils soient tous
punis.”

La journaliste insiste : “S’agissait-il d’un ‘génocide’
comme l’avait décrété la justice internationale ?” Tomislav Nikolic prononce
bien alors ce mot, en précisant que de nombreux autres massacres commis
pendant les guerres de l’ex-Yougoslavie “portaient les caractéristiques d’un
génocide”. Mais ce que retiendront les téléspectateurs, c’est bien cette
image forte d’un président serbe s’agenouillant devant la
souffrance des victimes, et demandant pardon “à genoux” (Nikolic
lâche à plusieurs reprises ce mot).

Même si les excuses pour ce massacre ne
sont pas une nouveauté en Serbie depuis la chute du régime nationaliste en l’an 2000
(le Parlement de Belgrade a même adopté une résolution condamnant ce crime en 2010), jamais jusqu’à présent un chef d’Etat de la Serbie n’était allé aussi loin. Et
cette “génuflexion” est d’autant plus symbolique qu’elle vient de la
part d’un ancien nationaliste – compagnon de route de Slobodan Milosevic – que la
presse ex-yougoslave qualifie souvent de “repenti”. En immenses
caractères, ces paroles font aujourd’hui la une du quotidien bosniaque
Oslobodjenje, connu pour avoir continué à paraître pendant toute la durée du
siège de Sarajevo. Interrogée par un autre journal de la ville, Dnevni Avaz, la
présentatrice de l’émission témoigne : “Le président était sincère”.Côté serbe, les médias n’ont pas donné la même place à ces excuses,
même si l’information figure à la une des journaux. Ce geste a été
immédiatement salué par la présidence bosniaque et le rapporteur spécial pour
la Serbie du Parlement européen, Jelko Kacin. La sociologue Vesna Pešić, une
personnalité très engagée contre l’ancien régime, a estimé qu’il s’agissait d’un
“grand pas en avant”. En fait, c’est une autre phrase prononcée par
le président Nikolic qui a été le plus commentée par les médias de Belgrade,
celle où il dit que pour lui les habitants de la république serbe de Bosnie
étaient des “Bosniaques comme les autres”. Tous y ont vu une manière
de couper court à leurs velléités de rattachement à la mère patrie. Mais aussi
la fin des funestes délires de bâtir une Grande Serbie dans les
Balkans, dont Nikolic lui-même n’était pas complètement étranger il y a encore
une petite dizaine d’années.

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