Scandinavie, Etats-Unis, Chine: comment l'éducation sexuelle est-elle enseignée dans le monde?

Scandinavie, Etats-Unis, Chine: comment l'éducation sexuelle est-elle enseignée dans le monde?

Pudeur coupable ou simple négligence? L'éducation sexuelle dispensée dans les établissements français est en tout cas insuffisante. C'est du moins ce qu'ont affirmé mercredi SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial. Les trois associations ont même annoncé leur volonté d'attaquer l'Etat afin qu'il remplisse son devoir d'information à l'égard du jeune public. Ou plus précisément qu'il applique pleinement la loi.

Ainsi, une loi de 2001 prévoit qu'"au moins trois séances par groupes d'âge homogène" soit organisées "annuellement dans les "écoles, collèges et lycées" français. Or, selon un sondage Ifop commandé par ces trois organismes, on serait loin du compte, avec 17% des 15-24 ans assurant qu'on ne leur a jamais parlé sexualité durant leur scolarité, un tiers seulement des 83% restants affirmant en revanche avoir bien reçu ces trois leçons annuelles.

Le traitement de ce sujet essentiel connaît de plus de grandes disparités dans les différents systèmes éducatifs. BFMTV.com passe ce jeudi en revue la manière dont on enseigne l'éducation sexuelle à l'étranger.

Des enjeux cruciaux

Si le sujet est crucial, c'est qu'il soulève des enjeux primordiaux en ce qui concerne les mentalités et la santé publique. Le profil des trois associations ayant décidé de poursuivre l'Etat français - SOS Homophobie, Sidaction et le Planning familial donc - le montre: il s'agit à la fois de sensibiliser les jeunes aux différentes sexualités mais aussi aux risques entraînés par une mauvaise information au moment de débuter sa vie sexuelle. Au premier rang desquels, bien sûr, le VIH et les grossesses précoces et non-désirées.

Dans un monde où, précise l'ONUSIDA, 54% des personnes vivant avec le VIH en 2021 étaient des femmes ou des jeunes filles, elles étaient 4900, âgées de 15 à 24 ans, à le contracter chaque semaine la même année. Plus largement, d'après ce document des Nations-unies daté de 2021 à partir des chiffres de 2019, environ cinq millions de jeunes vivaient avec le virus de par le monde (sur une population totale estimée en 2021 à 38 millions d'invidus atteints).

Pour ce qui est des grossesses précoces, l'OMS a établi en 2022 à 21 millions le nombre de femmes de 15 à 19 ans tombant enceintes chaque année, pour 50% de grossesses non-voulues. L'Unicef a encore souligné que 14% des jeunes filles âgées de moins de 18 ans avaient accouché en 2021.

Il va sans dire que toutes les populations féminines ne sont pas égales devant ces grossesses impromptues. En effet, comme le montre cette infographie de l'Unicef, là où on recense 180 naissances parmi 1000 adolescentes âgées de 15 à 19 ans au Mozambique, on n'en note que 2 en Norvège et 3 aux Pays-Bas ou encore en Suède qui s'enorgueillissent du taux le plus bas.

C'est quatre fois moins qu'au Royaume-Uni, par exemple, où le chiffre monte à 11 et c'est encore bien moins qu'en France où il est de 8. Ces statistiques ne doivent rien au hasard: en Scandinavie, on s'occupe très tôt d'informer les jeunes sur la sexualité.

Prisme nordique

Norvège, Suède et Pays-Bas fondent cet enseignement à la fois sur leur réseau d'écoles et sur des émissions destinées à la jeunesse. Par exemple, en Norvège, les 8-12 ans regardent une série de vidéos éducatives - explicites d'après Fatherly, site d'information consacré à la paternité - baptisée Puberteten.

Le procédé est similaire en Suède, bien qu'il s'adresse à un public plus jeune, et avec plus de légèreté. Les petits peuvent ainsi découvrir les choses de l'amour via le programme ludique Snoppen et Snippan - le premier étant l'équivalent de "zizi", le second de "zézette". Ces courtes vidéos chantées sont incluses dans l'émission pour enfants Bacillakuten, note le site britannique Metro.

S'agissant enfin des Pays-Bas, le New York Magazine a loué le libéralisme néerlandais en la matière: une semaine y est dévolue à une introduction très détournée à l'enseignement de la sexualité, illustrée notamment par des vidéos montrant la tendresse de chiots entre eux.

Des Etats-Unis divisés

Les Etats-Unis, eux, préfèrent attendre le secondaire - et le lycée plutôt que le collège généralement - pour évoquer la sexualité devant les élèves. Encore ce tableau comporte-t-il de nombreuses nuances dans ce pays fédéral. Le Planning familial local rappelle ainsi que 40 Etats (en comptant le District de Columbia) ont fait de l'éducation sexuelle une obligation.

Si la couverture du territoire n'est donc pas intégrale, l'affaire se complexifie encore autour de l'autonomie des établissements sur ce point. Le moment assigné à un tel cours est en effet laissé à la discrétion des académies.

"Bien que presque tous les Etats aient une feuille de route sur la manière et le moment de dispenser une éducation sexuelle, les décisions en reviennent souvent aux districts scolaires, créant un patchwork de politiques et de pratiques inconsistantes en leur sein", peut-on lire.

L'Institut Guttmacher pose même - d'après son étude publiée en février 2022 - que l'éducation sexuelle a reculé aux Etats-Unis entre 1995 et la période 2015-2019. 50% des adolescents seulement auraient reçu une éducation sexuelle conforme à celle recommandée par les autorités. Pire, celle-ci est souvent tardive: seules 43% des adolescentes et 47% des adolescents disent l'avoir reçue avant d'avoir fait l'amour pour la première fois.

La Chine revoit sa copie

La Chine a elle aussi longtemps repoussé l'échéance. Il faut dire que le communisme officiel du régime s'y couple parfois à une forme de puritanisme, la sexualité affichée pouvant être associée au capitalisme occidental. On se souvient d'ailleurs qu'en 2015, l'Etat-Parti avait fustigé le comportement "antisocialiste" des auteurs d'une sextape dans un magasin Uniqlo de Pékin.

Dans ce contexte, on ne s'étonnera pas que l'Education nationale ait longtemps gardé le silence sur la question. En 2015, le Planning familial chinois, cité par le média indépendant Radii, chiffrait à 10% la portion du panel de 20.000 étudiants du supérieur interrogés dans son sondage ayant eu l'occasion d'en apprendre davantage sur le sexe précédemment.

Depuis le 1er juin 2021 cependant, et l'entrée en vigueur du plan Healthy China 2030 (qu'on peut traduire par "Une Chine en bonne santé à l'horizon 2030"), les cours d'éducation sexuelle ont officiellement été intégrés aux programmes scolaires.

Le continent africain s'interroge

Dans un continent aussi vaste que l'Afrique, parcourue d'histoires politiques, de traditions culturelles et religieuses si diverses, le rapport à la sexualité et son enseignement aux jeunes sont également l'objet de nombreuses variations. Si les institutions ont tout de même tendance à mettre la discussion sous le boisseau, la situation évolue d'après ce spécialiste du think tank américain du Centre Wilson.

Ainsi, tandis que le Nigéria balaie le sujet - en-dehors de programmes menés à petite échelle - et que l'Ouganda se contente de prôner l'abstinence, 21 gouvernements - concentrés pour l'essentiel dans l'est et le sud de l'Afrique - ont promis d'introduire l'éducation sexuelle dans leur pays, et ce, dès 2013.

Malheureusement, il y a parfois loin des intentions aux actes et, en 2020, la Côte d'Ivoire était la seule à appliquer pleinement les préceptes recommandés en la matière par l'ONU.

Article original publié sur BFMTV.com