« Sambre » sur France 2 : cette série sur un fait divers vieux de 30 ans dit beaucoup de notre rapport au viol

La série de France 2 « Sambre » retrace l’enquête sur le violeur en série de la Sambre.
© What's Up Films La série de France 2 « Sambre » retrace l’enquête sur le violeur en série de la Sambre.

SÉRIE - Il était le voisin, l’ami, le mari, l’entraîneur de foot, le collègue. Et le bourreau. La mini-série Sambre est diffusée à partir du lundi 13 novembre sur France 2. Réalisée par Jean Xavier de Lestrade, c’est l’adaptation en fiction de l’enquête de la journaliste Alice Géraud sur le violeur en série de la Sambre, Dino Scala. En 6 épisodes, la série retrace 30 ans d’enquête qui piétine, de traumatisme pour les multiples victimes, et d’impunité pour le criminel.

Entre 1988 et 2018, ce sont au total 56 femmes qui ont été agressées sexuellement au petit matin près de la rivière Sambre. Pendant 30 ans, leur agresseur, « le violeur de la Sambre » est resté libre de continuer. En cause : un tabou sur les questions de violence sexuelle dans la société et les familles, et les failles du système judiciaire, qui ne datent pas d’hier mais ne sont pas résolues aujourd’hui.

C’est précisément ça qui est mis en lumière dans la série de France 2 comme l’expliquait Alice Géraud lors de la conférence de présentation de la série : « C’est une IRM de 30 ans de notre rapport au viol en France et ça ne parle pas que du passé ». Cette série qui prend la forme d’une anthologie permet ainsi de déplier la société couche par couche pour ne laisser aucun aspect inexploré.

Une enquête qui piétine pendant 30 ans

Sambre parle d’abord d’un échec, celui de l’enquête qui n’aboutit pas, ne mène à rien et tourne en rond. Pour la comédienne Clémence Poésy, c’était d’ailleurs un argument de poids qui l’a convaincue de jouer dans la série. «Le propos va bien au-delà du fait divers, ou du sensationnel true crime, il y a un fait de société qui est essentiel aujourd’hui encore, et cela génère de la sidération », assure-t-elle.

Une scène en particulier choque, tant elle semble absurde. Le violeur se rend au sein d’un commissariat et plaisante, en se plaçant sous le portrait-robot, sur sa ressemblance. Cette scène a vraiment eu lieu lors de l’enquête sur les viols de la Sambre et elle est symptomatique.

Les forces de l’ordre ne sont pas diabolisées, ni visées, mais l’état des lieux sur la façon dont sont gérées les plaintes pour viol est glaçant. Il est par exemple demandé à la victime, quelques heures après son viol, de retourner sur place, de se rallonger dans la position dans laquelle elle s’est réveillée le matin même. Aucune procédure spécifique n’est mise en place pour accueillir ces victimes, recueillir leur parole. Aucun suivi n’est effectué.

Mais comme le précise la journaliste, les gendarmes sont en réalité un « miroir grossissant et déformant de la société du patriarcat », une société qui ne prenait absolument pas la mesure de l’impact d’une agression sexuelle. Si tant est qu’elle la prenne aujourd’hui.

Les victimes mises en lumière dans Sambre

Les policiers répètent à de très nombreuses reprises « vous avez eu de la chance » à la première victime. Elle s’en persuade et se laisse convaincre. La mère de famille incarnée par Alix Poisson finit par sombrer, car son traumatisme n’est pas reconnu. « Ce n’est pas spectaculaire le déni, mais pour les victimes de violence sexuelle, c’est la normalité. »

Au total, les victimes présentées dans la série se comptent sur les doigts de la main. Elles sont une combinaison de toutes les femmes et victimes bien réelles qui ont été agressées par Dino Scala au fil des décennies. Mais aussi de toutes les autres.

Des personnages qui ont tous vocation, pour Alix Poisson, à montrer « à quel point une vie peut être sacrifiée pour celles qui croisent l’horreur ». Son personnage ne vit pas, mais survit. Il se métamorphose, se renferme autour du traumatisme vécu. « Si les gens mesuraient la queue de comète d’un viol, ils le regarderaient de plus près » .

Et Sambre touche sa cible en plein cœur. Impossible de détourner le regard devant les victimes, les injustices, mais aussi la simplicité et la familiarité du monstre. La série met aussi en lumière que parfois, le mal ne prend même pas la peine de se cacher. Et c’est peut-être pour cela qu’il est le plus difficile de le regarder en face.

Dino Scala a été condamné le vendredi 1er juillet 2022, à vingt ans de réclusion criminelle, avec sûreté des deux tiers, par la cour d’assises du Nord. Sambre vise à rendre justice à ses victimes, qui sont aussi celles d’un système et d’une société plus qu’imparfaits face au viol.

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