Salman Rushdie attaqué: l'auteur avait levé la garde sur sa sécurité ces dernières années

Salman Rushdie attaqué: l'auteur avait levé la garde sur sa sécurité ces dernières années

Après l'attaque au couteau de l'auteur Salman Rushdie vendredi, des interrogations concernant sa protection se posent. Cet auteur était menacé de mort depuis une "fatwa" de l'Iran de 1989, un an après la publication des Versets sataniques, mais plusieurs témoignages soulignent qu'il avait levé la garde ces dernières années.

Comme le rapporte Reuters, il voulait vivre plus librement et avait insisté pour ne pas être constamment surveillé et protégé par des agents de sécurité.

"Depuis que je vis aux États-Unis, je n'ai plus de problème (...) Ma vie est de nouveau normale", a assuré l'écrivain, quelques jours avant l'attaque, dans une interview à paraître au magazine allemand Stern. Il se disait alors "optimiste" malgré "les menaces de mort quotidiennes".

La vie sous protection, "ce n'est pas une vie"

"Il ne veut pas de protection autour de lui, cela a été son choix de liberté, de lutte contre les fondamentalistes islamiques", déclare sur BFMTV Roberto Saviano, écrivain, auteur de Gomorra, menacé par la mafia depuis 2006.

Lui-même est sous protection depuis 15 années et décrit son quotidien comme "une vie de merde" expliquant être "toujours sous pression". "Et donc un jour [Salman Rushdie] a décidé de vivre libre", lance l'écrivain. "Peut-être qu'avec une escorte [l'attaque] ne se serait pas passée, mais il n'aurait pas aimé comme il a aimé, voyagé comme il a voyagé, écrit comme il a écrit" ces dernières années, selon lui.

Jean-Claude Zylberstein, ancien avocat de Salman Rushdie dit également sur notre antenne comprendre ce besoin d'un allègement de la sécurité, "je comprends à quel point pour la vie privée d'un homme, pour sa liberté d'aller et venir, c'est un poids terrible. Le pauvre Salman aura connu cela pendant des décennies, il est compréhensible qu'il ait pu avoir une envie très forte de respirer à sa guise", déclare-t-il sur notre antenne.

Au début Salman Rushdie "a passé trois à cinq années terribles où il devait changer continuellement de résidence, d'adresse, il avait beaucoup de gendarmes autour de lui. Je sais ce que c'est que cette vie, ce n'est pas une vie", appuie Roberto Saviano.

Il ne faut pas "relâcher la protection policière et sociale des individus menacés"

L'ex-ministre de la Culture Roselyne Bachelot, interrogée à ce sujet ce dimanche sur BFMTV dit également "comprendre la lassitude" de cette vie perpétuellement sous surveillance. "C'est un condamné à mort qui passe sa vie dans le couloir de la mort, on peut comprendre le souhait du relâchement."

Elle rappelle toutefois la portée d'une fatwa qui n'est pas "une stigmatisation symbolique, c'est un appel au meurtre" qui touche aussi des membres de l'entourage de la personne visée. En 1991, alors que Salman Rushdie recommence à réapparaître en public, son traducteur japonais est ainsi poignardé à mort et ses homologues italien et norvégien sont agressés.

"Les démocraties ne doivent pas relâcher la protection policière et sociale des individus menacés, même sur des dizaines d'années, et même si certains responsables politiques se plaignent du coût", appuie l'ancienne membre du gouvernement, "c'est terrible, mais si on n'assure pas cette protection, si on ne le convainc pas de se protéger, finalement on donne la main à ses assassins".

Salman Rushdie est encore hospitalisé ce dimanche mais il n'est plus sous respirateur artificiel et a pu dire quelques mots, selon son agent. Cette attaque pourrait entrainer pour lui un retour à une protection plus stricte.

Article original publié sur BFMTV.com