Saint-Jean-de-Luz : ce que disent les chiffres sur les violences contre les profs

Flowers are laid at the entrance gate of the Saint-Thomas d’Aquin middle school where a teacher died after being stabbed by a student, in Saint-Jean-de-Luz, southwestern France, on February 23, 2023. - A teacher at a school in southwest France was killed on February 22, in a stabbing attack by a teenage pupil during her class, the regional prosecutor said. The teacher, in her 50s, was teaching a class at the school in the seaside town of Saint-Jean-de-Luz when the pupil attacked her with a knife. (Photo by GAIZKA IROZ / AFP)

ÉDUCATION - La mort de la professeur d’espagnol au lycée Saint-Thomas d’Aquin de Saint-Jean-de-Luz, poignardée par un de ses élèves mercredi 22 février, a provoqué un choc. Il faut dire qu’un tel drame est rare : selon un décompte de l’AFP, huit enseignants ont été tués ces 40 dernières années dans le cadre de leurs fonctions. Parmi eux Samuel Paty, tué en 2020 pour avoir montré des caricatures de Mahomet en classe.

Ce chiffre cache les agressions subies par les enseignants, qui sont bien plus nombreuses. Elles sont recensées tous les mois par le Sivis (Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire), un service créé en 2007 pour quantifier les violences dans le milieu de l’éducation.

Toutes les données récoltées font l’objet d’une note d’information chaque année, dont la dernière a été justement été publiée début février. Si les violences sont relativement peu présentes dans les écoles publiques, les établissements du secondaire publics ou privés sous contrat, comme le collège-lycée de Saint-Jean-de-Luz, sont plus touchés.

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Fréchou H., 2023, « Résultats de l’enquête Sivis 2021-2022 auprès des écoles publiques et des collèges et lycées publics et privés sous contrat », Note d’Information, n° 23.02,

Au global, « au cours de l’année scolaire 2021-2022, les chefs d’établissement du second degré des secteurs public et privé sous contrat ont déclaré en moyenne 12,3 incidents graves pour 1 000 élèves », pointe le document. Ce chiffre est en légère hausse par rapport à l’année précédente (+2,1 points), mais reste stable depuis plusieurs années.

Des disparités selon le « profil social » de l’établissement

La présence de violence n’est pas homogène. Plus d’un tiers (34 %) « des chefs d’établissement du second degré public et privé sous contrat ne déclare pas d’incidents graves », note l’auteure de l’étude Hélène Fréchou. Avec une différence de taille entre les lycées généraux et technologiques (LEGT) et les lycées professionnels (LP) : 46 % des premiers n’ont pas signalé d’incident grave contre 24 % pour les seconds.

« L’absence d’incident grave dépend également du profil social du collège ou du lycée », ajoute la synthèse. « 53 % des établissements socialement favorisés ne déclarent pas d’incidents graves contre 18 % parmi les établissements socialement défavorisés », est-il précisé.

Envers qui sont dirigées ces violences ? L’étude constate qu’elles sont « commises par des collégiens et lycéens envers leurs camarades dans 38 % des cas et envers des adultes de l’établissement dans 44 % des cas ». Les adultes représentent ici les enseignants ainsi que le personnel non-enseignant. L’étude ne donne pas plus de précisions pour l’année 2021-2022.

Les violences verbales sont majoritaires

Pour plus de détails, il faut se reporter sur la note de l’année précédente. En 2020-2021, « les incidents graves envers les enseignants (...) représentent un quart de l’ensemble des incidents graves déclarés (25 %). 41 % des incidents graves sont commis envers un élève ou un groupe d’élèves, 14 % envers un personnel autre qu’enseignant et 17 % envers la collectivité », c’est-à-dire une personne inconnue.

Comme le pointe le tableau ci-dessous, la violence des élèves envers les professeurs est surtout verbale (78 %). La violence physique représente 10 % des cas. Les agressions peuvent aussi venir de la famille des adolescents, mais dans ce cas, il ne s’agit que de violence verbale. Néanmoins, la quasi totalité des agressions envers les enseignants sont commises par des élèves (97 %) et à l’intérieur de l’établissement (89 %).

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Note d’information enquête Sivis 2020-2021

« Dans les lycées professionnels, les enseignants sont proportionnellement plus fréquemment victimes de violence que leurs collègues de LEGT ou de collège : 34 % des incidents graves déclarés en LP s’exercent à l’encontre d’un enseignant, 27 % dans les LEGT et 23 % dans les collèges », ajoute l’enquête du Sivis.

Les violences extrêmes « sont très rares »

Une autre étude parue en 2018-2019 s’est intéressée au climat scolaire dans les établissements français. Pour cette analyse, la première et dernière de ce type réalisée à ce jour, 45 000 personnes exerçant dans le second degré ont été interrogées : des professeurs, des personnels de direction, de vie scolaire, ou encore des personnels administratifs.

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enquête national sur le climat scolaire 2018-2019

« La contestation ou le refus d’enseignement (35 %), les moqueries et les insultes (24 %) et les menaces verbales (12 %) sont les principaux incidents graves signalés » lors de l’année scolaire en question, constatent les auteurs. Les pourcentages sont systématiquement plus élevés dans le secteur public que dans le privé : plus de 20 points d’écart par exemple pour le refus d’enseignement (47,5 contre 25,6 %), 5 points pour les menaces (13,5 contre 8,2 %).

Toutefois, « les violences les plus extrêmes telles que les menaces avec armes, les coups avec une arme et les agressions sexuelles sont très rares. En effet, moins de 0,5 % de l’ensemble des personnels déclarent ce type de violence », ajoutent-ils. Rares, mais pas inexistants comme l’a encore prouvé le drame à Saint-Jean-de-Luz.

De quoi ranimer les peurs des professeurs déjà profondément touchés par la mort de Samuel Paty. « Aucun professeur ne devrait avoir peur avant d’entrer dans sa salle de classe », a souligné Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU, syndicat majoritaire du secondaire, sur BFMTV. « Il faudra passer aux actes, a-t-elle appelé. Il faudra passer aux actes après le temps légitime de l’émotion et du recueillement. »

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