Royaume-Uni : la victoire annoncée du Labour ne signifie pas pour autant le retour de la gauche au pouvoir

Royaume-Uni : avec la victoire annoncée des travaillistes, ce n’est pas exactement un retour de la gauche outre-Manche (Photo du leader du Labour Keir Starmer et du leader des Conservateurs et Premier ministre Rishi Sunak)
PHIL NOBLE / AFP Royaume-Uni : avec la victoire annoncée des travaillistes, ce n’est pas exactement un retour de la gauche outre-Manche (Photo du leader du Labour Keir Starmer et du leader des Conservateurs et Premier ministre Rishi Sunak)

ROYAUME-UNI - Une gauche… bien à droite. Alors que la France est en plein entre-deux tours des législatives, nos voisins britanniques sont eux aussi appelés aux urnes ce jeudi 4 juillet pour des élections générales anticipées. Scrutin pour lequel les sondages donnent les travaillistes du Labour largement en tête, avec 40 à 49 % des intentions de vote, devant les Tories de Rishi Sunak autour de 20 %.

Législative au Royaume-Uni : les Conservateurs postent un clip choquant sur l’immigration en ce jour symbolique

Une tendance qui contraste avec la percée de l’extrême droite en France lors du premier tour des législatives. Pourtant, avec cette victoire annoncée du Parti travailliste, le Royaume-Uni n’est pas en train d’assister à un retour en force de la gauche telle que l’incarnait Jeremy Corbyn. Leader du Labour de 2015 à 2020, celui qui était surnommé le « socialiste britannique » terrorisait la droite et une partie de son propre camp, notamment les membres qui soutenaient le plus modéré Tony Blair. Il a d’ailleurs fini par être exfiltré de la tête du parti et sera candidat indépendant ce jeudi.

Après le radical Corbyn, une droite « ultra-modérée »

Depuis, Keir Starmer, l’actuel chef de file du Labour, a pris soin de recentrer le parti et a délibérément marginalisé son prédécesseur et l’aile gauche de la formation. En vue des élections générales, le Parti travailliste a « emprunté beaucoup aux codes de la droite, donnant une gauche ultra-modérée », explique au HuffPost Laetitia Langlois, maîtresse de conférences en civilisation britannique contemporaine à l’université d’Angers.

Keir Starmer a souhaité « faire le ménage après les années sulfureuses de Jeremy Corbyn, dont les prises de position très, très radicales ont été clivantes pour le parti », analyse la docteure en études anglophones. Mais ce recentrage est également nécessaire pour se démarquer en pleine campagne.

« Entre Nigel Farage qui tient des propos extrêmement radicaux, Rishi Sunak et les conservateurs en général qui, au niveau de l’immigration, prennent également des positions extrêmement radicales faisant penser à un parti d’extrême droite, Keir Starmer apporte ici un peu de mesure et de modération, et ça doit faire du bien aux Britanniques », souligne Laetitia Langlois.

« Un conservateur avec une cravate rouge »

Dans cette optique, Keir Starmer – qui fait également campagne sur les thèmes chers au Parti travailliste comme l’éducation et le système de santé – a promis, en cas de victoire, d’enterrer la politique d’expulsion des demandeurs d’asile vers le Rwanda amorcée par Rishi Sunak. Mais son programme n’a pas grand-chose à voir avec le programme du nouveau Front populaire créé pour faire barrage à l’extrême droite.

Keir Starmer est « essentiellement un conservateur avec une cravate rouge », même s’il est « plus progressiste socialement », résume James Wood, professeur d’économie politique à l’Université de Cambridge, dans un entretien accordé à l’AFP. Keir Starmer fait par exemple campagne sur des thèmes traditionnellement marqués à droite. Par exemple, « il a fait une tribune dans le Daily Telegraph, journal très à droite, pour dire que seul le Parti travailliste pouvait se réclamer du patriotisme », note Laetitia Langlois.

Contrôler l’immigration, une « obsession nationale »

Dans son programme, le chef de file du Labour a également promis de réguler l’immigration, de la « contrôler et la gérer », et de renforcer les effectifs des douanes. « Keir Starmer sait qu’il ne peut pas faire l’impasse là-dessus. C’est un sujet tellement au cœur des préoccupations des Britanniques, il y a une réelle obsession nationale alors que les chiffres ne font qu’augmenter malgré le Brexit », nous explique la docteure en études anglophones.

Même sur le volet économique, le programme du Labour a des relents conservateurs lorsqu’il promet de ne pas augmenter la TVA ou l’impôt sur les revenus, prône une nécessaire discipline budgétaire et veut limiter les promesses d’investissement dans les services publics à celles qui peuvent être financées sans augmenter la dette publique, note Le Monde. Un pragmatisme budgétaire proche de celui de l’équipe sortante.

Mais à force de tendre à droite, Keir Starmer ne va-t-il pas perdre les partisans d’une gauche plus affirmée ? Le panel politique britannique ne comportant pas de parti plus à gauche susceptible d’attirer ces éléments plus radicaux, ces derniers n’ont pas forcément d’option adéquate. « Des gens qui auparavant votaient à gauche, comme ceux des classes populaires, se sont sentis ignorés par les partis traditionnels et se sont plutôt tournés aujourd’hui vers l’extrême droite de Nigel Farage et son parti Reform UK, souligne Laetitia Langlois. Ils ont cherché du populisme, mais à droite à défaut d’en avoir à gauche. »

À voir également sur Le HuffPost :

Le prince Harry et Meghan Markle : leurs nouveaux portraits risquent de déplaire à la famille royale

La princesse Kate apparaît pour la première fois en public depuis l’annonce de son cancer