Royaume-Uni: 39 demandeurs d'asile exposés à une bactérie dangereuse sur une "barge prison"

Une cohabitation avec une bactérie potentiellement mortelle alors que les autorités l'avaient identifiée quatre jours auparavant. C'est l'expérience qu'ont vécue 39 demandeurs d'asile internés dans un centre d'hébergement controversé, aménagé sur une barge qui s'est révélée être contaminée, dans le port de Portland, dans le sud du Royaume-Uni.

Sur la base d'échantillons prélevés dans le système d'approvisionnement en eau potable de la barge le 25 juillet, l'entreprise qui gère le fonctionnement du centre pour le compte du gouvernement britannique a été informée de la présence de bactéries légionelles le 7 août, soit le jour même où les premiers pensionnaires y ont été accueillis, relate le quotidien britannique The Guardian.

Ces bactéries peuvent causer la légionellose (ou "maladie du légionnaire") un syndrome respiratoire infectieux qui peut dégénérer en pneumonie mortelle.

"Aucune personne à bord ne présente de symptômes"

Les demandeurs d'asile n'ont été évacués de l'embarcation que le 11 août, soit quatre jours plus tard. Un long délai qui interroge, mais pour lequel les autorités rejettent la responsabilité sur leur sous-traitant, qui affirme lui-même être dans les clous en termes de contrôles. Les responsables locaux du ministère de l'Intérieur britannique disent n'avoir été mis au courant que la veille de l'évacuation.

"Aucune personne à bord ne présente de symptômes de légionellose", a affirmé le ministère dans un communiqué publié le 11 août, alors que le temps d'incubation de la légionellose peut aller jusqu'à 16 jours.

"La santé et le bien-être des personnes à bord du navire sont notre priorité absolue", a défendu le ministère, précisant que des examens complémentaires sur le navire sont en train d'être réalisés. Il n'y a en outre "aucun risque direct" pour la population locale, la bactérie ayant été détectée sur la barge et non dans le circuit d'eau qui vient l'alimenter.

Depuis la publication des premiers éléments de cette affaire par la presse britannique, le gouvernement est sous le feu des critiques des associations de défense des droits des demandeurs d'asile, qui avaient déjà la barge d'hébergement dans le viseur, la comparant à une "prison flottante".

Une installation très critiquée

Des avocats de l'association Care4Calais avaient précédemment fait part de leurs "très sérieuses inquiétudes quant à la sécurité à bord", dénonçant un traitement inadapté pour des demandeurs d'asile en situation de handicap ou victimes d'actes de torture au cours de leur périple vers le Royaume-Uni. Un syndicat de pompiers avaient quant à lui estimé que l'installation constituait un "piège mortel" pour ses occupants en cas de départ de feu.

Le gouvernement s'était défendu en expliquant que les demandeurs d'asile avaient la liberté d'aller et venir et n'étaient de toute façon pas contraints d'y être hébergés. Un refus pouvait toutefois valoir un arrêt des aides publiques pour les demandeurs d'asile.

Mise en place après de semaines de retard, notamment pour des contrôles de sécurité incendie, cette barge, nommée Bibby Stockholm, devait à terme accueillir 500 personnes.

Le gouvernement met le paquet sur l'immigration

Destinée notamment à abaisser les coûts d'hébergement des demandeurs d'asile, l'embarcation était devenue un symbole de la politique anti-immigration menée par le gouvernement conservateur de Rishi Sunak. À l'annonce de la contamination du Bibby Stockholm, le Premier ministre sortait d'une semaine marquée par une salve d'annonces et de déclarations polémiques de son parti sur l'immigration.

Le Royaume-Uni doit retourner aux urnes pour les élections générales d'ici la fin janvier 2025 mais des parlementaires conservateurs souhaitent voir cette date avancée au printemps 2024.

L'annonce de la présence de légionelles sur la barge a contraint le gouvernement à abandonner son projet, encore en gestation, de transfert des demandeurs d'asile sur l'île de l'Ascension, un bout de terre britannique isolé dans l'Atlantique sud, à mi-chemin entre le Brésil et l'Angola, à 6500km de Londres.

La lutte contre l'immigration est devenue l'une des priorités affichées du gouvernement britannique, avec la réduction de l'inflation. Vendredi, le cap des 100.000 personnes ayant traversé illégalement la Manche à bord de petites embarcations depuis 2018 a été dépassé, selon un décompte de l'AFP, après la traversée de 755 personnes jeudi, un record journalier depuis le début de l'année.

Article original publié sur BFMTV.com