Ron DeSantis, le Républicain qui pourrait concurrencer Donald Trump pour la Maison Blanche

Ron DeSantis, le Républicain qui pourrait concurrencer Donald Trump pour la Maison Blanche

"Pourquoi ne pas regarder dans les yeux les habitants de l'État de Floride et leur dire que si vous êtes réélu, vous ferez un mandat complet de quatre ans en tant que gouverneur?", lançait Charlie Crist, le challenger de Ron DeSantis, lors du premier débat de la campagne pour le poste du gouverneur de Floride. Face à la question de son adversaire l'actuel gouverneur de Floride s'est figé, comme paralysé, avant d’embrayer sur son bilan en matière d’immigration, faisant comme si la question n’avait pas existé.

La question est en effet importante pour les électeurs de Floride qui se rendront aux urnes ce mardi: Ron DeSantis ira-t-il au bout d’un nouveau mandat de quatre ans s’il est réélu? Ou Ron DeSantis défiera-t-il son ancien mentor, Donald Trump, en s'alignant dans la course pour la présidentielle de 2024?

Le premier concurrent sérieux pour Donald Trump

S’il n’a pas encore précisé ses intentions nationales, Ron DeSantis a gagné la stature de challenger potentiel de Donald Trump pour le camp républicain. Malgré l’absence de grand sondage général opposant les deux hommes pour le moment, Donald Trump sort presque toujours premier des "straw polls". Ces sondages, “faits maison” par les fédérations locales du Parti républicain, donnent Donald Trump en tête des intentions de vote dans le cas d’une primaire au sein du parti.

Presque toujours, mais pas à chaque fois donc. Changement de taille il y a peu: Ron DeSantis est désormais le candidat préféré des Républicains de Floride, selon un sondage, un vrai. S’il profite de son ancrage local, Donald Trump est lui aussi basé dans “l’État du soleil”, plus précisément dans sa luxueuse résidence de Mar-a-Lago, à Palm Beach.

“Aussi bien au sein des adhérents républicains que des électeurs en général, il est compétitif par rapport à Donald Trump. Si Trump se représente, il est en retrait, mais si Trump ne se représente pas, il est de loin le mieux placé”, explique Marie-Christine Bonzom, politologue, journaliste et ancienne correspondante de la BBC à Washington.

Une position d’outsider qui permet à Ron DeSantis de s’installer comme un poids lourd d’une présidentielle déjà dans toutes les têtes à la veille des élections de mi-mandat. Jusqu’à chatouiller Donald Trump, dont la directrice de campagne en 2016 dit qu’il est très probable qu’il annonce sa candidature “entre le jour des élections de mi-mandat et Thanksgiving" (soit d’ici le 24 novembre)?

Des frictions manifestes se sont installées entre les deux hommes, alors que Donald Trump avait soutenu en grande pompe son "cookie", surnom affectueux donné à Ron DeSantis, en 2018. Depuis, silence radio. Etle gouverneur ne l'a pas demandé non plus, comme il avait pu le faire auparavant.

Signe de la division désormais actée entre les deux hommes: un meeting organisé par Donald Trump en soutien à Marco Rubio, sénateur républicain candidat à un nouveau mandat lors des élections de mi-mandat, se tiendra le 6 novembre sans Ron DeSantis, pourtant chef de l'exécutif local. Selon le site d'informations Politico, le gouverneur n'avait pas été invité mais ne comptait pas venir.

En cause cette fois-ci, un soutien apporté par Ron DeSantis au candidat républicain pour le Sénat dans le Colorado que Donald Trump avait appelé "stupide," en raison de son positionnement modéré sur l'avortement et les armes à feu. Dans cet État plutôt acquis aux Démocrates, gagner sur une ligne très conservatrice paraît compliqué mais Donald Trump n'hésite pas à jeter l'opprobre sur ceux qui osent édulcorer leur conservatisme dans un but électoral. Ils les affublent de "Républicains qui n'en ont que le nom" ("Republican in name only", "Rino").

Ce samedi, alors que les midterms se rapprochent de plus en plus, Donald Trump a d'ailleurs directement attaqué DeSanctis qu'il a ironiquement surnommé "Ron DeSanctimonious", une référence au fait que ce dernier s'était dit choisi par dieu lors d'une précédente prise de parole.

"Sur le papier, il a tout bon"

Ron DeSantis a beaucoup de ce qu’il faut pour être un politicien de premier plan outre-Atlantique. “Sur le papier, il a tout bon”, résume Nicole Bacharan, politologue spécialiste des États-Unis et co-autrice de Les grands jours qui ont changé l’Amérique. Descendant d’immigrés italiens, Ron DeSantis est le fils d’une mère infirmière et son père installait des boîtiers d’analyse d’audience de télévision chez les particuliers. Des “racines de col bleu” qu’il ne manque pas de revendiquer et qui participent à son storytelling, lui qui aime aussi raconter qu’il a commencé sa carrière “en gagnant 6 dollars de l’heure”.

Une image à nuancer: “Il est surdiplômé même s’il fait l’homme du peuple. Il a fait Yale en histoire et droit à Harvard: c’est vraiment l’élite, ce qu’on appelle aux États-Unis, l’Ivy League”.

“Il a un pedigree très proche de Clinton et Obama” diplômé des mêmes écoles, compare Marie-Christine Bonzom.

Sur le plan personnel, “il a une famille: une femme et trois enfants. Il a aussi un physique de politicien avec de belles dents et des beaux cheveux”, complète Nicole Bacharan, rappelant ainsi deux moyens de s’assurer une crédibilité à peu de frais en politique américaine.

Mais un des aspects formels qui diffèrent le plus radicalement est le fait que Donald Trump n'a plus aucun mandat alors que Ron DeSantis est un "executive" selon la formule consacrée et rappelée par Marie-Christine Bonzom: "Donald Trump est un ancien dirigeant: il ne peut plus influencer sur les affaires des États-Unis, il n'est plus aux affaires. Ron DeSantis dirige lui un État important qui compte 22 millions d'habitants et qui a 200 milliards de dollards de budget. Ce ne sont même pas tous les gouverneurs qui sont dans cette situation".

“Ron DeSantis peut aussi s’appuyer sur une vraie carrière militaire, il a été déployé en Irak, il a été décoré, ce sera un atout qu’il pourra faire valoir”, souligne Marie-Christine Bonzom.

Notamment face à Donald Trump, qui a expliqué avoir été exempté de service militaire après un tirage favorable: preuves à l’appui, le New York Times révélait en 2016 que le candidat à la présidence d'alors avait en réalité menti, se faisant exempter quatre fois car il était étudiant, avant d'être finalement réformé sur la base d’un certificat médical dont la légitimité est discutable.

Dernier atout de taille pour Ron DeSantis: son âge, 44 ans. Bien loin des 76 ans de Donald Trump ou des 79 ans (80 le 20 novembre) de Joe Biden. Il reste d’ailleurs l'un des gouverneurs de Floride ayant été élu le plus jeune, à seulement 40 ans.

"Trumpisme sans Trump"

Sur le plan idéologique, Ron DeSantis est l’un des fers de lance de la nouvelle vague conservatrice, dont l’élection de Donald Trump a été la manifestation la plus éclatante. Il est à ce titre engagé dans la “guerre culturelle” menée par son camp contre les progressistes et les minorités de tous types.

Il a notamment fait passer le délai pour un avortement de 24 à 15 semaines. Il a aussi sacralisé le port d’armes et interdit les mentions de la pluralité des orientations sexuelles et des genres dans les écoles de l'État. À cette occasion, il a fait de Disney et de son parc d'attractions à Orlando l’une de ses cibles de prédilection lorsque l’entreprise a affirmé son soutien aux personnes LGBT+ face au pouvoir politique local.

“Ron DeSantis se présente comme un républicain acceptable en faisant du trumpisme sans Trump”, résume Marie-Christine Bonzom.

Premier employeur de Floride avec 77.000 salariés revendiqués, Disney bénéficiait jusqu’à il y a peu d’un statut fiscal qui lui permettait d’économiser plusieurs centaines de millions de dollars chaque année. Mais face aux critiques de l’entreprise, le gouverneur l’a fait supprimer. Une manière d’affirmer qu’il prend les enjeux de société très au sérieux, au point de se fâcher avec la locomotive économique de son État.

Notoirement favorable au mur entre le Mexique et les États-Unis promis par Donald Trump, Ron DeSantis est farouchement anti-immigration et aime le rappeler: en septembre, il affrète ainsi deux avions pour y faire monter des demandeurs d’asile, majoritairement vénézuéliens, et les transférer sur l’île de Martha’s Vineyard, une île de l’État du Massachusetts, prisé des apparatchiks démocrates comme lieu de villégiature: le couple Obama y possède un manoir depuis 2019, à l’instar des historiques de l'île, le couple Clinton et d'autres célébrités se revendiquant progressistes comme les milliardaires Bill Gates ou Oprah Winfrey.

Argument du gouverneur: “si vous croyez à l'ouverture des frontières, [vous devez] supporter le poids de l'ouverture des frontières”.

En clair, les “élites” doivent "assumer les migrants” qu’elles laissent entrer sur le territoire. Bilan de l’opération: douze millions de dollars d’argent public dépensés pour le déplacement d’une cinquantaine de personnes et une enquête ouverte pour dépassement des prérogatives de l’administration de Floride.

Un coup médiatique qui lui a valu l’indignation de toutes les figures démocrates, jusqu’au président Joe Biden, qui a considéré que le gouverneur “faisait de la vie des gens un jeu politique”. Cela n'a pas empêché les deux hommes de mettre leurs divisions de côté pour s'afficher aux côtés des victimes de l'Ouragan Ian, qui a notamment fait 107 morts en Floride.

Car s’il s’en sert pour gagner en notoriété, Ron DeSantis ne limite pas son action politique à ses frasques et sait s'afficher en homme politique responsable. “Il est capable de faire parler de lui mais son objectif ce n’est pas de créer le chaos en tirant un coup à droite à coup à gauche comme pouvait le faire Donald Trump. C’est quelqu’un qui a une vision très claire de ce que ça veut dire d’être conservateur aujourd’hui”, analyse Nicole Bacharan.

Ron DeSantis devrait être réélu en Floride face à Charlie Crist, alors qu'il a pour le moment 9 points d'avance sur lui dans les derniers sondages. Il pourrait se servir de cette victoire comme rampe de lancement vers 2024 et scrutera probablement une potentielle annonce de candidature de Donald Trump. Puis viendra l'heure du choix: "Si Trump se présente, ce sera la décision de sa vie: ça peut le faire au niveau national comme le défaire, mais il est encore jeune", considère Marie-Christine. "Trump, lui, n’a plus le temps".

Article original publié sur BFMTV.com