Que risque la chanteuse Izïa après ses propos polémiques sur scène à l'encontre d'Emmanuel Macron

Une outrance et des conséquences? Samedi, une enquête visant la chanteuse Izïa Higelin pour "provocation publique à commettre un crime ou un délit" a été ouverte par le parquet de Nice après que l'artiste a évoqué un lynchage d'Emmanuel Macron lors d'un concert jeudi passé.

Évoquant le chef de l'État, lors de son concert jeudi soir à Beaulieu-sur-Mer dans le cadre du festival "Les nuits guitare", l'artiste imagine comment il pourrait être lynché publiquement par les spectateurs, le décrivant comme "une piñata humaine géante", face à un public muni d'énormes battes avec des clous au bout", comme dans le roman ultra-violent d'anticipation, Orange mécanique.

Contacté par BFMTV.com, Nicolas Hervieu, juriste spécialisé en droit public et en droit européen des droits de l'Homme, rappelle qu'Izïa Higelin est concernée par "un ensemble d’incriminations pour ce genre d’appel." À ce titre, l'enquête a été ouverte par le parquet, et ce, sans dépôt de plainte.

Liberté d'expression

Cependant, l'homme de loi insiste, "il faut avoir à l'esprit que ces incriminations doivent être lues en combinaison avec le principe de liberté d’expression, qui pèse dans les jurisprudences." Selon lui, la liberté d'expression d'Izïa Higelin est dans le cas présent "doublement renforcée."

"La locutrice est une artiste et cela rentre dans le cadre du spectacle, où la liberté d’expression est protégée", estime-t-il.

En revanche, si la chanteuse s'était exprimée à une tribune politique, "cette protection aurait été moindre." Dans ce cas elle aurait pu s'exposer, en vertu de l'article 433-3 du Code pénal concernant "la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l'encontre d'une personne investie d'un mandat électif public", à jusqu'à trois années de prison et 45.000 euros d'amende.

Nicolas Hervieu rappelle que l'homme visé par cette attaque, Emmanuel Macron, "est le plus haut personnage de l’État." "Et justement, parce qu’il est en haut, il doit plus que les autres tolérer les critiques, et la liberté de critiques. Ce type d’exagération est protégé", dit celui qui qualifie de "quasi inenvisageable" une condamnation de l'artiste.

L'affirmation du juriste fait écho à l'annulation en décembre 2022 de la condamnation de Michel-Ange Flori par la Cour de cassation. Initialement, l'ancien publicitaire qui avait représenté le président de la République en Hitler sur deux affiches placardées dans le Var, avait été condamné en appel à 5000 euros d'amende par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Finalement, la Cour de Cassation avait estimé que Flori n'avait "pas dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression."

"Offense au chef de l'État"

Jusqu'en 2013, Izïa Higelin aurait pu être poursuivie en vertu de "l'offense au chef de l'État", un délit régi par l'article 26 de la loi de juillet 1881 sur la liberté de la presse qui avait valu à la France une condamnation par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour violation de la liberté d'expression.

Le 14 mars 2013, la CEDH a estimé que la France avait violé la liberté d'expression en condamnant un homme qui avait brandi un écriteau sur lequel on pouvait lire "Casse-toi pov'con" lors d'une visite de Nicolas Sarkozy en août 2008 à Laval.

En 2013, le Parlement avait finalement supprimé le délit ans le cadre du projet de loi adaptant le domaine de la justice au droit de l'Union européenne et aux engagements internationaux de la France.

"Il n’y a plus de régime spécifique qui protège le président", confirme Nicolas Hervieu, toujours à BFMTV.com.

Reste que, outre une décision de justice, Izïa Higelin pourrait être sanctionné de manière plus indirecte. Initialement programmée le 14 juillet à Marcq-en-Barœul, dans le Nord, la chanteuse a vu son concert annulé.

"La venue à Marcq-en-Barœul de cette artiste, pour un concert public, gratuit et familial serait en contradiction avec les valeurs de rassemblement qui prévalent lors de notre Fête nationale", a déclaré le maire LR de la commune, Bernard Gérard, auprès de La Voix du Nord.

Article original publié sur BFMTV.com