Revenge porn ou acte politique: Alexandra de Taddeo et Piotr Pavlenski jugés pour "l'affaire Griveaux"

Un séisme dans la macronie. Le 14 février 2020, Benjamin Griveaux, candidat LREM investi par son parti pour l'élection municipale à Paris, jette l'éponge. Les espoirs étaient pourtant forts de challenger la maire sortante Anne Hidalgo. "Suite à des actes ignobles (...) j'ai décidé de retirer ma candidature (...) Cette décision me coûte mais mes priorités sont très claires, c'est d'abord ma famille, vous l'aurez compris", déclare-t-il ce jour-là.

Deux jours plus tôt, des vidéos intimes à caractère sexuel sont diffusées sur le site "Pornopolitique". Ces images datant de 2018 montrant un homme - sans dévoiler son visage - dans son bureau en train de se masturber sont attribuées à Benjamin Griveaux par Piotr Pavlenski, sulfureux artiste russe réfugié en France. Elles ont été envoyées à la compagne de ce dernier, Alexandra de Taddeo.

Dans la foulée de son abandon à la course à l'hôtel de ville, l'ancien porte-parole du gouvernement a porté plainte. Aujourd'hui reconverti dans le privé, Benjamin Griveaux ne devrait pas assister au procès d'Alexandra de Taddeo et Piotr Pavlenski, jugés tous deux devant le tribunal correctionnel de Paris pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" et "diffusion sans l'accord de la personne d'un enregistrement" à caractère sexuel.

"Alexandra de Taddeo espère qu'elle sera jugée en dehors de l'agitation qui a entouré ce dossier", indique à BFMTV.com son avocate Me Noémie Saidi-Cottier.

Des vidéos filmées au ministère

Revenge porn, comme l'avance Benjamin Griveaux? Volonté de déstabilisation politique? Simple relation adultérine? Alexandra de Taddeo, 32 ans, a affirmé aux enquêteurs que sa relation avec Benjamin Griveaux a débuté en avril 2018. L'étudiante, notamment en droit, alors âgée de 28 ans, suit le compte public Instagram de celui qui est à l'époque porte-parole du gouvernement. Ce dernier la suit en retour, puis une conversation s'engage sur Facebook. "Rien d'intime", précise-t-elle.

Leurs échanges prennent un autre tournant quelques semaines plus tard. Alexandra de Tadddeo et Benjamin Griveaux ont une relation sexuelle consentie, ce que les deux reconnaissent. L'homme marié, et père de deux enfants alors, continue, selon le récit fait par la jeune femme, à lui envoyer des messages, puis des photos et vidéos à caractère sexuel. Certaines, dira-t-elle, ont été prises depuis le bureau du secrétaire d'État.

La jeune femme conserve quatre vidéos, envoyées via une messagerie et censées s'effacer automatiquement au bout de quelques secondes, sur son ordinateur personnel.

"Elle les a enregistrées puis les a oubliées", assure son avocate.

"Hypocrisie"

Les deux vidéos publiées sur le site "Pornopolitique" datent de juin 2018 et d'août 2018 alors que Benjamin Griveaux était en vacances dans le Var. Alexandra de Taddeo a toujours maintenu qu'elle n'avait pas donné ces fichiers à son compagnon Piotr Pavlenski. Ce dernier a conforté cette version, maintenant avoir dérobé ces vidéos à son insu et les avoir diffusées dans "un geste politique", pour dénoncer "l'hypocrisie" du secrétaire d'État d'alors.

"En novembre 2019, j’ai trouvé l’ordinateur d’Alexandra et comme je suis curieux j’ai regardé ses vidéos. Je me suis dit 'waouh c’est Benjamin Griveaux', c'est très intéressant pour mon projet'", explique-t-il à BFMTV en 2020, évoquant son site "Pornopolitique" lancé en octobre 2019.

Piotr Pavlenski, qui se définit comme proche de l'anarchisme, est connu dans son pays pour son opposition affichée au pouvoir. Il s'est fait connaître en 2012 après s'être cousu la bouche en soutien aux Pussy Riot, groupe féministe contestataire, ou s'être cloué la peau des testicules sur les pavés de la place Rouge, à Moscou, pour protester contre "l'État policier". En 2014, l'artiste, nu, s'est coupé le lobe de l'oreille alors qu'il est assis sur le toit d'un hôpital psychiatrique.

"Benjamin Griveaux est quelqu'un qui s'appuie en permanence sur les valeurs familiales, qui dit qu'il veut être le maire des familles et cite toujours en exemple sa femme et ses enfants, déclarait-il à Libération au moment de la diffusion des vidéos. Mais il fait tout le contraire. Ça ne me dérange pas que les gens aient la sexualité qu'ils veulent […], mais ils doivent être honnêtes. Il veut être le chef de la ville, et il ment aux électeurs. Je vis désormais en France, je suis Parisien, c'est important pour moi."

"Débat de société"

Alexandra de Taddeo a toujours nié, et nie toujours, avoir donné ces vidéos à son compagnon. Son avocate estime que cette audience portera sur un véritable "débat de société". "Peut-on encourir deux ans de prison parce qu'on a gardé un fichier qu'on nous a envoyé?", questionne Me Saidi-Cottier, qui balaie toute idée de "revenge porn" dans cette affaire. Une interrogation qu'elle soumettra aux juges du tribunal correctionnel de Paris.

Dans son ordonnance de renvoi, les juges d'instruction émettent des doutes quant à la version apportée par ceux qui ont été surnommés "les amants diaboliques" et retiennent "une implication directe" d'Alexandra de Taddeo dans la diffusion des vidéos au vu de "plusieurs éléments factuels".

"Mon amant est ton ennemi il veut te casser le cou et moi pour briser ta vie et la fausseté de votre image publique il dit que c'est un acte politique", écrit Alexandra de Taddeo en décembre 2019 faisant référence à Benjamin Griveaux. Les magistrats notent d'ailleurs que la jeune femme est la présidente de l'association qui finance le site "Pornopolitique" ou qu'elle a pris soin "de se débarrasser de tous les supports techniques et de reformater son ordinateur", privant les enquêteurs de déterminer la date de transmission des vidéos.

Article original publié sur BFMTV.com