Retraites: qui sont les membres du Conseil constitutionnel qui vont décider de l'avenir de la réforme?

Tous les regards sont tournés vers les neuf membres du Conseil constitutionnel: les Sages qui doivent se prononcer ce vendredi sur la réforme des retraites portée par l'exécutif et sur le référendum d'initiative partagée voulue par les opposants au report de l'âge légal de départ.

Si les profils des locataires de la rue Montpensier sont divers, tous ont en commun d'avoir eu une carrière politique de premier plan ou une bonne connaissance des arcanes du pouvoir.

• Laurent Fabius, numéro 1 des Sages

L'ancien Premier ministre de François Mitterrand a été nommé par François Hollande en 2016. Plus jeune locataire de Matignon de toute la 5e République à seulement 37 ans, Laurent Fabius coche toutes les cases d'un parcours politique sans faute: ministre du Budget, de l'Industrie, de l'Économie, des Affaires étrangères, président de l'Assemblée nationale...

Agrégé de lettres modernes, cet énarque qui a fait une partie de sa carrière au Conseil d'État s'est attelé à moderniser l'institution en tentant de la faire mieux connaître du grand publics.

Peu apprécié de la majorité présidentielle qui lui a reproché la lenteur de ses décisions pendant le Covid-19, ses relations avec Emmanuel Macron sont notoirement mauvaises. Lors de la cérémonie de la seconde investiture du chef de l'État après sa réélection en avril 2022, Laurent Fabius s'était fendu d'un discours dans lequel il avait souligné un "malaise démocratique préoccupant", appelant le président "en ces temps troublés" à être "le serviteur du droit et l'esclave du devoir".

Le numéro 1 du Conseil constitutionnel a également fait savoir publiquement qu'au moins une partie de la réforme des retraites pourrait être censurée.

• Alain Juppé, figure tutélaire de la droite

Nommé par Richard Ferrand, alors président du Palais-Bourbon, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac affiche lui aussi un CV dantesque. Surnommé "le meilleur d'entre nous" par l'ex chef de l'État, l'ancien maire de Bordeaux avait trébuché sur sa propre réforme des retraites en 1995.

Après avoir affiché son assurance, Alain Juppé avait été contraint de retirer son texte sous la pression de la rue et avait dû finalement quitter le gouvernement à l'issue d'une dissolution ratée.

Après un long passage à vide, notamment marqué par sa condamnation à 14 mois de prison avec sursis et une peine d'inéligibilité d'un an en 2004 pour prise illégale d'intérêts, le chiraquien revient à des fonctions nationales après l'élection de Nicolas Sarkozy à l'Élysée. Il est alors nommé à l'Écologie puis à la Défense avant le Quai d'Orsay.

Quelques mois avant la présidentielle de 2017, l'ex-locataire de Matignon fait figure de grand favori à la primaire LR. Las: le Bordelais est balayé par Alain Fillon au second tour de la compétition interne. Alain Juppé revient cependant en grâce par l'intermédiaire de son ancien lieutenant Édouard Philippe, après l'élection d'Emmanuel Macron.

Le Conseil constitutionnel aura à se prononcer sur l'usage du 47.1, une disposition de la Constitution jamais utilisée jusqu'ici, qui a permis au gouvernement de limiter le temps de débat au Parlement.

Cette possibilité avait été introduite dans la loi fondamentale en 1996, à l'occasion d'une révision constitutionnelle portée par Alain Juppé lui-même. Laurent Fabius, alors député socialiste, avait vivement croisé le fer avec son futur collègue sur le sujet, s'inquiétant de futurs projets de loi débattus en "peu de jours pour examiner des projets importants", comme le rappelle Le Monde.

• Jacqueline Gourault, la spécialiste des territoires

Méconnue du grand public, cette intime de François Bayrou a dirigé pendant quatre ans le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités de 2018 à 2022. Si le maroquin est technique, sa nomination est un gage de confiance après des mois de fortes tensions entre Emmanuel Macron et les élus locaux.

Longtemps sénatrice Modem du Loir-et-Cher, sa nomination au Conseil constitutionnel par l'Élysée en 2022, quelques semaines avant la fin du premier quinquennat du président, avait causé des remous.

Certains avaient pointé du doigt "un sujet d'impartialité", à l'instar du député LFI Ugo Bernalicis, tout comme son absence de compétences en droit, contraire à l'usage. Cette ancienne professeure d'histoire-géographie au lycée s'était défendue lors de son audition.

"J’ai grandi dans un milieu rural et agricole. J'ai été élue maire à l’époque où peu de femmes accédaient à des responsabilités politiques. Je me suis confrontée au terrain", avait cherché à convaincre Jacqueline Gourault.

• Véronique Malbec, une magistrate pur sucre

Cette ancienne magistrate a multiplié les fonctions prestigieuses, d'ancienne inspectrice générale des services judiciaires à avocate générale de la Cour de cassation en passant par le poste de secrétaire général du ministère de la Justice - une première pour une femme.

De 2020 à 2022, la juriste dirige le cabinet du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. Sa nomination par Richard Ferrand, alors président de l'Assemblée nationale, quelques mois avant la présidentielle, avait fait grincer des dents.

Ancienne procureure générale à Rennes en 2017, Véronique Malbec avait sous son autorité le procureur qui avait fait classer sans suite l'affaire des Mutuelles de Bretagne pour laquelle le locataire du Perchoir était mis en examen. À l'époque, "je ne connaissais pas" Richard Ferrand, avait assuré la magistrate lors de son audition à l'Assemblée nationale.

• Jacques Mézard, le pilier du Sénat

Connu pour son caractère impétueux, cet ancien sénateur d'Aurillac a été sous Édouard Philippe ministre de l'Agriculture puis de la Cohésion des territoires, sans guère convaincre.

Figure respectée du Palais du Luxembourg, ce radical de gauche a pris en 2012 la tête d'un recours devant le Conseil constitutionnel sur la loi qui punissait la négation "des génocides". Son recours, signé par 82 parlementaires, aboutit alors à une décision des Sages qui censurent alors le texte.

Cet ex-avocat a défendu lors de sa nomination son profil "d'homme de terrain". À l'été 2021, après plusieurs décisions du Conseil constitutionnel sur l'état d'urgence sanitaire, dont le texte a en partie été censuré, le juriste a assuré que l'institution n'était "à la remorque de personne".

• Corinne Luquiens, la spécialiste de l'Assemblée nationale

Très fine connaisseuse du droit parlementaire, cette haute fonctionnaire a fait toute sa carrière dans les arcanes du Palais-Bourbon. À son arrivée en 1975, elle commence à la commission des affaires sociales avant de gravir les échelons jusqu'à finir secrétaire générale de l'Assemblée nationale sous Bernard Accoyer (LR) en 2010.

Fait rare, elle continue d'exercer la fonction à l'arrivée de Claude Bartolone (PS): c'esrt lui qui la nomme en 2016 au Conseil constitutionnel.

• François Seners, un proche de Rachida Dati et de Gérard Larcher

Spécialiste de l'outre-mer, ce haut fonctionnaire a planché sur les nouvelles institutions de la Nouvelle-Calédonie dans les années 1990. L'énarque a alterné pendant des années les postes dans des cabinets ministériels de droite comme de gauche.

Après l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, il devient le numéro 1 du cabinet de Rachida Dati, alors garde des Sceaux avant de devenir conseiller de François Fillon. En 2017, il devient le directeur de cabinet de Gérard Larcher au Sénat, avant d'être nommé au Conseil d'État puis finalement au Conseil constitutionnel par le patron de la chambre haute.

• François Pillet, un spécialiste de la commission des Lois

Cet ancien sénateur LR - le troisième au sein du Conseil constitutionnel - a fait partie des figures de la toute-puissante commission des Lois au Sénat pendant 12 ans. Il a planché pour la chambre haute sur une nouvelle réforme des institutions tout en siégeant à la Cour de justice de la République.

• Michel Pinault, entre assurances et autorité des marchés financiers

Cet ancien conseiller d'État, inconnu du grand public, a longtemps exercé des fonctions auprès du géant des assurances Axa, notamment en Asie avant de devenir membre du comité exécutif, puis de prendre la tête de l'Autorité des marchés financiers. Il a été nommé par Gérard Larcher en 2016.

Article original publié sur BFMTV.com