Retraites : Même Nicolas Sarkozy n’approuve pas la méthode de Macron

Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy, histoire d’une relation contrastée. Ludovic Marin / AFP
Emmanuel Macron et Nicolas Sarkozy, histoire d’une relation contrastée. Ludovic Marin / AFP

L’ancien président de la République qui entretient de bonnes relations avec Emmanuel Macron est critique sur sa gestion de la crise en cours.

POLITIQUE - « Est-ce que vous pensez qu’ça me fait plaisir de faire cette réforme ? Non. Est-ce que vous pensez que j’aurais pu mettre la poussière sous l’tapis ? Oui ! Peut-être… ». Les mêmes mouvements d’épaule, les coups de menton... Ce mercredi 22 mars, autour de 13 heures, sur TF1 et France 2, nul besoin de fermer les yeux. Emmanuel Macron ressemble, à s’y méprendre à Nicolas Sarkozy. Même intonation, mêmes formules. Même offensive.

Il se trouve que les deux hommes se sont vus peu avant cette date, le 7 février, à l’occasion d’un déjeuner à l’Élysée. Emmanuel Macron a entrepris des consultations sur les institutions, il a reçu la semaine d’avant François Hollande. Mais Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron se voient plus, « régulièrement », selon leurs entourages respectifs. Entre quatre fois par an et tous les deux mois. Ils se vouvoient. Le premier lui donne du « M. le président », le second, du « Président » tout court. Ils sont toujours en tête à tête et rien ou presque ne filtre.

Encore moins publiquement. Sauf le 1er février. Nicolas Sarkozy se met à faire ce que d’autres visiteurs du président font quand ils ne sont pas entendus : parler dans la presse. Alors que les négociations entre l’exécutif et Les Républicains tournent au vinaigre, l’ancien chef de l’État se permet une sortie dans Le Figaro qui sonne déjà comme une critique de la méthode : « Plus vous négociez, plus vous mobilisez la gauche qui pense que vous allez céder, et plus vous démobilisez la droite qui ne comprend plus ce que vous voulez faire ». La pique est reçue 5/5 à l’Élysée, pas le conseil.

« Une estime et un respect mutuels »

Le 21 février, après cinq journées de mobilisation contre la réforme des retraites, Emmanuel Macron tente de reprendre la main dans un dossier qui s’enlise. Il choisit alors un lieu cher à Nicolas Sarkozy : le marché de Rungis (Val-de-Marne). Symbole de « La France qui se lève tôt » pour le candidat de l’UMP en 2007, son terrain de jeu pour décliner son slogan du « travailler plus pour gagner plus » où il se rend encore lors de sa campagne de 2012.

Sur place, des années plus tard, devant le pavillon des bouchers, Emmanuel Macron, blouson blanc de rigueur, reprend la même idée, sur le même lieu : « Oui, il faut travailler un peu plus longtemps, sinon on ne pourra pas bien financer nos retraites », lâche-t-il, comme en écho. À l’Élysée, la référence est assumée. « Le président a un profond respect pour Nicolas Sarkozy, notamment par les crises qu’il a traversées », commente un proche de l’actuel locataire de l’Élysée. « Ils ont une estime mutuelle et une relation très respectueuse », répond pudiquement la rue de Miromesnil.

« En ce moment, Sarkozy ralotte »

« Leur relation se situe entre correcte et vraiment bonne, ça fluctue... », commente plus aisément un ancien LR qui échange avec les deux hommes. « Quand il me dit j’ai vu ton ami, je sais qu’elle est correcte ; quand il me dit j’ai vu notre ami, je sais qu’elle est bonne », poursuit ce tenant de l’ancien monde qui le reconnaît : « En ce moment, Sarkozy ralotte. On est dans la première option ».

Selon nos informations, Nicolas Sarkozy ne suit plus Emmanuel Macron sur sa façon de gérer - ou de ne pas gérer - la situation politique. Les proches du locataire de la rue de Miromesnil s’impatientent et aiment à se rappeler la grande époque de 2010, quand le fil avec les syndicats n’avait jamais été vraiment coupé et que la réforme pour décaler l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans était passée, au mois de novembre, après quatorze journées de mobilisation. « Une fois la loi promulguée, on était en mouvement, on a remanié très vite. Il n’y avait pas de latence ! », se souvient un artisan politique du moment, manière de critiquer en creux l’immobilisme supposé d’Emmanuel Macron sur le plan politique. « Ces 100 jours, c’est d’une connerie... » souffle un autre, époque Sarko.

Même parmi les proches de François Hollande, une fois n’est pas coutume, on aurait presque le même constat, solidarité d’ancien monde ? « Il est rare que Nicolas Sarkozy dise du bien de qui que ce soit », pique un proche de l’ancien président, avant d’admettre « il a raison d’être sévère ». « C’est toute la limite du ’en même temps’, il reste au milieu du guet. Il veut nommer Vautrin et puis non, il veut faire du travailler plus pour gagner plus et il ne va pas au bout... », se moque-t-on rue de Rivoli où l’on ne reçoit pas le même traitement que Nicolas Sarkozy.

« Ce qui agace Sarkozy, c’est qu’il lui donne des conseils, mais que Macron ne les écoute pas... »

« Nicolas me dit toujours quand il voit Emmanuel ; Emmanuel, lui, ne m’en parle jamais », résume, laconique, un fin connaisseur des deux hommes. « Ce qui agace Sarkozy, c’est qu’il lui donne des conseils, mais que Macron ne les écoute pas », décrypte le socialiste bien informé. Leur différence du moment se note jusque dans l’analyse stricte de la situation sociale. « Nicolas Sarkozy est inquiet car le pays est assez tendu et éruptif » assure l’un de ses interlocuteurs réguliers, alors que l’entourage d’Emmanuel Macron parle de « désaccords » et de « mécontentements », mais jamais de « situation inflammable ».

Cette semaine, Nicolas Sarkozy a fait l’objet d’une indiscrétion dans L’Obs qui suppose qu’il souhaiterait obtenir Matignon. Démenti formel de son entourage auprès du HuffPost. « Sarko numéro 2 ? Vous plaisantez ? », confirme l’un de ses anciens ministres qui ne croit pas du tout au scénario. « Il n’a aucune intention de revenir dans la vie politique par quelque porte que ce soit », affirme son entourage. Il faut dire que le calendrier judiciaire est chargé pour l’ex-président qui sera à nouveau au tribunal en novembre 2023 pour le procès en appel de l’affaire Bygmalion, pour lequel il a été condamné en première instance à un an de prison ferme pour « financement illégal » de campagne électorale (2012).

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