Pour la rentrée, ces profs en disponibilité aimeraient enseigner

Classe fermée d'une école primaire de Saint-Maur-des-Fossés, le 30 mars 2021.
GONZALO FUENTES via REUTERS Classe fermée d'une école primaire de Saint-Maur-des-Fossés, le 30 mars 2021.

GONZALO FUENTES via REUTERS

Classe fermée d’une école primaire de Saint-Maur-des-Fossés, le 30 mars 2021

ÉCOLE - Comme des centaines de milliers d’autres, ces profs ne feront pas leur rentrée ce mercredi 31 août, et ce n’est pas leur choix. « Des milliers d’enseignants, formés et motivés, sont bloqués pendant des années sans exercer le métier pour lequel ils ont une réelle vocation, alors que par ailleurs on fait appel à des contractuels recrutés à la va-vite ! », affirme Marlène, professeure des écoles affectée à l’académie de Paris. Après la mutation de son conjoint en Ille-et-Vilaine (35), elle n’a pas obtenu, faute de points, la sienne auprès de l’Éducation nationale.

Enceinte, elle a tout de même déménagé. Depuis janvier, elle est « en disponibilité », ce qui correspond à un congé sans solde dans la fonction publique. « Je n’ai pas le droit d’être rémunérée par l’Éducation nationale, témoigne-t-elle auprès du HuffPost. Je n’ai pas le droit de faire des remplacements. » Elle travaille aujourd’hui dans un centre de loisirs.

En effet, les rectorats ne peuvent pas avoir recours à un enseignant en disponibilité, même pour un remplacement. « C’est une jurisprudence de la cour administrative qui date de décembre 1989 : un fonctionnaire qui a été placé en dehors de son administration d’origine, ne peut être recruté par cette dernière, même temporairement », note Christophe Huguel, du syndicat Sgen-CFDT, auprès de Ouest France.

« Je reste à la maison alors que je suis formée, expérimentée, titularisée et motivée »

Selon les chiffres officiels, en 2021, un peu plus de 24 000 professeurs étaient en disponibilité sur les 870 000 enseignants français ; un statut qui recouvre de nombreux motifs : rapprochement de conjoint et d’enfants, parent vieillissant ou handicapé, conditions de travail difficiles, reconversion, arrêt volontaire de leur activité…

Difficile de savoir combien parmi eux aimeraient continuer à enseigner. Mais alors qu’en cette rentrée, 4 000 postes n’ont pas été pourvus cette année aux concours enseignants, poussant le gouvernement à recruter des contractuels avec pas ou peu de formation, certains grincent des dents. Fouzia, enseignante du premier degré, demande depuis 3 ans sans succès sa mutation de l’académie de Versailles (78) vers l’académie d’Aix-Marseille (13).

« Au final, je reste à la maison alors que je suis formée, expérimentée, titularisée et motivée, souligne Fouzia. Pendant ce temps, l’académie d’Aix-Marseille fait appel à des contractuels et moi, on m’interdit de travailler. Je ne dis pas que nous sommes LA solution mais assurément une partie de la solution, avec des gens qui connaissent leurs métiers. »

« 43 % des enseignants obtiennent satisfaction »

En fonction des demandes et des besoins, les mutations ne sont naturellement pas équilibrées sur le territoire. « Massivement, les enseignants demandent à exercer en Bretagne, sur la côte atlantique et la côte méditerranéenne, indique au HuffPost le ministère de l’Éducation. Or, les enseignants en poste dans ces territoires attractifs effectuent peu de mobilité et donc libèrent peu de postes. »

Le besoin d’enseignants est plus fort en région parisienne, où se concentrent les plus forts effectifs d’élèves. « Néanmoins, dans le second degré, plus de 43 % des enseignants obtiennent satisfaction dans le cadre de la mobilité », assure le cabinet du ministre. Ce qui laisse donc 57 % de demandes non satisfaites.

« Il va falloir réfléchir à une évolution de ce statut, afin qu’il soit plus décent », recommandait en juillet dernier à l’AFP la médiatrice de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. « Si on veut garder les enseignants à leur poste, avoir des candidats motivés, ça n’est pas en les emprisonnant dans des académies qu’on va réussir à les retenir », exposait Catherine Becchetti-Bizot dans un rapport dévoilé fin juillet.

« L’Éducation nationale construit des murs entre ses territoires »

À quelques jours de la rentrée, une pétition a vu le jour sur Change.org, lancée par Sandra, enseignante depuis une dizaine d’années dans le Val-de-Marne (94). Cette année, elle a demandé pour la première fois une mise en disponibilité. Après 16 années de demandes consécutives, son conjoint, enseignant également, a obtenu sa mutation en Gironde (33). Mais pas elle.

« Le département de la Gironde était prêt à m’accueillir en tant que professeur des écoles, cela signifie donc qu’il y a un poste qui m’attend là-bas… écrit-elle. Mais mon département d’origine refuse de me laisser partir alors même que je n’assurerai pas mon service à la rentrée. » La pétition, qui a réuni plus de 4 500 signatures en quelques jours, appelle le ministre de l’Éducation à « débloquer la situation ».

Dans les Pyrénées-Atlantiques (64), le collectif « Mutez-nous 64 », composé de « professeurs des écoles titulaires et diplômés » a été créé pour « rassembler pour défendre le droit à la mutation des enseignants du 1er degré. »

« Qui aujourd’hui, avec un bac +5, irait s’emprisonner dans un métier sans possibilité de mutation pendant ses 43 prochaines années ? interroge le collectif. Choisir entre faire notre métier loin des nôtres ou abandonner le métier d’une vie pour lequel on a fait 5 années d’études et passé un concours ? L’Éducation nationale construit des murs entre ses territoires. »

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