Reims: Will Still, de la révélation rafraîchissante à la rupture inévitable

Toutes les belles histoires ont une fin. Le 13 octobre 2022, Will Still devenait provisoirement l'entraîneur du Stade de Reims à la suite de la mise à pied d'Oscar Garcia. Un mois plus tard, l'intérimaire belgo-britannique était confirmé en étant le plus jeune entraîneur d'Europe (30 ans). Une aventure qui s'est finalement achevée brutalement ce jeudi 2 mai 2024, sur fond de mauvais résultats et de maladresses de communication, alors qu'il reste encore trois matchs de championnat à disputer.

Quand Will Still est intronisé entraîneur principal pour la saison 2022-2023, personne ou presque ne le connaît. Il n'est que l'ancien adjoint d'Oscar Garcia au parcours discret et sans les diplômes requis. Son CV affiche des débuts comme assistant en Angleterre et en Belgique, mais aussi deux expériences très succintes d'entraîneur en première division belge. Ce qui l'avait fait battre, à 28 ans en 2021, un record de précocité dans le plat pays.

"Je ne suis pas juste un geek"

Le football français apprend à connaître Will Still de deux manières. D'abord, et c'est sans doute le principal, par les résultats. Avec lui, et l'aide d'un Falorin Balogun insatiable, le Stade de Reims signe une série mémorable de 19 matchs sans défaite. Une période heureuse qui compte 9 victoires et un nul 1-1 arraché au Paris Saint-Germain sur la pelouse du Parc des Princes.

L'invincibilité prend fin le 19 mars 2023 par une défaite 2-1 contre l'Olympique de Marseille. Au final, l'équipe qui n'avait obtenu qu'un seul succès sur les dix premières journées avec Oscar Garcia termine à une rassurante 11e place, bien loin de la dure bataille pour le maintien. En récompense, le jeune coach obtient une prolongation jusqu'en 2025.

Durant ces premiers mois remarquables, la Ligue 1 découvre aussi une personnalité rafraîchissante. À l'aise devant les caméras et les micros, Will Still s'avère être une figure médiatique du championnat. On apprend que sa jeunesse l'aide à être blagueur avec ses joueurs, qu'il manie très bien l'art de galvaniser ses troupes lors des causeries, qu'il s'est lancé dans le métier à force de jouer à Football Manager. Ce dernier point finira d'ailleurs par l'agacer: "Je ne suis pas juste un geek qui a joué. (...) Je n’ai pas juste atterri à Reims en venant derrière mon ordi. D’ailleurs, c’est un ordi que je ne touche plus depuis des années et des années. C’est anecdotique, c’est intéressant, mais je ne me concentre pas trop là-dessus".

Sa communication tranche avec bon nombre de ses homologues, plutôt discrets sur leur façon de fonctionner. Sa présentation tactique pour Prime Video du nul obtenu contre le PSG avec l'exclusion de Marco Verratti en est un bon exemple. Avant, dans une vidéo pour le club, il avait même accepté de débriefer en profondeur une défaite à domicile 3-0 contre ce même PSG. Rare.

Sunderland, envers et contre Reims

Pour la saison 2023-2024, il y avait de l'inquiétude sur le plan sportif avec la fin du prêt de Falorin Balogun (21 buts dans la saison) et le départ de Jean Cajuste. L'équipe obtient néanmoins six victoires sur les onze premiers matchs.

Puis tout déraille. D'abord en raison d'une mauvaise série de quatre défaites en cinq matchs. Mais surtout à cause de rumeurs venues dans un premier temps de la presse britannique. Elles font état d'un intérêt du Sunderland de Kyril Louis-Dreyfus pour Will Still. Le club de deuxième division anglaise est alors à la recherche d'un remplaçant pour Tony Mowbray.

Pendant près d'un demi-mois, le bruit médiatique s'intensifie. Surtout, il se dit que Will Still aimerait bien traverser la Manche. Et la révélation de ses voyages réguliers en Angleterre interroge. Soudainement, la sympathique nouvelle tête du football hexagonal se braque et apparaît sur la défensive en conférence de presse: "Cela a été très agité et mon téléphone n'a pas arrêté de sonner. Vous en avez fait de très très belles histoires. Et je ne peux nier le fait qu'il y ait de l'intérêt pour moi, ça je le confirme. (...) Je me suis rendu à Londres, mais pour aller voir ma copine qui est anglaise et qui habite à Londres. Je pense que je suis devenu un client fidèle d’Eurostar parce que ça fait trois ou quatre mois que je fais des allers-retours toutes les semaines pour aller voir ma copine". Mais à la façon dont l'explication est fournie, le message s'avère inaudible. À tel point qu'un arbitre serait permis de lui lancer: "Ça ira mieux en Angleterre".

"Je veux juste rentrer à la maison"

En février, alors que Reims ne gagne plus, Will Still finit par avancer ses pions dans une interview à The Athletic: "J'ai été à l'étranger toute ma vie et j'ai travaillé toute ma vie dans un environnement qui n'était pas tout à fait le mien. Et je veux juste rentrer à la maison". Le club, par la voix de son directeur sportif Mathieu Lacour, reconnaît une discussion "franche et honnête".

Il faut finalement la déroute 4-1 contre la lanterne rouge Clermont le 28 avril pour que le président Jean-Pierre Caillot finisse par admettre ne plus supporter cette situation. "On sait à quel moment la saison à tourné. (...) Il m’a demandé ce qu’il devait dire à la fin du match parce qu’il n’avait plus les mots. Que voulez-vous que je lui dise? Ces derniers temps, il a montré qu’il était un très grand communicant. Je le soutiens parce que c’est mon entraîneur, point à la ligne".

Encore à la 11 place, alors qu'une lutte pour l'Europe pouvait être envisagée, le Stade de Reims n'a pas progressé cette saison. Et Will Still s'est brûlé les ailes. Ce qui ne l'empêchera peut-être pas de trouver le poste de ses rêves en Angleterre.

Article original publié sur RMC Sport