Redouane Bougheraba: comment il a fait des blagues avec le "premier rang" le clou de son spectacle

"J'avais pas vu ton crâne, frérot... C'est une planète, j'ai envie de mettre 'National Geographic'. Tu as une tête, on dirait le gros orteil. Pour mettre une casquette, il a besoin d'un chausse-pied". Pas de pitié pour le premier rang. Les fans de l'humoriste Redouane Bougheraba le savent, les spectateurs assis devant prennent cher. Et ils adorent ça.

"Il y a des gens qui ont payé 500, 1.000 euros la place, pour être au premier rang, pour déguster", expliquait-il ainsi dans l'émission Quelle époque!, le 27 janvier dernier.

Alors que la place fait "50, 60 euros", certains sont prêts à payer dix fois plus. "Après, il y a des gens qui ont mis des prix (extravagants). 8.000 euros sur Leboncoin, je ne pense pas que ce soit parti à ce prix, mais 500, 1.000 euros, oui", ajoutait-il, évoquant un véritable "marché noir", pour ces places.

Ce samedi soir, Redouane Bougheraba aura face à lui un premier rang particulièrement fourni, au stade Orange Vélodrome de Marseille.

"Le plus grand premier rang du monde"

"Il va y avoir quatre premiers rangs, 200 personnes au total. Ça va être le plus grand premier rang du monde, et ça va être exceptionnel", a-t-il ainsi détaillé auprès de BFM Marseille.

En moins d'une décennie, l'humoriste marseillais passé par le Jamel Comedy Club s'est imposé dans le monde du stand-up. Développant sa marque de fabrique au fil des salles de plus en plus grandes: les blagues sur les spectateurs. Redouane Bougheraba est devenu le maître du "roast", ce sous-genre du stand-up qui consiste à se moquer, souvent avec une certaine méchanceté de personnalité. Outre-Manche, Ricky Gervais excelle dans cet art. Appliquées au public, ces séances d'impro s'appellent "crowd work", "travail avec la foule".

D'autres humoristes français s'y adonnent également avec délectation, certains depuis longtemps, comme Michel Boujenah. Mais aussi, plus récemment, Inès Reg, Fary ou Haroun qui brode sur les réponses du public à cette question:"que feriez-vous s'il nous restait trois heures à vivre?". Mais aucun n'en a fait, comme Redouane Bougheraba, le clou de son spectacle.

Celui qui dessinait en classe des caricatures de ses profs et des autres élèves et faisait rire ses camarades, a troqué les dessins contre les mots. Profession, apparence, tenue, prénom, origine, tout y passe. Le pilonnage en règle des spectateurs du premier rang fait partie intégrante de ses spectacles.

"Ma spécialité, c'est les improvisations, c'est le premier rang, de faire les blagues, l'interaction avec le public", livrait-il ainsi au Parisien, en marge d'une conférence de presse à l'Accor Arena de Bercy en novembre 2023.

"C'est plus fort que moi, je ne sais pas ce que je vais dire, mais le premier rang m'inspire. Ils sont là, ils sont devant moi, ils veulent faire partie du show. Le premier rang fait partie du show", ajoutait-il.

"C'est fait avec amour"

Et le premier rang en redemande, souriant sous le flot de vannes, sans jamais se vexer et se bousculant pour faire les frais des blagues de l'humoriste, premier étonné d'un tel masochisme.

"Moi, je pensais que ça s’arrêterait, qu’à un moment ils allaient comprendre que le premier rang, il déguste! Mais justement, ils veulent la dégustation illimitée", indiquait-il au Parisien en novembre 2023.

Peut-être est-ce parce que "c'est toujours fait avec amour et bienveillance" et que Redouane Bougheraba ne s'épargne pas lui-même, comme il l'a expliqué à 20 minutes en février dernier. Il assure cependant ne pas insister s'il sent des réticences, et mettre des limites en fonction du pays où il se trouve "parce qu’on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui".

"Une vanne sortie de son contexte peut être atroce. Mais dans son contexte, dans un théâtre, on peut tout faire dans un théâtre", confiait-il sur France Inter il y a quelques mois, indiquant également se tenir à distance de la politique.

Une affaire de famille

Chez les Bougheraba, la vanne est une affaire de famille. Depuis tout petit, c'est là que Redouane Bougheraba cultive son sens de la repartie. "Il a toujours eu cette tchatche. Il a toujours été très puissant", soulignait ainsi auprès de BFMTV.com, son frère Ali Bougheraba, le réalisateur des Segpa en février dernier.

"À la maison, on est cinq frères et une sœur. Aux repas de famille, on est obligé de se défendre."

Sous l'impulsion d'Ali, le frère aîné, passé par le stand-up et l'improvisation, quatre des cinq frères Bougheraba travaillent aujourd'hui dans le spectacle ou le cinéma. Ali et Hakim Bougheraba sont réalisateurs. Ichem est acteur. Quant à Nabil, le cinquième frère, il travaille dans la politique, ce qui nécessite aussi un certain talent oratoire.

Redouane Bougheraba a peaufiné sa tchatche au contact des jeunes qu'il a côtoyés en tant que moniteur. "Redouane était un grand clasheur. Il a été moniteur au Contact Club à Marseille (une association qui accompagne les jeunes et les familles des quartiers du centre de Marseille, NDLR). Quand tu t'occupes de jeunes, il faut avoir de la repartie. Il faut être fluide. Sinon les petits, ils ne vous ratent pas."

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Enfin l'humoriste, qui vit depuis 2012 à Londres, s'est formé au stand-up à New York. Il s'est inspiré de stand-uppeurs anglo-saxons comme Andrew Schulz. Outre-Atlantique, le "roast" se pratique depuis les années 1950. Et avant de remplir Bercy ou le vélodrome, il s'est exercé à l'art de l'improvisation avec le public dans les petites salles, enchaînant les scènes sans relâche.

En 2020, captant l'intérêt des réseaux sociaux, il commence à publier des extraits de ses spectacles, essentiellement des vannes avec le public. Sur Instagram, ses 1,4 million d'abonnés et sur TikTok ses 1,7 million d'abonnés se délectent ainsi de ses échanges avec Alessandro, Omar, Nadia et les autres. Des dizaines et des dizaines de sketchs avec le premier rang. Ce samedi au stade Vélodrome, ils seront presque autant à "déguster" avec le sourire.

Article original publié sur BFMTV.com