Radicalisé ou condamné "politique"? 6 mois ferme pour l'homme arrêté avec un couteau près d'un lycée de Limay

Owen C. fait-il partie de ces profils dit inquiétants qui pourraient passer à l'acte dans une logique de radicalisation? Pour la justice, la réponse est oui. Ce jeune homme de 24 ans, interpellé vendredi après-midi à proximité d'un lycée à Limay (Yvelines) avec un couteau sur lui, a été condamné ce lundi à six mois de prison ferme avec maintien en détention. Il dormira cette nuit à la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy.

Une condamnation qui répond à une exigence "politique" pour sa défense, alors que le président de la République avait parlé d'"attentat déjoué" après son arrestation.

Le jeune homme était pourtant jugé ce lundi par le tribunal correctionnel de Versailles pour port d'arme prohibé de catégorie D. Aucune infraction terroriste n'avait été retenue contre lui. L'existence d'une éventuelle fiche S le concernant n'a d'ailleurs pas été abordée à l'audience.

Mais c'est autour de sa foi, de sa pratique de la religion ou de ses voyages en Égypte ou en Arabie Saoudite que les questions, parfois à charge, de la cour ont porté. L'attaque au couteau d'Arras est évidemment dans toutes les têtes.

"Il y a un mois, il n’aurait jamais été dans ce tribunal", martèle l'avocate du prévenu Me Chloé Rueff. Owen C. a été interpellé vendredi dernier quelques heures après le décès de Dominique Bernard à Arras. Stature imposante, vêtu d'une djellaba, capuche sur la tête et lunettes de soleil, il semble, selon les policiers suivre un groupe de lycéennes. Contrôlé, alors que des instructions ont été données pour renforcer la surveillance autour des établissements scolaires, il leur indique d'emblée avoir un couteau sur lui. Un couteau de cuisine, d'une lame d'environ 10 centimètres.

"Un oubli"

Owen C. se justifie. D'une voix à peine audible, le jeune garçon condamne l'attaque au couteau d'Arras. "Je n'avais pas l’intention de sortir armé" dit-il, expliquant qu'il se rendait dans un supermarché et devait obligatoirement passer devant le lycée. Manifestement anxieux, proche de la paranoïa, comme l'a retenu l'expert qu'il a rencontré lors de sa garde à vue, le jeune homme raconte s'être fait agresser à plusieurs reprises lorsqu'il travaillait à Sevran (Seine-Saint-Denis). Quelques jours avant d'être interpellé, il a expliqué s'être fait frôler par un utilitaire dans la rue. Plus tard, il avait trouvé ce couteau par terre et l'avait ramassé.

"Je suis tombé sur ce couteau, je l’ai récupéré, je l’ai mis dans ma sacoche, souffle-t-il. Je me suis retrouvé avec, j’ai oublié."

"Le voilà le terroriste de Limay, auquel a fait allusion Emmanuel Macron. Comme ça doit être décevant de venir voir un terroriste, un revendicateur, et tomber sur lui", ironise Me Rueff. Jeune homme isolé, qui a un temps vécu dans son véhicule, avant d'être logé dans le pavillon loué par sa mère et son beau-père à Limay, Owen C. est titulaire d'un baccalauréat avec mention. Depuis quelques temps, il travaille comme serveur, dans des hôtels de luxe.

Un jeune homme "curieux"

Il y a quelques mois, Owen C., visiblement mal à l'aise pour s'exprimer, s'est intéressé à l'islam. "Je suis quelqu'un de curieux", explique-t-il. Lui refuse de parler de conversion. "Je ne suis pas à fond dans le truc, dit-il de sa voix douce et de son ton calme. Je me pose des questions, je cherche des questions à travers les livres (...) Après je me suis dit pourquoi pas aller à la mosquée voir de moi-même. Il n'y a jamais eu d'éléments déclencheurs."

Sa fréquentation de la mosquée répond davantage à un "besoin, quand j'ai besoin de souffler".

Pour les policiers et la justice, son comportement a pourtant de quoi alerter. Le jeune homme a fait des voyages en Arabie Saoudite et en Égypte. "Pour voir les pyramides, et pour suivre des cours d'arabe", dit-il. Au domicile de Owen C. des livres et des cahiers d'apprentissage de la langue arabe et d'autres ouvrages sur l'islam, ont été découverts. Les policiers ont indiqué que ces livres étaient à tendance salafiste, prônant un islam rigoriste. "Depuis quand les policiers sont-ils des experts en la matière?", s'interroge l'avocate du jeune homme.

Profil "inquiétant"

Lors des perquisitions du domicile du jeune homme, ils ont également découvert que ce dernier était abonné à des chaines Telegram sur lesquelles des contenus de propagande de Daesh étaient partagés. Lui ne les partage pas, ne les commente pas. Il va télécharger sur son téléphone des vidéos de dirigeants de l'organisation devant un drapeau du groupe terroriste. "Pourquoi on ne le renvoie pas pour apologie du terrorisme, si son comportement est aussi vindicatif? Parce que ça ne tient pas la route", déplore Me Rueff. Lui se défend d'être radicalisé.

"Je désavoue ces choses-là, c'est immonde", répète-t-il. "Je n'ai aucun lien, aucune affiliation avec un groupe ou une secte, je n'ai aucun lien avec ces gens-là."

Si pour la défense, Owen C. souffre du contexte politique dans lequel il est jugé, pour le ministère public, le jeune homme possède "le type de profil qui est particulièrement inquiétant". "Aujourd'hui, les personnes radicalisées, ce sont des personnes seules qui s’abreuvent de contenus violents sur internet", estime la procureure de la République. L'avocate du jeune homme a déjà annoncé qu'elle ferait appel de sa condamnation et allait déposer rapidement une demande de mise en liberté.

Article original publié sur BFMTV.com