Rachida Dati ministre de la Culture, une nomination « surprise » qui laisse les acteurs du secteur perplexes

Rachida Dati photographiée à Pars en janvier 2022 (illustration)
GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP Rachida Dati photographiée à Pars en janvier 2022 (illustration)

CULTURE - C’est la surprise de ce remaniement. Rachida Dati est l’une des « nouvelles » têtes à intégrer le premier gouvernement formé par Gabriel Attal, Premier ministre fraîchement nommé. Les rumeurs allaient bon train depuis l’annonce du remaniement avançant des noms comme ceux de Claire Chazal ou Stéphane Bern pour prendre les rênes de la culture. C’est finalement Rachida Dati, ancienne garde des sceaux et députée européenne, et actuelle maire du VIIe arrondissement de Paris.

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En tout premier lieu, l’arrivée de Rachida Dati à la tête de leur ministère étonne les représentants des syndicats du monde de la culture, comme l’explique au HuffPost Aurélie Hannedouche, directrice du Syndicat des Musiques Actuelles. « C’est une énorme surprise. Effectivement, ça a spéculé ces derniers jours, mais vraiment son nom n’était absolument jamais sorti. Dans quelques discussions que ce soit, on ne connaissait pas du tout sa prédilection pour la culture. Donc on va juger sur ses actes. »

Auprès du Parisien, Richard Patry de la Fédération des cinémas français confirme : « Sa nomination est une surprise que personne n’avait vu venir. »

L’étonnement est aussi de mise pour de nombreux artistes. L’écrivain et prix Goncourt Nicolas Mathieu s’est fendu d’un très laconique « Insolite » sur Instagram quelques minutes après l’annonce.

L’humoriste et acteur Tristan Lopin a lui exprimé sur X (ancien Twitter) son choc, mais aussi son inquiétude.

La réaction de l’actrice Anna Mouglalis, apprenant en direct, devant la caméra de TF1, le nom de la nouvelle ministre se passe de commentaire.

L’adjointe à la culture de la mairie de Paris Carine Rolland s’étonne, elle aussi, de cette nomination auprès de Télérama. « Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce n’est pas son sujet de prédilection. Elle est intervenue en tout et pour tout à deux reprises (au Conseil de Paris). Une fois pour critiquer la position de la maire de Paris sur le Théâtre du Châtelet, une autre pour contester l’ouverture du Grand Palais Éphémère dans son arrondissement ».

La maire de Paris et « Némésis » de Rachida Dati a d’ailleurs tenu avec ironie à adresser cette nomination. En story sur son compte Instagram, Anne Hidalgo a ainsi écrit « Je souhaite bon courage aux acteurs du monde de la culture compte tenu des épreuves qu’ils vont traverser avec la nomination de Rachida Dati comme ministre de la Culture ».

L’intérêt de Rachida Dati pour la culture

5 ministres de la Culture en 7 ans de présidence d’Emmanuel Macron, c’est très parlant pour les acteurs du secteur, comme le confie Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) au Monde« Cette valse est épouvantable, il faut tout recommencer à chaque fois, c’est une perte de temps et cela témoigne que la culture est une sorte de hochet »

La nouvelle ministre est de fait attendue au tournant par les syndicats du monde de la culture. Ceux-ci ont en effet mis en avant les réalisations concrètes de la ministre sortante Rima Abdul Malak, et les challenges qui attendent la nouvelle.

« Les dernières semaines se sont conclues avec des avancées significatives pour notre secteur, notamment avec la taxe streaming et le financement des scènes de musique actuelles. On espère qu’elle va s’inscrire dans le prolongement de ce qui a été fait, continuer à prendre en compte les sujets culturels, et qu’elle fera de son ministère vraiment une chambre d’écho à tous les sujets sociétaux », explique au HuffPost Aurélie Hannedouche.

Lors de la passation avec Rima Abdul Malak ce vendredi 12 janvier, Rachida Dati a tenté de rassurer. Elle a dit « comprendre que sa nomination puisse surprendre ». Mais, ajoute-t-elle, « moi, elle ne me surprend pas. Elle répond à un véritable besoin, le besoin de la France, que souvent on dit « populaire », (...) qui doit se sentir représenter. »

Certains ont cependant déjà des doutes sur les engagements de leur nouvelle ministre. Le président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles Nicolas Dubourg confie ainsi au Parisien : « Elle défend les politiques libérales, or nos valeurs défendent le secteur public. On est incapables de revaloriser les salaires ». Clémentine Charlemaine du Collectif 50 /50 abonde dans ce sens auprès du Parisien : « On aurait espéré une ministre qui soit ancrée dans le réel et sur un terrain peut-être plus représentatif que le VII arrondissement. »

Là encore, Rachida Dati avait une réponse le 12 janvier au matin : « Je sais personnellement (...) ce que je dois à la culture française : une liberté de penser, notamment pour les femmes, une liberté de parler, notamment pour les femmes, une liberté de créer, notamment pour les femmes. »

Les chantiers de Rachida Dati à la Culture

Pour la directrice du SMA, certains défis qui attendent la nouvelle ministre de la culture sont déjà quadrillés et de taille : « On a des grands défis à relever : écologiques d’une part, le sujet de l’égalité femme-homme, sur la concomitance des festivals avec les Jeux olympiques. Donc il va falloir qu’elle nous défende et notamment vis-à-vis du ministère de l’Intérieur. »

Même son de cloche pour Ghislain Gauthier, secrétaire général de la CGT-Spectacle, dans Le Monde : « On attend de voir sa feuille de route. Mais il y a de gros enjeux : le secteur du spectacle vivant subventionné est exsangue et il est aussi nécessaire de pérenniser le financement du secteur public audiovisuel ».

Affaires de violences sexuelles dans le milieu de la culture, Jeux Olympiques, Etats Généraux de l’Information, intelligence artificielle et protection des artistes, financement des scènes publiques, vote de la loi-cadre sur les restitutions des biens pillés à des pays tiers... Les défis sont de taille, nombreux et variés pour Rachida Dati.

« Nous, ce qu’il nous faut, ce sont des ministres qui ont du charisme et qui sont capables d’aller se bagarrer en interministériel. Donc on espère qu’elle pourra endosser ce costume-là », conclut Aurélie Hannedouche. « Chacun sait que j’aime me battre. N’ayez pas peur », a en tout cas déclaré cette dernière ce vendredi. Reste donc désormais à voir si Rachida Dati enfilera bien ses gants de boxe une fois bien installée rue de Valois.

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