Résultats des législatives 2024 : la domination du RN au premier tour, ultime alerte avant l’irrémédiable

Jordan Bardella, à Paris, ce samedi 30 juin (illustration)
JULIEN DE ROSA / AFP Jordan Bardella, à Paris, ce samedi 30 juin (illustration)

POLITIQUE - Les résultats sont clairs. Avec près de 34 % des voix, le Rassemblement national est le vainqueur incontestable de ce premier tour des élections législatives 2024. La dynamique observée lors des élections européennes se confirme, et la hausse de la participation n’a pas freiné la progression du parti lepéniste. Au contraire puisque le parti lepéniste va dépasser 10 millions de voix pour la première fois dans un premier tour.

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Jordan Bardella est tout proche de réaliser ce qui paraissait impensable il y a encore quelques mois : installer l’extrême droite au pouvoir en France. Une première depuis l’après-guerre. Marine Le Pen, réélue au premier tour dans son fief du Pas-de-Calais, ne boude pas son plaisir. « Les Français ont, dans un vote sans ambiguïté, témoigné de leur volonté de tourner la page de sept années de pouvoir méprisant, et corrosif », a-t-elle lancé tout sourire. Sur les plateaux, ses lieutenants jubilent.

Dans les boucles Telegram des groupuscules nationalistes, l’extrême droite la plus violente, d’ordinaire méprisante à l’égard du jeu démocratique, savoure. Comme si les jeux étaient faits. « J’entends être un Premier ministre de cohabitation respectueux de la Constitution », a lancé Jordan Bardella, considérant que « l’alternance est à portée de main ».

Pourquoi il faut se méfier des projections

Pourtant, en dépit de la sidération qui gagne logiquement ceux qui abhorrent la perspective d’une France aux mains d’un parti populiste et xénophobe, sacrifiant volontiers des axes majeurs de son programme s’il s’agit d’accéder au pouvoir, il est encore trop tôt pour garantir une majorité absolue pour le RN le 7 juillet. Pour l’heure, la plupart des projections n’offrent pas, à ce stade, au parti lepéniste le nombre d’élus nécessaire pour envoyer Jordan Bardella à Matignon. Pour l’Ifop, la fourchette haute se situe à 270 sièges pour le RN, quand Ipsos en projette 10 de plus, soit 280. Harris et Elabe placent quant à eux la fourchette la plus haute à 295 et 310 sièges.

Ceci étant dit, tous les instituts de sondage appellent à la prudence sur ces projections, délicates en raison des rapports de force circonscription par circonscription. D’autant que, selon Ipsos, les triangulaires seront, comme prévu, très nombreuses : de 285 à 315. Dans ces configurations, tout dépendra de ce que les différents candidats toujours en lice décideront, sur fond de barrage à l’extrême droite. « Avec les désistements, ça va bouger », veut croire, auprès du HuffPost, un stratège de la campagne macroniste. En outre, Emmanuel Macron a appelé dans la minute qui a suivi les résultats à empêcher le scénario qui plongerait la France dans l’irrémédiable.

« Face au Rassemblement national, l’heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour », a-t-il annoncé dans une déclaration à l’AFP. Une formulation à la fois claire et floue, puisqu’elle laisse entendre que ce barrage pourrait, selon les cas, impliquer des candidats de la France insoumise. Mais l’essentiel est là : il n’exclut pas explicitement la formation mélenchoniste de l’équation, focalisant son message sur la lutte contre l’arrivée au pouvoir du RN.

Attal fait « le choix de l’honneur »

Une position renforcée par l’appel clair formulé par Renaissance, annonçant le désistement systématique de ses candidats arrivés en troisième position en cas de triangulaire. Pour la première fois, et même sans le dire, le parti présidentiel ne renvoie pas LFI et le RN dos-à-dos, et délivre en même temps un puissant message politique à ses sympathisants : l’extrême droite est un danger bien plus immédiat que quelques élus insoumis dilués dans un large Front populaire. « Pas une voix ne doit aller au Rassemblement national », a justifié Gabriel Attal, expliquant faire « le choix de l’honneur ».

En parallèle, les partis de la coalition de gauche ont, eux aussi, annoncé qu’ils se désisteraient au deuxième tour en cas de position défavorable dans une triangulaire. Ce qui signifie qu’une part importante de ces matchs à trois vont se transformer en duels. Et que c’est une tout autre élection qui va se jouer dimanche prochain, dans un contexte où la menace RN n’a jamais été aussi pressante. « La victoire du RN n’est pas inéluctable, mais elle va être difficile à éviter », soupire un ministre auprès du HuffPost, lequel plaidait dans son camp pour une consigne claire au second tour.

Cette France qui veut éviter la catastrophe

Autre critère à prendre en compte, la dimension locale de ces élections, même si, et Fabien Roussel l’a montré à ses dépens, l’implantation et la notoriété peuvent aussi céder face à la vague brune. D’autant que certains, à droite, ne s’inscrivent pas du tout dans l’optique d’un front républicain, préférant, à l’instar de l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy, barrer la route à « l’extrême gauche » que d’empêcher Jordan Bardella s’installer à Matignon.

Par ailleurs, Les Républicains (canal historique) n’appellent pas à faire barrage au RN, et laissent leurs candidats arrivés en troisième position en triangulaires seuls face à leur conscience. La question se pose par exemple dans la circonscription de François Hollande pour le candidat LR Francis Dubois.

Enfin, il faudra aussi prendre en compte la dynamique des prochains jours, à l’heure où de nombreuses personnalités et organisations de la société civile tirent déjà la sonnette d’alarme et que la perspective de voir une France divisée, et potentiellement marginalisée à l’international, devient concrète. Autant d’éléments qui rendent ce second tour difficilement prédictible et qui peuvent donner aux adversaires de l’extrême droite un espoir d’éviter la catastrophe. Et à ce premier tour des airs d’ultime alerte avant l’irréparable.

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