Réforme des retraites, nouveaux visages: comment Marine Le Pen prépare sa rentrée
Marine Le Pen n'a pas le droit à l'erreur et elle sait. Pour la toute première rentrée parlementaire du parti, organisée au Cap d'Agde à partir de ce vendredi, le Rassemblement national veut faire vivre son capital politique en s'appuyant sur ses 89 députés. Les prochaines semaines, entre probable réforme des retraites et budget 2023, doivent démontrer l'institutionnalisation du parti.
"Elle est très sereine, très cool, on a une puissance de feu à l'Assemblée. On est très heureux dans cette rentrée sereine", assure l'un de ses conseillers, auprès de BFMTV.com.
Préparer "une opposition totale"
Après une rentrée en pointillé - entre un entretien à TF1 annulé le soir de la mort d'Elizabeth II et un déplacement à Hénin-Beaumont plutôt discret - l'ex candidate à la présidentielle a mis les pieds dans le plat mardi sur France 2.
Emmanuel Macron "va se trouver confronté à une opposition totale de notre part" sur la réforme des retraites, l'a-t-elle avertie à distance sur France 2.
Pour "le mettre en minorité" comme elle le souhaite sur l'allongement de l'âge de départ, la députée du Pas-de-Calais compte s'appuyer sur les nouveaux visages qui ont pris la lumière lors des premières semaines à l'Assemblée nationale, de Jean-Philippe Tanguy à Alexandre Loubet en passant par Laure Lavalette, et sur des équipes de collaborateurs solides.
Se connaître
"On va présenter tous nos assistants parlementaires, l'organigramme officiel des différentes responsabilités au sein du groupe. Le but est que tout le monde sache précisément qui fait quoi", détaille le député Thomas Ménagé.
Marine Le Pen elle-même a découvert le jour de sa rentrée au Palais-Bourbon des députés qu'elle n'avait encore jamais croisé. "On ne se connaît pas tous encore très bien", résume pudiquement un membre du groupe. Une vingtaine d'entre eux n'avait d'ailleurs aucun mandat local avant d'arriver dans l'hémicycle.
De quoi contraindre le parti à avoir besoin de cadres très expérimentés. La consigne a cependant été passée de ne pas se précipiter pour le recrutement des collaborateurs et passer au tamis tous les candidats crédibles.
"On sait qu'on est attendu au tournant, on ne voulait pas se retrouver avec des profils un peu limite", traduit un cadre du parti.
Cadrer les députés
Pour aider les parlementaires à leur arrivée, Marine Le Pen avait donc donné consigne à Renaud Labaye, le secrétaire général du groupe et à Sébastien Chenu, de les encadrer.
Preuve de l'importance de la mission: chaque député est invité à passer dans le bureau de ce dernier, désormais vice-président de l'Assemblée nationale, quelques heures avant les questions au gouvernement, pour répéter sa prise de parole dans l'hémicycle. "On borde, on borde, on borde", résume à grand trait un élu.
Pas question de refaire l'erreur du discours de José Gonzales, le député RN qui avait ouvert la session parlementaire en juin dernier, en évoquant sa nostalgie de l'Algérie française.
Plancher sur les sujets techniques
Autre mission de ces journées parlementaires: plancher sur les sujets de fond alors que plusieurs textes très techniques arrivent dans les prochaines à l'Assemblée, entre budget 2023, projet de loi de finances de la Sécurité sociale et énergies renouvelables.
De quoi justifier des séminaires de travail dédiés à ces thématiques et l'invitation de Christopher Dembik, un économiste de SaxoBank, d'après des informations de Politico. Le sondeur Jérôme Sainte-Marie, proche depuis des années de Marine Le Pen, désormais partenaire officiel du parti, sera également là pour dresser un panorama du paysage politique. Le pari est pour l'instant réussi.
"Je suis assez surpris de leurs premiers pas. Ils se débrouillent vraiment bien et on voit que certains chez eux bossent vraiment", reconnaissait d'ailleurs un député Renaissance auprès de BFMTV.com en juillet dernier.
Faire monter de nouvelles figures
Dans un parti qui cherche à se crédibiliser à tout prix en vue de 2027, Marine Le Pen veut faire émerger de nouveaux visages et dépasser la petite dizaine de figures que l'on a beaucoup vu en juin et en juillet dernier. De quoi donner l'idée que le RN est prêt à gouverner avec une armada de ministres potentiels en cas de victoire à la prochaine présidentielle ? "Il y a un peu de ça", sourit un membre du bureau politique.
Avant de prévenir: "pour ceux qu'on ne verra toujours pas à l'automne, ce sera fini. Il y a ceux qui ont envie et pour les autres, tant pis", tout en reconnaissant que le contrôle est maximal sur ceux qui prennent la parole dans les médias.
Une compétition interne qui se veut banale
Dernier objectif des prochaines semaines: réussir sa succession à la tête du parti entre le président par intérim, Jordan Bardella, d'un côté et le maire de Perpignan, Louis Aliot, de l'autre. Si son entourage jure qu'elle ne remettra pas les mains dans le cambouis de la gestion quotidienne du RN, la compétition a un temps tourné au vinaigre entre les deux hommes.
"On est tous derrière Marine avec un seul objectif: 2027. Le reste, c'est des règlements de comptes interne qui n'intéressent pas grand-monde", tranche l'un de ses proches.
La compétition a pourtant un avantage: montrer le visage d'un parti mature, capable d'organiser une élection interne avec deux visages bien identifiés, loin de l'élection de Marine Le Pen à la tête du RN en 2014, face à Bruno Gollnisch. Et de pouvoir montrer que le RN est un parti qui se veut comme tous les autres.