Réforme des retraites : Les caisses de grève montent en puissance

Les caisses de grève montent en puissance dans le mouvement contre les retraites (photo d’illustration prise le 31 janvier 2023 à Toulouse)
Les caisses de grève montent en puissance dans le mouvement contre les retraites (photo d’illustration prise le 31 janvier 2023 à Toulouse)

POLITIQUE - À fond la caisse. Pour faire durer le mouvement social contre la réforme des retraites, certains salariés grévistes peuvent compter sur les « caisses de grèves », ainsi que sur différentes cagnottes mises en place çà et là pour compenser – en partie – les pertes de salaire engendrées par ces journées non travaillées.

Un outil « à peu près aussi vieux que la grève elle-même », rappelle l’historien Stéphane Sirot auprès de l’AFP, d’autant plus précieux aujourd’hui dans un contexte inflationniste et à l’heure où des mouvements reconductibles ont déjà cours plusieurs secteurs.

« Les classes populaires s’appauvrissent. Très rapidement dans le mois, un certain nombre de personnes n’ont plus aucune marge de manœuvre dans leur budget. C’est difficile d’assumer de longues grèves », atteste le sociologue et ancien cheminot Gabriel Rosenman à Mediapart, en confirmant un « renforcement » de ces caisses dans le mouvement actuel contre le projet d’Emmanuel Macron.

Des Canuts lyonnais… À la cagnotte Leetchi

La première trace de cette pratique vient de Lyon et la révolte des Canuts, en 1831, selon le spécialiste, qui prépare une thèse sur le sujet. Ce soutien s’est ensuite répandu à travers des « sociétés de secours mutuel » puis, à la fin du XIXe siècle via les chambres puis les structures syndicales.

Depuis, les centrales ont traditionnellement la main sur ces cagnottes, avec des stratégies parfois différentes. Certaines, comme la CFDT ou Force ouvrière, ont des caisses permanentes alimentées notamment par une part de la cotisation des adhérents. Le budget pour 2023 à la CFDT est de 1 million d’euros, selon Jean-Michel Rousseau, chargé de cette caisse qui gère aussi les actions juridiques. « On a une réserve dont tout le monde parle, de 140 millions d’euros, mis de côté depuis 50 ans » dans laquelle il est possible de piocher au besoin, explique-t-il à l’AFP.

Avec ce système, « on sait dès le début du conflit qu’on indemnise à 7,70 euros de l’heure », explique le syndicaliste. D’autres centrales ont opté pour des caisses non centralisées, secteur par secteur, comme Solidaires qui y voit un gage de « transparence ».

La CGT a réactivé de son côté une « Cagnotte Solidarité CGT Mobilisation », lancée en 2020 sur Leetchi. Elle affiche 820 000 euros, dont 240 000 récoltés uniquement sur les 4 derniers jours. En 2016, elle a aussi été lancée en ligne une « Caisse de solidarité » gérée par Info’Com CGT avec SUD-Postes 92.

Caisse insoumise ou cinéphile

Pour le conflit actuel, cette cagnotte a récolté plus de 500 000 euros (plus de 4 millions depuis 2016) explique Romain Altmann, d’Info’Com CGT, coordinateur de cette caisse. « C’est la première fois qu’on collecte autant en amont des grèves reconductibles », relève-t-il en précisant les conditions pour « prétendre à une aide » : syndiqué ou non, « il faut avoir fait deux jours de grève consécutifs. »

En parallèle de ces cagnottes déjà bien établies, d’autres initiatives fleurissent côté politique ou dans le secteur culturel. Une « caisse de grève insoumise » affiche par exemple plus de 400 000 euros au compteur, abondée par les dons de particuliers et de députés mélenchonistes qui reversent une partie de leur indemnité.

Les insoumis revendiquent par exemple le soutien, à hauteur de 5 000 euros, des salariés de Geodis à Gennevilliers, de ceux de la Clinique Jules Vernes à Nantes ou encore de GRDF en Seine-et-Marne. Dans cette même logique, Mathilde Panot, la présidente des députés LFI, est allée apporter son soutien aux éboueurs en grève à Vitry-sur-Seine et « aux travailleurs du plus grand l’incinérateur d’Europe » ce samedi 11 mars, à l’occasion de la 7e journée de mobilisation contre la réforme. Un chèque de 20 000 euros en main.

Toujours en soutien aux grévistes, plusieurs cinéastes mettent également leurs films à disposition, via une coopérative audiovisuelle, Les Mutins de Pangée. « On va approcher des 500 projections », expliquait le réalisateur Gilles Perret, mercredi, à France Bleu Pays de Savoie. Il revendique 40 000 euros récoltés et en espère jusqu’à 200 000 à la fin de l’opération.

Ce sont les organisateurs qui choisissent ensuite à quelle caisse ils reversent leur cagnotte. Une façon de peser, là aussi, dans le rapport de force que les opposants au texte entretiennent avec le gouvernement.

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