Réforme des retraites : après le 49.3 la comparaison avec le CPE peut-elle tenir ?

Après le 49.3, des opposants à la réforme des retraites évoquent le retrait du CPE en 2006 pour croire encore à une victoire. À raison ?

MOBILISATIONS - L’espoir fait vivre, et visiblement il fait aussi battre le pavé. Ce jeudi 16 mars, Élisabeth Borne a engagé sa responsabilité et celle de son gouvernement en activant l’article 49.3 sur le texte de la réforme des retraites. De quoi enhardir les manifestations en cours dans Paris qui ont convergé vers la place de la Concorde, face à l’Assemblée nationale.

Sur place, certains manifestants dont on peut supposer qu’ils ont passé leur bac avant 2006 n’ont pas hésité à évoquer le CPE, le Contrat Première Embauche. Et ils ne sont pas les seuls. Qu’il s’agisse du député LFI Louis Boyard sur BFMTV, ou du plateau de TF1, où la Première ministre était invitée pour le JT de 20 heures, ils sont nombreux à avoir en tête le projet de loi pour l’égalité des chances et surtout l’issue de l’article 3bis.

Ces quelques lignes qui créaient un contrat spécial pour les jeunes de moins de 26 ans, le CPE, avec deux ans de période d’essai et qui visait à lutter contre le chômage, étaient tombées face à la pression de la rue.

Le jeu de sept ressemblances

À l’époque, le texte porté par le Premier ministre Dominique de Villepin déchaîne les manifestants dans la rue. Là encore d’ailleurs le chef du gouvernement décidé d’accélérer l’examen du texte au Parlement via l’article 45.2.

Les mois de février et mars 2006 sont marqués par d’importants mouvements étudiants et lycéens avec universités et établissements à l’arrêt. Même après l’adoption du texte le 31 mars via une procédure de 49.3, la colère ne s’apaise pas. Dès le début du mois d’avril, les syndicats lancent des appels à une grève interprofessionnelle et refusent toutes négociations avec le gouvernement avant le retrait de la loi. Les manifestants dépassent le million dans la fourchette basse, et des actions chocs sont menées avec par exemple le blocage du pont de l’île d’Oléron. Alors que les tractations reprennent très timidement, le 10 avril, Dominique de Villepin annonce que le CPE ne sera pas appliqué.

L’article 3bis est remplacé par d’autres mesures, le contrat première embauche enterré. Le CPE, un texte donc « voté, promulgué, mais jamais appliqué », résumait jeudi soir le journaliste de TF1 Gilles Bouleau face à Élisabeth Borne.

Ce sont les jeunes qui en parlent le plus, mais...

Pour certains élus et syndicats étudiants ou lycéens, une réédition de 2006 est à portée de main. « La victoire est possible » veut croire le député LFI Matthias Tavel sur Twitter, faisant écho aux espoirs que portaient déjà sur le plateau de Mediapart, Manès Nadel, figure du syndicat La voix lycéenne, déclarant notamment : « Le CPE il était passé et c’est dans la rue qu’on l’a retiré. On va faire pareil avec la réforme des retraites ».

Le 49.3 a d’ailleurs offert un parfait levier à l’opposition politique -et particulièrement à LFI qui mise sur la carte jeune-, pour appeler à poursuivre et durcir le mouvement. Dans un communiqué publié dans la foulée d’une séance chaotique à l’Assemblée, la France Insoumise évoquait d’ailleurs explicitement le CPE.

Mais pour plusieurs observateurs, il n’est pas impossible que cela reste un vœu pieux. Si la mobilisation des jeunes est allée plutôt crescendo depuis le début des mobilisations contre la réforme des retraites force est de constater qu’elle ne s’est pas imposée comme une voix puissante de la contestation.

Or pour envisager de faire monter la pression sur l’exécutif, il faudrait que les jeunes descendent massivement dans la rue, jugeait déjà début mars le leader de la CGT, Philippe Martinez. Son homologue de la CFDT, Laurent Berger partageait encore cette même analysée dans Le Parisien il y a quelques jours : « Pour le CPE, les jeunes étaient massivement dans la rue avec nous. C’est différent aujourd’hui. Ce sont des travailleurs avant tout qui se sont mobilisés ».

Une situation qui pourrait évoluer dans le week-end ?

L’Unef a appelé « la jeunesse à durcir la mobilisation » en rejoignant « massivement les rassemblements intersyndicaux de ce week-end » et en manifestant « le 23 mars lors de la journée de grève ». Plus radical, le syndicat Alternative enjoint lui à bloquer les lieux d’étude mais aussi les axes routiers, les gares, les ports…

De quoi peser politiquement ? Même sans une jeunesse sur le pavé, les mobilisations des dernières semaines ont, au plus haut, tutoyé les records de participation, sans pour autant faire ciller l’exécutif.

Sur TF1 la Première ministre semblait, jeudi soir, écarter toute issue : « Je le redis [...] On n’engage pas une réforme des retraites, avec le caractère très sensible que ça peut avoir dans notre pays sans la conviction que c’est nécessaire pour assurer l’avenir de notre système de retraites par répartition ». Avec toutefois cette mise en garde particulièrement connue des couloirs de l’hôtel de Rochechouart : « les jeunes, c’est comme le dentifrice : quand ils sont sortis du tube, on ne peut plus les faire rentrer ».

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