"Réfléchissez bien": la Russie menace la Géorgie de connaître le même sort que l'Ukraine

À Tbilissi, les manifestants géorgiens ont réussi, après trois jours d'une vaste mobilisation, à faire reculer leur gouvernement et le Parlement qui entendaient adopter un projet de loi contre "les agents de l'étranger". Moscou dit voir dans cet épisode une tentative de coup d'État dirigé depuis l'étranger et a comparé l'actualité de la Géorgie aux événements survenus à Kiev en 2014.

La Russie a présenté vendredi comme une "tentative" de coup d'État occidental les manifestations massives en Géorgie qui ont contraint le gouvernement à abandonner un projet de loi comparé par ses détracteurs à une législation russe répressive.

Rapprochant la situation de celle de l'Ukraine en 2014, le représentant du ministère des Affaires étrangères russe en Crimée a incité les Géorgiens à y "réfléchir à deux fois" avant de pousser plus loin dans l'opposition à leur gouvernement.

Ces déclarations succèdent à la révocation par le Parlement géorgien du projet de loi contesté après trois jours de manifestations ayant rassemblé des dizaines de milliers de personnes.

Le texte prévoyait l'inscription officielle comme "agent de l'étranger" de toute organisation ou média dépassant 20 % de financement par des capitaux extérieurs à la Géorgie.

Les manifestants comparaient ce projet de loi abandonné à un texte en vigueur en Russie, portant lui aussi sur les "agents de l'étranger" et utilisé pour faire taire les ONG, les médias et les opposants du Kremlin.

Ce retrait a été célébré dans la foulée par des centaines de personnes qui se sont rassemblées près du Parlement pour se réjouir de leur victoire, en brandissant des drapeaux de la Géorgie et des pancartes "Nous sommes l'Europe".

La lecture de Moscou

La lecture de l'événement est cependant bien différente en Russie. La présidence russe a tout d'abord estimé que ce projet de loi décrié n'était qu'un prétexte, voyant dans le mouvement de contestation en Géorgie "la main" des États-Unis s'efforçant de provoquer "un sentiment antirusse".

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a estimé que les manifestations étaient "orchestrées depuis l'étranger", les comparant à la révolution de 2014 en Ukraine, que Moscou considère comme un coup d'État fomenté par l'Occident. Le but est d'obtenir un "changement de régime par la force", a-t-il assuré, sans toutefois étayer ses accusations.

Le représentant du ministère des Affaires étrangères russe en Crimée annexée a livré une analyse similaire. Le post publié sur Twitter par l'institution ce vendredi a superposé l'actualité géorgienne et l'insurrection survenue Place Maïdan à Kiev, en 2014, plaçant même les photos des deux événements en vis-à-vis.

"Les manifestations autour du projet de loi contre 'les agents de l'étranger', qui se sont soulevées à Tbilissi, débouchent sur la réclamation d'une démission du gouvernement", écrit-il.

Avec un avertissement en prime: "Nous recommandons au peuple géorgien de se souvenir d'une situation similaire en Ukraine en 2014 et de ce à quoi elle a finalement mené".

La révolution qui a éclaté en février 2014 à Kiev a conduit à la destitution du président ukrainien Viktor Ianoukovytch et à un rapprochement du pays avec l'Europe. Elle a ensuite provoqué la sécession de deux régions du Donbass, protégées par la Russie. Une guerre civile à l'origine de l'invasion russe déclenchée il y a un an.

Moscou évoque déjà l'Abkhazie et l'Ossétie du sud

La présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili - qui revendique son indépendance du jeu des partis et ne cache pas ses dissensions avec le gouvernement de son pays - a salué la victoire des manifestants géorgiens depuis New York où elle se trouve actuellement.

Une localisation qui n'a pas échappé au Kremlin, et sur laquelle le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, s'est appuyé ce vendredi pour brocarder la femme politique, et l'accuser de servir les intérêts des États-Unis. "Elle s'adresse à son peuple non pas depuis la Géorgie, mais depuis l'Amérique", a-t-il lancé, y voyant le signe que "la main bien visible de quelqu'un cherche à provoquer un sentiment anti-russe".

Le porte-parole ne s'en est pas tenu là. Il a poussé d'un cran les menaces de la Russie à la communauté internationale. "Il existe certainement des risques de provocations contre l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud dans le contexte de la situation en Géorgie", a en effet glissé Dmitri Peskov.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Manifestations en Géorgie : "c'est une opposition de toute la société"