Rédoine Faïd condamné à 14 ans de réclusion criminelle dans le procès de l'évasion de la prison de Réau
Il savait qu'il serait condamné. Cette évasion du centre pénitentiaire de Réau le 1er juillet 2018, il l'a justifiée d'une certaine manière par cet attrait pour la liberté qu'il vit comme une "drogue". Il l'a aussi expliquée par les conditions draconiennes de détention qu'il connaît depuis dix ans désormais.
Restait alors à savoir la peine qui pourrait être prononcée pour celui qui était jusqu'alors libérable en 2046. La cour d'assises de Paris a finalement condamné le braqueur de 51 ans, jugé pour sa deuxième évasion, à 14 ans de réclusion criminelle, au terme de sept semaines d'audience, tandis que les avocats généraux avaient requis une peine de 22 ans de réclusion criminelle. Une peine faite "pour les assassins", avait rétorqué la défense.
"14 ans de réclusion dans les conditions qui sont les siennes, ça reste une peine lourde (...), a réagi Me Marie Violleau, l'avocate de Rédoine Faïd. Lui ce qu'il voit, c'est les 14 années supplémentaires, il est à l'isolement dans des conditions extrêment difficiles, c'était le procès de l'évasion mais que, c'était aussi le procès de l'isolement."
Rédoine Faïd a été reconnu coupable d'évasion, d'enlèvement, de séquestration, et de détention d'arme mais a été acquitté du chef de "détournement d'aéronef", une infraction criminelle qui lui faisait encourir l'une des plus grosses sanctions. La cour a en effet reconnu que le détournement n'était pas caractérisé, l'appareil ne transportant pas de passagers au moment des faits.
Cette peine de prison ne pouvant être confondue à celles pour lesquelles il a déjà été condamné, le détenu, s'il ne fait pas appel, est aujourd'hui libérable en 2060. Il aura alors 88 ans.
60 heures de délibérations
La cour d'assises de Paris s'était retirée lundi après que les accusés ont eu la parole pour la dernière fois. Initialement annoncé à 17 heures, la salle d'audience a été ouverte aux alentours de 23h30 et le verdict est tombé à 00h30 ce jeudi. Malgré l'heure tardive, la décision a été attentivement écoutée par un public très nombreux, massé sur les bancs de la salle d'audience. Une fois le verdict rendu, les accusés ont pu rester un long moment, à l'abri des regards, avec leurs proches.
Plus de 60 heures de délibérations ont été nécessaires pour répondre à 194 questions sur la culpabilité et la responsabilité de chacun des 12 accusés, dont deux frères et trois neveux du braqueur.
Le 1er juillet 2018 dans la matinée, un hélicoptère manœuvré par un pilote pris en otage s'était posé dans la cour de la prison de Réau, où se trouvaient Rédoine Faïd et l'un de ses frères, Brahim, au parloir. Silencieux pendant l'instruction, le braqueur a servi à la cour d'assises une "masterclass", selon le parquet, de l'évasion.
Rédoine Faïd a décrit une organisation minutieuse de son évasion, profitant de ce qu'il a qualifié de "faille irrationnelle". À savoir l'absence de filins anti-aérien dans la cour de la prison de Réau, qui ont depuis été installés. En "7 minutes 33", le commando a ensuite jeté des fumigènes, forcé les portes à la disqueuse et extrait le braqueur. L'hélicoptère s'était alors envolé sous les applaudissements des détenus. L'évadé avait été arrêté après trois mois de cavale à Creil (Oise), la ville où il a grandi.
Organisation minutieuse
À son procès, Rédoine Faïd a évoqué le "rayon de soleil" arrivé "en plein visage", la "sensation de liberté, le huis clos qui s'ouvre à l'infini", lui qui est à l'isolement strict depuis 2013. Les avocats généraux ont été plus terre à terre dans leurs réquisitions: "Ne vous laissez pas abuser", ont-ils lancé aux jurés, combattant l'image présentée de braqueur aux "principes nobles", à commencer par le fait qu'il n'a pas de sang sur les mains. L'accusation avait rappelé le "traumatisme" dont avait témoigné à l'audience le pilote pris en otage, une arme pointée sur la nuque pendant toute l'opération.
"Si c'était à refaire, je ne le referais pas. J'ai bousillé des vies, traumatisé des gens", avait tout de même reconnu le braqueur au cours de son procès.
Ses deux frères condamnés
Car même si pour organiser cette évasion, Rédoine Faïd assure avoir fait appel à des "professionnels", dédouanant ses proches, dans le box ou sur le banc des accusés, ce sont bien deux de ses frères et trois de ses neveux. Il y a d'abord Rachid, l'aîné de la fratrie, qui a joué les pères de substitution après le départ de leur géniteur. Lui était dans l'hélicoptère, a pris en otage le pilote puis a scié les portes de la prison.
À l'audience, il a reconnu sa participation, sa "seule tricherie" dans une vie à "travailler" et au cours de laquelle il a "toujours aidé les autres". Lui aussi acquitté pour le détournement de l'hélicoptère, il a été condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour sa participation à l'évasion et à la cavale de son frère. Ce dernier a affiché un large sourire à l'annonce de cette peine inférieure aux 18 ans requis à l'encontre du père de famille de 65 ans. Dans la salle, il y avait également une forme de soulagement sur les bancs où se serrait les membres de la famille Faïd.
Autres membres de la famille jugés, deux neveux de Rédoine Faïd, Ishaac et Karoune et Yazid, ont écopé respectivement de 8 et 6 ans de prison. La cour a estimé que le premier était présent dans l'hélicoptère ayant permis l'évasion, et le deuxième avait gérer les voitures utilisées pour l'évasion et la cavale.
Pour les avocats généraux, comme pour ses avocats, Brahim Faïd, le cadet de Rachid et l'aîné de Rédoine, ignorait que ce 1er juillet 2018 en se rendant au parloir de son frère, celui-ci s'évaderait. Il avait d'ailleurs été retrouvé prostré. Mais pas pour la cour qui l'a condamné à un an de prison, entièrement assorti de sursis. Les jurés ont également estimé, que quelques mois avant son évasion de la prison de Réau, Rédoine Faïd avait envisagé une première évasion grâce à l'aide de Jacques Mariani. Ce dernier, lié au grand banditisme, a été condamné à deux ans de prison.