Le braqueur, le "généreux" et "M. tout le monde": la famille "unie" de Rédoine Faïd au cœur du procès

Le braqueur, le "généreux" et "M. tout le monde": la famille "unie" de Rédoine Faïd au cœur du procès

À la gauche dans le box des accusés de Rachid Faïd, 65 ans, son neveu Haroune, un peu plus loin Rédoine, son petit frère de 51 ans. À sa droite, Ishaac, un autre neveu. Face à lui, Brahim, un de ses autres frères âgé de 63 ans, et Liazid, un neveu. Le premier ne veut pas entendre parler du mot "clan" pour qualifier les siens.

"Dans la ville où on est (Creil, NDLR), on ne détient rien. On n'est pas une mafia, on n'est pas des mafieux, c’est juste familial", lance-t-il à la cour d'assises de Paris qui le juge pour sa participation à l'évasion du centre pénitentiaire de Réau de son frère Rédoine le 1er juillet 2018. En cette troisième journée de procès, ce sont les liens du sang qui sont apparus plus fort que tout.

L'histoire de la famille Faïd débute en Algérie où les aînés de cette fratrie de onze, dont Rachid, naissent. Les plus jeunes, eux, naissent en France, dans l'Oise, puis grandissent à Creil, dans le quartier du Plateau puis dans la cité Guynemer. Enfance "heureuse", parents "aimants" et "présents", liens "privilégiés" entre eux, cette famille "très soudée qui s'entraide" s'unit autour d'une figure, celle de leur mère.

"Les enfants Faid ont été éduqués par une maman très autoritaire, dans la droitesse, dans la loyauté, dans l’honnêteté", martèle une proche de cette famille venue témoigner.

Des "monsieur tout le monde"

Tous sont des "monsieur tout le monde", comme le répète Brahim Faïd, lui aussi accusé d'avoir fourni une aide pour un projet d'évasion de son frère en 2017. D'ailleurs, ils déplorent de pâtir de la réputation de leur frère braqueur. "On est onze, et bien c’est tout le monde, avec les cousins, c’est 150. Eux-aussi ils sont atteints", s'agace Rachid, lui-aussi accusé. Vous savez il y a beaucoup de bacheliers dans notre famille, contrairement à ce qu’on véhicule, on a fait des études", abonde son épouse, Nadjah. Rédoine Faïd, t-shirt blanc, acquiesce dans le box.

Tous travaillent, montent des entreprises ensemble, se retrouvent au domicile d'une autre figure, Rebeh, la sœur aînée. Les liens sont forts. Brahim Faïd, qui a toujours nié son implication, est très discret dans la famille. Il ne s’immisce pas dans la vie de ses frères et sœurs. Mais en 2018, alors que son frère Rédoine est incarcéré, et lui en invalidité après un accident au travail, il lui rend visite trois fois par semaine au parloir. Symbole de la solidarité qui règne dans cette famille meurtrie à plusieurs reprises.

La famille connaît en effet des drames: le départ de son père pour l'Algérie à la fin des années 80. À la même époque, leur mère est malade, souffrant d'un cancer. Son décès en 1990 est "une catastrophe". Tous évoquent un moment charnière. Rédoine Faïd a 18 ans. C'est son frère, Rachid, de 14 ans son aîné, qui prend le relais avec leur sœur aîné Rebeh, décédée il y a un an. "C'est un homme de grande valeur", témoigne sa femme Nadjah. "Il a donné sa parole à sa mère sur son lit de mort de veiller sur eux, y compris sur son petit frère. C’est une raison pour laquelle il est devant vous."

"Avant d’être un père, c’était un homme, un frère, j’ai compris certains de ses choix", abonde sa fille adoptive, 22 ans.

"J'ai fait une grosse connerie"

Rachid Faïd, c'est "le pilier", "l'encre", l'astre", la "lumière" de cette famille. Il a toujours "bossé". Après avoir pris en charge ses jeunes frères et sœurs, il a adopté deux enfants en Algérie, il a accueilli l'un de ses frères chez lui pendant quelques mois, puis son neveu et son épouse enceinte. "Il a tout assumé, les choses sont venues à lui, il a tout assumé", souffle sa fille, devant un père en larmes. "Il a une qualité qui est aussi un défaut, il est généreux et il pense toujours aux autres avant lui", abonde l'épouse de Rachid Faïd.

L'autre raison de sa présence dans le box, c'est l'amour. "S’il est là devant vous, c’est à cause de l‘amour pour son frère et pour sa famille", poursuit son épouse, une petite femme à l'air déterminé, chignon ramassé dans la nuque. Rachid Faïd, qui a déjà aidé auparavant son frère en faisant passer des puces de téléphone en prison, est accusé d'avoir été le "chef" du projet de l'évasion spectaculaire de son petit frère Rédoine et d'avoir pris un pilote d'hélicoptère en otage pour le faire se poser dans la cour du centre pénitentiaire de Réau.

"Je me suis substitué au père et à la mère, consent, sans vantardise", Rachid Faïd, crâne rasé, air bourru. "J’ai jamais été dépassé, il n'y a eu qu’un raté, c’est Rédoine, par rapport à ce qu’il s’est passé après. Peut-être que j’ai raté quelque chose, j’en sais rien."

Rachid Faïd reconnaît avoir aidé son frère à s'échapper. Un geste qu'il "regrette". "C’est mon côté samaritain, je suis comme ça", évoque-t-il, en haussant les épaules, déplorant ne pas pouvoir voir sa femme et ses enfants en raison des multiples transferts dans différentes prisons. Il justifie son geste par les conditions de détention de son frère. "En 2018, il a 40 ans à faire. Moi quand j’entends ça… je n’imagine même pas. Un être humain ne peut pas imaginer ça. (...) Je ne suis pas en train de faire l’emblème de mon frère, j’ai jamais été d’accord avec lui. Il le sait, c’est entre nous."

"Il a besoin de moi", conclut Rachid Faïd. Je peux pas m'imaginer un jour lui dire 'je peux pas t'aider'. Mais j'ai fait une grosse connerie."

Article original publié sur BFMTV.com