Qu'est-ce que la maladie hémorragique épizootique, détectée dans des élevages bovins du Sud-Ouest?
Des cas inédits en France. La maladie hémorragique épizootique (MHE) a été détectée dans trois élevages de l'Hexagone, dans les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques, une première dans le pays.
Affectant cervidés et bovins, la MHE a été détectée en 1955 aux États-Unis et se propage depuis, notamment à l'aune du dérèglement climatique. Ce jeudi, le ministère de l'Agriculture a annoncé mettre en place "des mesures de gestion de cette maladie en lien avec les organisations professionnelles", interdisant notamment de nombreuses exportations pour les exploitants.
• Moins d'1% de mortalité chez les bovins
Dans un communiqué, le ministère de l’Agriculture explique que la MHE est "une maladie virale affectant les ruminants sauvages (notamment les cervidés) et domestiques (bovins et dans une moindre mesure les petits ruminants)". Le virus est transmis d'un animal à un autre par des insectes piqueurs hématophages. La maladie n'est toutefois pas transmissible aux humains.
La MHE provoque des signes cliniques très proches de ceux de la fièvre catarrhale ovine (FCO) tels que: la fièvre, l'amaigrissement, des difficultés respiratoires et de déglutition ainsi que "des œdèmes, saignements, érosions et ulcérations", précise la chambre d'agriculture des Landes.
"Une hydrocéphalie peut être observée chez les fœtus en cas d'infection survenant entre le 70e et 120e jour de gestation", complète-t-elle.
La contamination doit être confirmée par une analyse sanguine puis l'animal mis à l'écart et soigné.
"On observe moins d'1% de mortalité chez les bovins mais le virus peut être très mortel chez les cervidés, avec des taux de mortalité de plus de 90% observés aux États-Unis", indique à l'AFP Stephan Zientara, directeur du laboratoire de santé animale de l'Agence nationale de sécurité sanitaire française (Anses). Néanmoins, en Europe, on ne sait pas encore si les cervidés sont sensibles à la maladie.
• Une maladie détectée aux États-Unis
En effet, la MHE a été découverte pour la première fois aux États-Unis en 1955, où elle affecte particulièrement le cerf à queue blanche. Elle circule par ailleurs en Australie, en Asie, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
Jusqu'à l'an dernier, l'Europe était épargnée. Le premier cas est apparu en octobre 2022 en Sardaigne, puis deux autres - en Sicile et en Andalousie - ont été détectés le mois suivant.
Dans la péninsule ibérique, le suivi des cas dans la faune sauvage et dans les élevages a révélé une remontée progressive du Sud vers le Nord et l'Est ces derniers mois. Les derniers cas recensés par les autorités espagnoles fin août se situaient à moins de 100 kilomètres de la frontière française.
"Il y a une quinzaine d'années on n'imaginait pas que la maladie puisse un jour arriver en Europe", affirmait Stéphan Zientara en mai dernier.
• Le réchauffement climatique en cause
Selon l'Anses, l'arrivée de la MHE sur notre continent est une conséquence du dérèglement climatique qui, à cause de la hausse des températures, donne aux moucherons vecteurs des conditions de développement et de vie plus favorables.
"L'hypothèse la plus probable est que les moucherons ont été transportés à travers la Méditerranée par le vent. Cela expliquerait l'apparition simultanée de la maladie dans plusieurs endroits d'Europe du sud", explique Stéphan Zientara. La souche identifiée en Italie et Espagne est la même que celle détectée en Tunisie un an plus tôt.
"On espère qu'avec l’hiver, le temps sera plus frais et ralentira l'activité des moucherons, mais la MHE peut tout à fait remonter à travers la France", met en garde auprès de L'Express Christophe Brard, docteur vétérinaire et président de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV).
• Des conséquences économiques
Outre le problème de santé que la maladie pose pour les animaux, c'est également une difficulté économique pour les éleveurs. En effet, la réglementation interdit l’envoi vers d'autres pays de l’Union européenne à des fins d’élevage de tout ruminant provenant des exploitations situées dans un rayon de 150 kilomètres autour de chaque foyer de contamination. Cette limitation concerne aujourd'hui treize départements du Sud-Ouest.
Des mesures qui inquiètent les agriculteurs concernés. La Confédération paysanne "s'étonne de ces restrictions drastiques" et dénonce "des conséquences dramatiques pour les élevages", malgré la faible mortalité de la maladie.
"C'est donc le revenu des éleveurs et des éleveuses qui est directement menacé par ces mesures commerciales", écrit le syndicat dans un communiqué.
La filière allaitante est très dépendante de l'exportation d'animaux, notamment vers l'Italie et l'Espagne. Avec les présentes restrictions, les exploitants vont pour l'heure devoir garder les bovins, et donc s'en occuper et les nourrir, alors que ce n'était pas prévu.
La Confédération paysanne demande une révision urgente du règlement européen et l'instauration d’un plan d’aide mais surtout "relocalisation de la filière bovine (...) pour diminuer notre dépendance aux exportations".