Qu'est-ce que le revenu universel de base dont Manuel Valls souhaite débattre

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Après le désastre politique du projet de loi Travail, Manuel Valls cherche-t-il à se racheter auprès des jeunes avant les élections de 2017 ? Invité de l'émission “L'interview politique” de Jean-François Achilli sur France Info ce mercredi 20 avril, le premier ministre Manuel Valls a annoncé qu'il fallait ouvrir un grand débat sur le revenu universel à partir du rapport du député Sirugue, qui propose une réforme en profondeur des minima sociaux.

Le mot est laché. “Il faut ouvrir un grand débat sur le revenu universel“, a déclaré le chef du gouvernement. C’est la première fois qu’un premier ministre de la Cinquième République ose parler du revenu de base universel comme d’une réforme possible. Le rapport, remis à Manuel Valls lundi 18 avril, tient son nom de son auteur, le député socialiste de Saône-et-Loire Christophe Sirugue, sollicité par Matignon pour réfléchir à la manière de simplifier le système complexe des prestations sociales françaises.

La réforme remplacerait intégralement une dizaines d'aides existantes en fusionnant le RSA, l’allocation adultes handicapés (AAH) et huit autres minima sociaux pour les ouvrir aux jeunes et mieux indemniser les Français, et ainsi offrir à tout citoyen les mêmes services "selon les mêmes règles quand ses ressources viennent à manquer, tout en bénéficiant d’un dispositif complémentaire qui corresponde aussi à ses propres spécificités“. N’existeraient alors plus que deux revenus complémentaires, en plus du socle commun : d'abord “un complément d’insertion” permettant à tout actif de plus de 18 ans de bénéficier d’un accompagnement ad hoc, ainsi qu’un complément de soutien pour préserver les ressources des personnes en situation de handicap ainsi que des personnes âgées”, précise le rapport.

Un revenu de base…

Quand on regarde le texte publié par Manuel Valls sur Facebook, le projet du gouvernement est finalement assez différent d'un revenu de base universel. Les concepts d’allocation universelle (AU), revenu de base ou salaire à vie ont en commun le principe de rémunération inconditionnelle des citoyens : une somme d'argent allouée régulièrement et inconditionnellement par l'État à tout citoyen. L'éventail des objectifs et effets attribués à ce principe est particulièrement large : résoudre la problématique du chômage et des pensions, simplifier le système de sécurité sociale ainsi que le système fiscal, égaliser le statut des indépendants avec celui des salariés en matière de sécurité sociale, réduire… ou augmenter le salaire minimum, limiter les écarts de richesse, rationaliser la politique monétaire et industrielle… Bref, une rupture complète avec le dogme selon lequel seul le travail peut procurer un revenu.

Ces SRIC (comprennez Système de Rénumération Inconditionnelle des Citoyens) ont des partisants -et des détracteurs - à droite comme à gauche. Car il n'y a pas un, mais des SRIC. On peut identifier (de façon simplifiée) trois courants, se distinguant selon l'objectif poursuivi et la façon de le réaliser :

  • libéral, qui voit notamment dans le “revenu de base” un moyen pour négocier une baisse du salaire minimum légal ;

  • collectiviste, proposant un “salaire à vie” au moins égal au salaire minimum légal actuel, financé par la collectivisation des moyens de production ;

  • synthétique, proposant une “allocation universelle” égale au salaire minimum légal actuel, financée par la nationalisation des grandes sociétés et la distribution égalitaire de la création monétaire.

Qui n'en est pas un !

Manuel Valls serait-il prêt à changer ainsi la face de notre société ? Loin de là, et c’est Christophe Sirugue, en charge du rapport, qui le dit très explicitement. Son scénario “ne propose pas de mettre en place une forme de revenu universel”, prévient-il, “les effets économiques et sociaux d’une telle mesure [le revenu universel] sont d’une telle ampleur qu’ils dépassent largement le cadre de la lutte contre la pauvreté et touchent des questions bien plus larges et aussi vastes que l’efficacité d’ensemble de notre modèle de protection sociale comme de notre système fiscal ou encore l’avenir du travail dans l’économie contemporaine”. Le scénario privilégié par Christophe Sirugue consisterait donc à créer une couverture socle commune.

Joli glissement de sens : quand le premier ministre parle de revenu de base, il entend en fait “revenu minimum d'existence”. D’ailleurs sur Facebook, le chef du gouvernement a clairement expliqué qu’il ne souhaitait pas “une allocation versée à tous, y compris à ceux qui disposent de revenus suffisants – cela serait coûteux, et n’aurait aucun sens – mais une allocation ciblée, versée à tous ceux qui en ont vraiment besoin”. L'objectif du gouvernement : faire sortir le revenu universel “des slogans pour devenir une réelle proposition, soumise au débat démocratique”, souligne Manuel Valls. L'imagination au pouvoir qu'il disait…