Quatre enseignements à tirer des élections législatives françaises

Quatre enseignements à tirer des élections législatives françaises

Pour la deuxième fois en moins d'un mois, le pouvoir en place, celui du président Emmanuel Macron, a été durement devancé par le Rassemblement national (RN), parti d'extrême droite. Ce dernier arrive en tête au premier tour des élections législatives anticipées du pays.

Pour rappel, Emmanuel Macron a dissous l'Assemblée nationale et convoqué des élections anticipées le 9 juin, après que le RN a remporté les élections européennes, obtenant plus du double des voix de ses candidats.

La décision d'Emmanuel Macron a été décrite par des commentateurs comme un stratagème pour retrouver la majorité absolue perdue il y a deux ans, ou alors, comme un pari dangereux qui pourrait permettre à l'extrême droite de diriger pour la première fois le pays.

Euronews vous présente les principaux enseignements de ce premier tour.

L'extrême droite fait des progrès historiques

Le Rassemblement national (RN), dirigé par Jordan Bardella, 28 ans, semble avoir consolidé sa position de principale force politique du pays en obtenant plus de 33% des voix au niveau national.

Si ce score est confirmé dimanche prochain lors du second tour, le parti pourrait obtenir entre 230 et 280 sièges, soit seulement neuf sièges de moins que la majorité absolue.

M. Bardella s'est engagé dimanche à être "le premier ministre de tous les Français [...] respectueux de l'opposition, ouvert au dialogue et soucieux à tout moment de l'unité du peuple", tout en s'en prenant à l'alliance d'Emmanuel Macron et au Nouveau Front populaire de gauche.

Le second tour, a-t-il ajouté, sera "l'un des (votes) les plus décisifs de l'histoire de la Cinquième République".

Le bond de l'extrême droite au premier tour constitue une performance historique pour le parti et dans l'histoire de ses chiffres aux législatives.

En 2017, le Front national a obtenu 13 % des voix au premier tour et en 2022, il a obtenu 18 % des voix.

Tara Varma, chercheur invité à la Brookings Institution à Washington DC, a déclaré à Euronews que "ce que nous voyons, c'est que les gens n'ont plus honte de voter pour le Rassemblement national".

"Non seulement ils n'ont plus honte de le faire, mais ils n'ont plus honte de le dire", a-t-elle ajouté.

Même si un cas de figure où le RN obtiendrait la majorité absolue au Parlement n'est pas "le plus probable", cela ne peut être "exclu", a-t-elle ajouté.

La grande défaite de Macron

Trois semaines après avoir subi une défaite cuisante aux élections européennes, la coalition d'Emmanuel Macron, Ensemble, a reçu un nouveau coup dévastateur, en arrivant en troisième position avec seulement 21 % des voix au niveau national.

Cela représente respectivement 12 et 7 points de moins que le parti d'extrême droite, le RN et la coalition de gauche Nouveau Front Populaire (NFP).

Environ 300 de ses candidats sont encore en lice pour obtenir un siège dans l'hémicycle de 577 sièges. Mais si son score au premier tour est confirmé dimanche prochain, la majorité présidentielle pourrait perdre jusqu'à 180 sièges et ne conserver qu'entre 70 et 100 députés.

Si aucune autre alliance n'obtient la majorité absolue, Emmanuelle Macron pourrait en théorie tenter de former une coalition gouvernementale, mais cela serait difficile à organiser.

French President Emmanuel Macron leaves the voting booth before voting in Le Touquet-Paris-Plage, northern France, Sunday, June 30, 2024.
French President Emmanuel Macron leaves the voting booth before voting in Le Touquet-Paris-Plage, northern France, Sunday, June 30, 2024. - Yara Nardi, Pool via AP

Le camp présidentiel a rejeté à plusieurs reprises toute idée de travailler avec La France insoumise (LFI), Emmanuel Macron lui-même ayant déclaré que si le RN ou LFI accédait au pouvoir, cela conduirait à une "guerre civile".

Les partis qu'Emmanuel Macron pourrait donc essayer de rallier à une coalition plus "modérée" seraient les socialistes, les Verts et les Républicains, à droite.

Mais il n'est pas certain qu'ils puissent trouver une zone d'entente ou qu'ils disposent ensemble des 289 sièges nécessaires.

Existe-t-il un "front républicain" contre le RN ?

Dans les minutes qui ont suivi les résultats, les dirigeants politiques de gauche ont commencé à appeler à un "front républicain".

Ils se sont engagés à retirer les candidats arrivés en troisième position et qualifiés pour le second tour, afin d'empêcher le RN de remporter des sièges.

C'est le cas de la LFI, des socialistes, des Verts et des communistes, mais aussi de certains membres de la macronie.

"Je le dis avec toute la force que chacun de nos électeurs doit rassembler. Pas une seule voix ne doit aller au Rassemblement national", a déclaré le Premier ministre Gabriel Attal dans son discours de ce dimanche.

D'autres membres du camp Macron ont appelé leurs électeurs à ne pas soutenir les membres de LFI, estimant que ni le RN, ni le parti de Jean-Luc Mélenchon, qui fait partie de la coalition de gauche, ne devraient obtenir de nouvelles voix.

Pour Mathias Bernard, spécialiste de l'histoire politique française et président de l'université de Clermont Auvergne, "les désistements ou, à l'inverse, les triangulaires sont la clé de l'élection".

"Si chacun des trois blocs fait cavalier seul au second tour, le RN a toutes les chances d'obtenir la majorité absolue. S'il y a une sorte de 'front républicain', ce sera plus difficile pour le RN", a-t-il déclaré à Euronews.

"Toutefois, il n'est pas certain que ce "front républicain" se matérialise, a-t-il ajouté.

Protesters gather at Place de la République in Paris on Sunday after the first round of legislative elections.
Protesters gather at Place de la République in Paris on Sunday after the first round of legislative elections. - Louise Delmotte/AP Photo

Forte participation aux élections anticipées

Plusieurs électeurs ont déclaré à Euronews avant le vote qu'ils étaient déçus par les politiques du président et qu'ils voulaient du changement.

La participation, qui est souvent faible en France, a augmenté de manière significative lors de ces élections.

Au premier tour des élections législatives de 2017 et 2022, le taux de participation n'avait pas atteint 50 %, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Le premier tour de ce scrutin a vu la participation grimper à 66,7 %.

"La forte participation et le nombre réduit de candidats ont conduit à un nombre sans précédent de scrutins à trois au second tour", selon Célia Belin, directrice du bureau parisien du European Council on Foreign Relations.

Le refus de la coalition présidentielle de se retirer systématiquement en cas de présence de candidats LFI pourrait toutefois "accroître la confusion des électeurs anti-RN quant à la meilleure marche à suivre", a-t-elle déclaré.

Manon Aubry, députée européenne de gauche, a déclaré dimanche à la presse qu'elle avait rencontré de nombreux jeunes qui votaient pour la première fois, lorsqu'elle s'est rendue aux urnes, à Paris.

"Cette mobilisation, en particulier dans les quartiers défavorisés, devrait être saluée et amplifiée", a-t-elle déclaré.

Les résultats ont également suscité des manifestations dans tout le pays, des milliers d'électeurs de gauche s'étant rassemblés pour s'opposer à l'extrême droite.