Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2024 : Non à la double peine sanitaire !

« Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2024 : Non à la double peine sanitaire ! » - la tribune d’Hadrien Clouet, député LFI de Haute-Garonne. (Photo d’illustration)
HJBC / Getty Images « Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2024 : Non à la double peine sanitaire ! » - la tribune d’Hadrien Clouet, député LFI de Haute-Garonne. (Photo d’illustration)

POLITIQUE - Le nombre des arrêts maladie augmente en France. C’est naturel : le nombre de salariés s’accroît, ils vieillissent et sont maintenus de force au travail après 60 ans. C’est aussi logique : les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ont été liquidés et un quart des sections de l’inspection du travail sont privées d’inspecteur titulaire. La maltraitance est en roue libre. En 2022, 42% des salariés ont ainsi connu au moins un arrêt maladie.

Mais au lieu de prévenir ces maladies, voilà le gouvernement occupé à punir ceux qui sont atteints. C’est ce que prévoit le projet de loi de financement de la sécurité sociale, imposé par 49-3. Son objectif, aller chercher 3 milliards d’euros dans les poches des salariés en arrêt.

D’abord, il limite à trois jours maximum d’arrêt maladie par le biais de la téléconsultation. Voici bien un projet aveugle aux territoires. Si vous avez 116 généralistes pour 100 000 habitants comme à Paris, vous pouvez trouver un rendez-vous ; faites la même chose dans le Lot-et-Garonne, avec 72 généralistes seulement, un tiers de moins !

Un projet aveugle aux territoires

Ensuite, il permet aux patrons de désigner les médecins qui contrôleront les arrêts de leurs salariés. C’est une attaque inouïe contre l’éthique médicale. Alors que la médecine libérale a été historiquement justifiée par son indépendance vis-à-vis des comptes publics (le docteur ne consulte pas les comptes de la Nation avant de signer une prescription – tant mieux !), la voici placée sous tutelle. Il faudra plaire aux patrons pour être désigné contrôleur.

Tout cela témoigne d’une incompréhension totale de la part du gouvernement. Les arrêts ne sont pas seulement un droit au confort individuel (avoir le temps de se soigner), mais bien un droit à la protection collective (aller au travail sans être contaminé par les collègues malades). Dissuader les salariés de poser un arrêt maladie signifie qu’ils iront travailler malades, et que les entreprises se transformeront en véritables foyers de contagion à chaque résurgence d’une maladie. À la fin, les coûts pour l’Assurance Maladie exploseront. Il vaut toujours mieux garantir quelques jours d’arrêt à celui ou celle qui est atteint, plutôt que de devoir arrêter tout le bureau ou tout l’atelier. De même, il vaut toujours mieux accorder un arrêt dès le début du mal, plutôt que d’attendre le développement de la pathologie et consentir en dernière extrémité un arrêt bien plus long, le temps de se remettre !

Cette chasse aux malades est immorale. Elle frappera les plus défavorisés en matière de santé : on ne choisit pas de tomber malade ! Débutant dans le métier, en poste industriel, malade chronique, résident d’un désert médical : voilà les profils les plus exposés aux arrêts maladie. Donc, si la prévalence et la contagion d’une maladie dépendent de l’organisation de la société, c’est un sujet politique. Comment justifier de s’en prendre aux victimes ?

Une telle stratégie ne répond pas à la question fondamentale : quel niveau d’arrêts maladie le gouvernement juge-t-il normal ? À partir de quel niveau les gens sont-ils mis en danger ? En dessous de quel niveau la réalité est-elle masquée ? Les équations comptables n’en disent rien, si ce n’est qu’elles comptent les malades comme une charge, plutôt que de définir les maladies comme un problème.

La protection des arrêts maladie soutenue par 5 groupes parlementaires

On peut faire mieux, à condition de faire l’inverse exact des propositions gouvernementales. Une majorité parlementaire est déjà possible : des députés de cinq groupes parlementaires ont signé une même proposition de loi pour protéger les arrêts maladie. Le PLFSS 2024 n’est donc pas une fatalité.

Que faire ? Avant tout, miser sur la prévention. Éviter que la maladie survienne, en rétablissant les critères de pénibilité supprimés par le gouvernement – charges lourdes, vibrations, travail de nuit. Ou la détecter avant même qu’un symptôme n’apparaisse, grâce à de véritables examens médicaux, préalables à l’embauche, périodiques durant la carrière, et ouverts aux chômeurs : avant, pendant et entre les emplois.

Mais pour casser immédiatement les chaînes de contamination, il est urgent d’indemniser les malades dès le premier jour d’arrêt, plutôt que de leur imposer la double peine d’être à la fois souffrants et privés de revenus. C’est le cas en Alsace-Moselle, et on n’y constate pas plus d’arrêts qu’ailleurs !

Le seul obstacle à la reconstruction d’un système rationnel de santé au travail, c’est donc le 49-3 d’Élisabeth Borne, qui interdit tout débat parlementaire sérieux. Les fossoyeurs de la Sécu ne tiennent que par la force et la brutalité. Ils misent sur le découragement, mais ils créent les majorités qui les renverseront.

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