Le profilage de nos données personnelles a de réelles conséquences sur nos vies

En 2021, un vendredi, je suis entrée dans un hôtel d’Exeter, en Angleterre, à 17 heures, 57 minutes et 35 secondes. Le lendemain matin, j’ai conduit pendant neuf minutes pour me rendre à l’hôpital voisin. J’y suis restée trois jours. Le trajet de retour, qui dure normalement une heure quinze, m’a pris une heure quarante. Pourquoi cette vitesse ralentie ? Parce que je transportais mon nouveau-né à l’arrière.

Il ne s’agit pas d’un extrait de mon journal intime. C’est ce que Google sait du jour de la naissance de ma fille, rien qu’avec mon historique de géolocalisation.

Et les données personnelles amassées par d’autres entreprises ce week-end-là leur permettent d’en savoir beaucoup plus encore. Netflix se souvient que j’ai regardé plusieurs comédies légères, dont Gilmore Girls et Comment se faire larguer en 10 leçons. Instagram a noté que j’avais liké un post sur l’accouchement déclenché et que je ne me suis pas reconnectée pendant une semaine.

Et alors ? Nous savons tous aujourd’hui que la moindre de nos activités en ligne est suivie et que les données collectées sont extrêmement détaillées et s’accumulent en continu. D’ailleurs, peut-être appréciez-vous que Netflix et Instagram connaissent si bien vos goûts et préférences.

“Il y a de quoi être horrifié”

Pourtant, les enquêtes et procès se multiplient et dressent un tableau où la collecte de nos données a une incidence nettement plus insidieuse que ce que la plupart d’entre nous imaginent. En me penchant sur le sujet, j’ai découvert que la collecte de mes données personnelles pouvait avoir des conséquences sur mes perspectives professionnelles, mes demandes de crédit et mon accès aux soins.

Le profilage de nos données personnelles a de réelles conséquences sur nos vies.. Dessin de Martin Tognola paru dans “The Wall Street Journal”, New York.
Le profilage de nos données personnelles a de réelles conséquences sur nos vies.. Dessin de Martin Tognola paru dans “The Wall Street Journal”, New York.

Autrement dit, cette pratique a potentiellement des répercussions sur ma vie dont je n’ai même pas idée. “C’est un immense problème, et chaque jour il y a de quoi être horrifié”, résume Reuben Binns de l’université d’Oxford.

On pourrait croire qu’avec la mise en place en 2018 du RGPD (Règlement général sur la protection des données) – la loi européenne qui permet aux internautes de mieux contrôler la collecte et l’utilisation de leurs données personnelles –, les questions de vie privée ont été essentiellement résolues. Après tout, il suffit de ne pas accepter les cookies pour ne pas être pisté, non ? Alors que je tiens ce raisonnement devant Pam Dixon, représentante du World Privacy Forum, elle part dans un grand éclat de rire incrédule. “Vous croyez vraiment ça ? me lance-t-elle.

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