Procès de Rédoine Faïd : le « roi de la belle » jugé pour son évasion spectaculaire de la prison de Réau

Rédoine Faïd, ici sur un avis de recherche lancé par Interpol en 2013, sera jugé aux assises à Paris pendant sept semaines.
Rédoine Faïd, ici sur un avis de recherche lancé par Interpol en 2013, sera jugé aux assises à Paris pendant sept semaines.

JUSTICE - Braquages, évasions, cavales, incarcérations… Sa vie est rythmée par ses crimes et ses condamnations. Rédoine Faïd, figure du grand banditisme français, surtout connu pour ses évasions rocambolesques, est de nouveau jugé à partir de ce mardi 5 septembre à Paris.

Aux côtés de onze autres accusés – dont cinq membres de sa famille –, le braqueur multirécidiviste de 51 ans comparaît devant les assises pour sa spectaculaire évasion par hélicoptère de la prison de Réau (Seine-et-Marne) le 1er juillet 2018.

Le HuffPost fait le point sur l’affaire au cœur de ce nouveau procès, qui doit durer jusqu’au 20 octobre.

• Une évasion surréaliste

En dix minutes, c’était fini. Profitant de l’absence de filins de sécurité au-dessus de la prison de Réau − ils ont depuis été installés −, un commando de trois hommes encagoulés, conduit par un pilote d’hélicoptère pris en otage au prétexte d’un baptême de l’air, se pose dans la cour d’honneur du centre pénitentiaire, le 1er juillet 2018, vers 11h.

Pendant qu’un homme reste dans l’hélicoptère, son arme braquée sur la tête du pilote, les deux autres sortent en jetant des fumigènes. L’un monte la garde, Kalachnikov au poing, le second, un brassard « police » au bras, fait sauter à la disqueuse les verrous du couloir des parloirs, où se trouvent Rédoine Faïd et son frère Brahim.

Libéré et « très serein », le braqueur marche « calmement » vers la sortie, selon les témoignages. L’hélicoptère repart sans qu’aucun coup de feu n’ait été tiré. Les images de l’appareil s’envolant loin au-dessus de la prison, filmées par des détenus enthousiastes, avaient fait le tour des médias et embarrassé l’administration pénitentiaire.

Après trois mois de cavale et un renseignement sur une silhouette masculine sous un niqab (voile intégral) à Creil dans l’Oise, la ville où il a grandi, Rédoine Faïd est arrêté à 4h du matin chez l’amie d’un neveu.

Si les investigations ont permis de retracer une partie des préparatifs, de nombreuses questions restent en suspens, notamment sur l’origine de l’arsenal retrouvé, ainsi que sur le financement de l’opération.

• Le lourd passif de Rédoine Faïd

Dans cette affaire, Rédoine Faïd encourt la prison à perpétuité. Et avant même l’issue de ce procès, sa sortie de prison est prévue pour septembre 2046.

Car le détenu purgeait déjà de lourdes condamnations au moment de son évasion. En avril 2018, Rédoine Faïd est condamné en appel à 25 ans de prison pour son rôle d’« organisateur » d’un braquage raté en 2010 à Villiers-sur-Marne, qui a coûté la vie à une policière municipale de 26 ans, Aurélie Fouquet. Puis en mars 2020, également en appel, à 28 années, cette fois pour l’attaque à l’explosif d’un fourgon de transports de fonds dans le Pas-de-Calais en 2011. Cette peine est confondue avec la précédente. Ses pourvois en cassation sont rejetés.

Ces condamnations n’étaient pas les premières. Pour ses « saucissonnages » (des hold-up avec prises d’otages à domicile), Rédoine Faïd a notamment été condamné, en 2003, à 12 ans de réclusion. Il avait déjà écopé, l’année précédente, de 15 ans de prison pour l’attaque à main armée, en 1997, d’un fourgon en route pour Villepinte en Seine-Saint-Denis, au cours de laquelle 2,7 millions de francs (l’équivalent d’environ 600 000 euros actuels) avaient été dérobés. Après plus de dix ans derrière les barreaux, il était sorti au printemps 2009 en libération conditionnelle. L’unique fois où il a quitté licitement une prison.

• Une détention très surveillée

Car déjà, en 2013, il s’était évadé en moins d’une demi-heure de la prison de Sequedin, dans le Nord, utilisant quatre surveillants comme boucliers humains, avant d’être repris six semaines plus tard en région parisienne.

Aujourd’hui détenu à Fleury-Mérogis, Rédoine Faïd est soumis à des mesures de sécurité drastiques en détention, indique l’une de ses avocates, Me Marie Violleau, interrogée par l’AFP. Mais Rédoine Faïd est « serein, combatif », « toujours debout », selon elle. Au cours de l’enquête, il a gardé le silence, sauf pour regretter d’avoir mêlé ses proches à son évasion.

Placé à l’isolement, il a reçu, une fois par mois au parloir, les visites de son « ami » Yazid Kherfi, ex-braqueur devenu médiateur. « Il est solide, il se lève tôt le matin, il me dit “moi je m’accroche je ne me suiciderai pas, je fais du sport, je m’entretiens, je lis beaucoup de livres” », de philosophie notamment, assurait l’an dernier à l’AFP Yazid Kherfi.

• Onze autres accusés

L’évasion de Rédoine Faïd a été construite méticuleusement autour d’une « cellule familiale très resserrée », selon les enquêteurs, ayant pour « chef » le grand frère Rachid, 65 ans, l’un des membres du commando. Brahim, 62 ans, autre grand frère de Rédoine, était au parloir avec lui au moment où le commando armé a investi la prison. Il est aussi jugé.

Le deuxième membre du commando a été identifié comme un neveu du braqueur : Ishaac Herizi, 32 ans. Deux autres neveux sont également accusés d’avoir aidé, notamment pour la logistique ou en jouant les messagers.

Deux autres hommes de leur connaissance comparaissent, notamment pour avoir participé à l’achat de voitures. La logeuse de Creil, qui avait d’abord bénéficié d’un non-lieu, comparaît finalement elle aussi.

Les enquêteurs sont par ailleurs persuadés qu’un « pro de l’aviation » se trouvait à bord de l’hélicoptère Alouette II. Peut-être le troisième membre du commando, qui n’a jamais été identifié. Des mis en cause ont parlé d’un homme surnommé « le Corse », ou « le C. ».

Une figure du grand banditisme corse, Jacques Mariani, sera en tout cas sur le banc des accusés, mais pour un précédent projet d’évasion de Rédoine Faïd de la prison de Fresnes, en 2017 (des faits jugés en même temps que l’évasion de Réau). Selon l’un des coaccusés, Rédoine Faïd aurait pris contact avec Jacques Mariani pour lui demander de financer son évasion, en échange d’une aide à se venger d’un clan corse rival que Mariani tenait pour responsable de la mort de son père. Jacques Mariani « conteste tout », selon l’un de ses avocats, Me Hedi Dakhlaoui.

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