Procès de Rédoine Faïd: minutieuse et millimétrée, son évasion minute par minute de la prison de Réau

Rédoine Faïd est jugé du 5 septembre au 20 octobre par la cour d'assises de Paris pour son évasion spectaculaire de la prison de Réau le 1er juillet 2018. Onze autres personnes sont jugées à ses côtés, soupçonnées de lui avoir apporter leur aide.

Le bruit des pales d'un hélicoptère, les lumières foudroyantes des fumigènes, puis le son d'une disqueuse et les éclats des gerbes d'étincelles. À s'y méprandre, ce pourrait être le scénario de l'un des films d'action dont Rédoine Faïd est friand. Mais c'est celui de l'opération minutieuse et millimétrée menée le dimanche matin du 1er juillet 2018, au sein du centre pénitentiaire de Réau, situé à une quarantaine de kilomètres au sud de Paris. En à peine 7 minutes et 33 secondes, l'objectif est atteint: le braqueur récidiviste s'évade.

Rédoine Faïd, aujourd'hui âgé de 51 ans, est jugé à partir de ce mardi par la cour d'assises de Paris pour, entre autres, évasion, détournement d'aéronef -des faits passibles de la perpétuité-, enlèvement et séquestration d'otage, en bande organisée. Onze autres personnes, dont ses deux frères et trois de ses neveux, comparaissent à ses côtés, pour cette évasion aussi rapide que spectaculaire, et sa cavale qui durera trois mois.

À cette époque, Rédoine Faïd n'en est pas à son coup d'essai. En 2013, il s'était déjà évadé de la prison de Séquedin, dans le Nord. Celui que l'on surnomme "le roi de la belle" était donc surveillé comme le lait sur le feu depuis son transfert à l'automne 2017 à Réau où il était placé à l'isolement et sous le statut de détenu particulièrement signalé. Aucun signe dans son comportement, hormis peut-être son côté observateur, ou dans ses conversations, n'a alerté les services.

• 9h15 - l'arrivée au parloir de Rédoine Faïd, le commando se met en place

À 9h15 ce 1er juillet 2018, Rédoine Faïd entre dans le parloir 50, le dernier au fond du couloir, après avoir été fouillé, comme à chaque fois. La veille, il avait demandé à son frère Brahim, qui le visitait très régulièrement et qui devait lui ramener le programme télé et un exemplaire du journal Le Parisien, de passer le matin. Fan de foot, il disait vouloir profiter de l'après-midi pour regarder les matches de la Coupe du Monde qui se joue à cette époque-là. "Un peu contraint", dira-t-il, Brahim acceptera, et rencontre son frère ce dimanche-là au centre pénitentiaire de Réau.

Au même moment à peu près, à une trentaine de kilomètres de là, le père et fils Lepetit se présentent à l'aérodrome de Lognes, toujours en Seine-et-Marne. Ils ont un cours de pilotage. A 10h16, ils sont dans l'hélicoptère, un Alouette II, un modèle que les élèves ont spécialement demandé. Au bout de quelques minutes, le fils fait part d'une envie pressante. L'appareil se pose à la ferme d'Arcy.

Les passagers changent alors de visage, le pilote Stéphane B. est menacé et frappé. On lui intime l'ordre de se rendre à un endroit désigné par un drapeau rouge. Un troisième homme monte alors, muni de sacs de sport. Direction le centre pénitentiaire de Réau.

• 11h15 - L'arrivée au centre pénitentiaire de Réau

Le bruit de l'appareil se fait entendre dans le centre pénitentiaire de Réau vers 11h10. Le commando le sait: la cour d'honneur du centre pénitentiaire de Réau ne dispose pas de filins anti-aériens. Alors l'hélicoptère peut s'y poser à 11h15. Deux des trois malfaiteurs en descendent, l'un en tenue kaki militaire à une disqueuse en main. L'autre, intégralement vêtu de noir, est muni d'une Kalachnikov. Le troisième menace toujours le pilote et lui ordonne de faire demi-tour pour se repositionner en position stationnaire à un peu plus d'un mètre du sol. La position est difficile à maintenir, le choix de Stéphane B. comme pilote, lors de la préparation de l'évasion, n'a rien d'anodin.

Il est 11h18, des fumigènes sont lancés pour rendre aveugle le seul mirador utile à la surveillance. Pour retracer la suite, il faudra compter sur les images de vidéosurveillance de la prison.

• 11h26 - L'entrée dans la prison

À 11h26 et 39 secondes, la disqueuse commence à se faire entendre, les gerbes d'étincelles sont immortalisées par la vidéosurveillance. Le commando, qui semble connaître parfaitement les plans de la prison, s'attaque à la serrure d'une porte d'intervention, réservée à l'administration pénitentiaire. Quarante secondes plus tard, l'homme vêtu de noir, arme à l'épaule, s'engouffre dans le couloir. Son complice, brassard rouge police au bras, prend sa suite.

Dans la cellule de son parloir, Rédoine Faïd se lève et tape à la porte pour se signaler.

• 11h33 - Rédoine Faïd sort du centre pénitentiaire

L'homme vêtu de noir "cagoulé en noir avec des lunettes sous forme de masque, portant des gants noirs et tenant un sac noir en bandoulière en ventral droit et un fusil d'assaut de type Kalachnikov", se poste à l'entrée du couloir pour faire le guet. "L'individu revient dans le champ de vision de 11h28m05s et 11h33m46s, durant ce laps de temps, il ne cesse de surveiller les deux accès couloir ainsi que la sortie", est-il relevé après analyse des images de vidéosurveillance.

Son complice poursuit son avancée dans le couloir des parloirs. A 11h27m45s, son ombre disparait au fond du couloir. L'enquête démontra par la suite qu'il réutilise la disqueuse pour forcer deux portes. À 11h33m52s, deux hommes arrivent du fond du couloir. En un peu plus de cinq minutes, l'homme vêtu de kaki a fait l'aller-retour allant chercher Rédoine Faïd qui a pris le soin de se changer.

Tout de noir vêtu désormais, le détenu porte la disqueuse. Un gardien dira de lui qu'à ce moment-là, il a l'air "très serein, marchant calmement". Avec son complice, il passe devant le poste de garde, dont la porte reste fermée. Aucun coup de feu n'aura été tiré pendant cette évasion.

Le trio grimpe dans l'hélicoptère, toujours positionné à quelques centimètres du sol. L'image est à peine croyable. Celui-ci décolle sans encombre, et sous les applaudissements des autres détenus, les gardiens ayant interdiction de tirer sur un appareil en vol. Le choix de l'hélicoptère est là encore loin d'être anodin. Seul le modèle Alouette II permettait de supporter le poids d'une cinquième personne: Rédoine Faïd, en l'occurence.

• 12h11 - La dernière trace de Rédoine Faïd

Les enquêteurs ont pu retracer que l'hélicoptère s'est dirigé vers l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle avant d'aller vers la commune de Gonesse. Stéphane B. reçoit alors l'ordre de se poser aux abords d'une zone industrielle sur une petite voie d'accès attenant à la RD370. Le pilote, sous la menace, est libéré, non sans lui avoir fait retirer son polo. L'un des malfaiteurs incendie l'appareil et les quatre hommes s'engouffrent dans une Megane RS noire conduite par un complice. Le véhicule sera retrouvé à 12h30 incendié sur le parking d'un centre commercial à Aulnay-sous-Bois, à un peu de 5 kilomètres de son point de départ.

C'est là que les malfaiteurs sont montés dans un autre véhicule, un Kangoo blanc siglé Enedis. Les autorités perdent la trace ce 1er juillet de Rédoine Faïd à 12h11 à proximité du péage de Senlis sur l'autoroute A1. Le braqueur sera retrouvé trois mois plus tard, à quelques kilomètres. Rédoine Faïd est interpellé le 3 octobre au matin dans sa ville natale de Creil.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Pourquoi Rédoine Faïd est jugé ce mardi aux assises?