Procès de l'affaire Théo: le policier auteur du coup explique à la barre avoir "tout perdu"

Trois policiers sont jugés à partir de ce mardi pour les blessures infligées à Théo Luhaka lors de son interpellation en 2017 à Aulnay-sous-Bois. À la barre, l'auteur du coup est revenu sur son parcours.

Procès de l'affaire Théo: le policier auteur du coup explique à la barre avoir "tout perdu"

"Du jour au lendemain, on vous traite avec la pire des étiquettes, celle de violeur". Le 2 février 2017, Marc-Antoine C. a "tout perdu". Ce jour-là, ce gardien de la paix procède avec ses collègues à un contrôle d'identité sur un groupe de jeunes à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis.

Mais au cours de l'interpellation, le fonctionnaire de police, âgé de 34 ans aujourd'hui, donne un violent coup de matraque à Théo, blessant gravement à l'anus ce jeune de 22 ans.

Malgré une intervention chirurgicale en urgence, Théo, âgé de 28 ans aujourd'hui, garde des séquelles irréversibles. Sept ans après les faits, trois policiers sont jugés devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis. Ce mardi, c'est Marc-Antoine C., principal accusé, qui s'est expliqué à la barre.

"Le regard des gens a changé"

Au premier jour du procès, l'homme est surtout revenu sur son parcours de policier. Au moment des faits, le fonctionnaire n'est en service que depuis quatre ans. Car, après ses études, le trentenaire a d'abord été pompier volontaire pendant plusieurs années avant de s'engager chez les forces de l'ordre "pour servir, pour être utile".

"Je me sentais investi d’une mission, je voulais apporter ma pierre à l’édifice", a-t-il raconté à la barre.

Mais depuis cette affaire, il a "tout perdu". "Mon domicile, ma profession. Du jour au lendemain, on vous traite avec la pire des étiquettes, celle de violeur", a-t-il expliqué.

"J'ai utilisé un coup, qui est à l'origine de cette blessure, qui m'a été enseignée à l'école, un coup légitime", a-t-il justifié, mardi matin en introduction des débats. "J'ai conscience que c'est une blessure grave. Je souhaiterais renouveler ma profonde compassion", avait-il ajouté.

Interroger sur les violences policières, le trentenaire estime qu'aucun policier "ne décide de rentrer dans la police pour commettre des violences". Néanmoins, "quand il doit faire un usage légitime de la force, un policier peut être amené à dévier, à donner un coup", a-t-il répondu.

À l'époque, le fonctionnaire est placé sous contrôle judiciaire et doit pointer chaque semaine.

"J’avais honte d’aller au commissariat. Le regard des gens a changé", a-t-il raconté.

Si ses "proches savaient" qu'il était "incapable de faire ça", le policier a "eu peur des représailles", a-t-il poursuivi.

"Plus d’un se serait pendu à ma place"

Poursuivi pour violences volontaires ayant entraîné une "infirmité permanente", avec les circonstances aggravantes de sa qualité de personne dépositaire de l'autorité publique, avec arme et en réunion, Marc-Antoine C. encourt jusqu'à 15 ans de réclusion criminelle.

"Ça fait sept ans que je porte une épée de Damoclès judiciaire. Quel sera mon avenir?", s'est interrogé le fonctionnaire, expliquant ne pas avoir eu d’enfant à cause de cette échéance.

"On n'est pas des mauvais gars et on se retrouve devant cette cour d’assises avec des peines énormes. J’ai vachement subi dans cette affaire et plus d’un se serait pendu à ma place", a-t-il regretté devant la cour d'assises.

Marc-Antoine C. est toujours en activité, leur hiérarchie ne prononçant des sanctions administratives qu'à l'issue de ce procès pénal. Mais le fonctionnaire ne patrouille plus sur la voie publique et a été affecté dans un service administratif.

Les deux autres policiers, Jérémie D. et Tony H., jugés pour violences volontaires avec circonstances aggravantes, ont également pris la parole, mardi matin, en introduction des débats. Si l'un a exprimé des regrets, l'autre a indiqué n'avoir "pas grand chose à dire à Théo". Le procès doit durer dix jours. Le verdict est attendu le 19 janvier.

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Affaire Théo: le policier, qui a porté le coup de matraque, témoigne