La prix Nobel de la paix Narges Mohammadi, en prison en Iran, s’exprime par la voix de ses enfants

PRIX NOBEL - Ses enfants comme porte-voix. L’Iranienne Narges Mohammadi a été récompensée du prestigieux prix Nobel de la paix 2023 ce dimanche 10 décembre. Mais étant toujours emprisonnée à Téhéran, où elle débute une grève de la faim, elle n’a pu recevoir son prix en personne. Sa fille, Kiana Rahmani, et son fils, Ali Rahmani, des jumeaux de 17 ans, l’ont donc représentée à Oslo, en Norvège. Exilés en France depuis 2015, ils ont lu en français un discours transmis par leur mère depuis sa cellule et dans lequel elle fustige le « régime religieux tyrannique et misogyne » en Iran.

Farouche opposante au port obligatoire du hijab pour les femmes et à la peine de mort, Narges Mohammadi est détenue depuis 2021 dans la terrible prison d’Evin de Téhéran. Derrière les barreaux, elle a cessé de s’alimenter en solidarité avec la communauté Bahaïe, plus importante minorité religieuse en Iran, qui est victime de discriminations dans de nombreux pans de la société.

« Je suis une femme du Moyen-Orient, issue d’une région qui, bien qu’héritière d’une riche civilisation, est actuellement prise au piège de la guerre et la proie des flammes du terrorisme et de l’extrémisme », a-t-elle dit, dans ce message écrit « derrière les hauts murs froids d’une prison ».

La « honte gouvernementale » du hijab

« Je suis une femme iranienne qui est fière et honorée de contribuer à cette civilisation, elle qui est aujourd’hui victime de l’oppression d’un régime religieux, tyrannique et misogyne », a-t-elle ajouté, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, en exhortant la communauté internationale à en faire plus pour les droits humains.

En son absence, un fauteuil surmonté de son portrait est resté symboliquement vide entre ceux de ses enfants. Maintes fois arrêtée et condamnée ces dernières décennies, la militante de 51 ans est un des principaux visages du soulèvement « Femme, Vie, Liberté » en Iran.

Le mouvement, qui a vu des femmes tomber le voile, se couper les cheveux et manifester dans la rue, a été déclenché par la mort l’an dernier d’une jeune Kurde iranienne de 22 ans, Mahsa Amini, après son arrestation à Téhéran pour non-respect du strict code vestimentaire islamique.

« Le hijab obligatoire imposé par le gouvernement n’est ni une obligation religieuse, ni un modèle culturel, mais plutôt un moyen de contrôle et de soumission de toute la société », a répété Narges Mohammadi ce dimanche, toujours par la voix de ses jumeaux, qualifiant de « honte gouvernementale » l’obligation faite aux Iraniennes de le porter.

Des jumeaux séparés de leur mère depuis 8 ans

Dans le discours lu devant la famille royale norvégienne, la militante a dépeint une République islamique « essentiellement étrangère à son “peuple” », dénonçant notamment la répression des opposants, la mise au pas du système judiciaire, la propagande et la censure, le népotisme et la corruption.

Dans l’histoire plus que centenaire du Nobel, Narges Mohammadi est la cinquième lauréate à recevoir le prix de la paix alors qu’elle est en détention, succédant à l’Allemand Carl von Ossietzky, la Birmane Aung San Suu Kyi, le Chinois Liu Xiaobo et le Biélorusse Ales Beliatski.

Les jumeaux de Narges Mohammadi, séparés de leur mère depuis plus de huit ans, disent ignorer s’ils la reverront un jour en vie. « Personnellement, je suis assez pessimiste », a confié sa fille Kiana à la veille de la cérémonie, tandis que son frère Ali se disait au contraire « très, très optimiste ».

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