Présidentielle : Édouard Philippe au défi de faire tourner une machine à vide jusqu’en 2027
POLITIQUE - Comment meubler un seul en scène ? Édouard Philippe connaît le théâtre de ses prochaines ambitions : l’Élysée. La représentation est prévue pour 2027, voire avant si les choses se corsent pour Emmanuel Macron. En attendant, il lui faut écrire son scénario, sans rebuter les spectateurs qui sont tentés d’accorder sa chance au produit.
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Si les ambitions continuent de s’aiguiser dans la sphère politique, le maire du Havre (et président du parti Horizons) est le seul candidat officiellement déclaré pour la prochaine élection présidentielle. Il réunit ses troupes, ce dimanche 26 janvier à Bordeaux, pour une réunion interrégionale. Un temps envisagée, la piste d’un nouveau grand Congrès (comme celui organisé à Paris en 2023) a été écartée. Trop coûteux, pas dans le ton.
Car pour l’ancien Premier ministre, la tâche n’est pas simple. Le voilà sans rôle prépondérant dans la donne actuelle, mais contraint de rester dans le paysage politique sans dévoiler ses cartes trop prématurément. « Il ne veut pas être partout. Mais il ne faut pas que les Français l’oublient », résume un de ses proches à propos de cette équation délicate.
« Pas un sprint, un marathon »
Surtout, ne pas être (trop tôt) sur le devant de la scène. Depuis qu’il a quitté Matignon (contraint par Emmanuel Macron de faire ses bagages en 2020), le maire du Havre cultive une forme de discrétion sur les enjeux nationaux, théorisant la « parole rare. » Une technique de « planqué » pour ses détracteurs. L’envie, avant tout, de ne pas compliquer le sacerdoce de ses lointains successeurs, réplique l’intéressé.
« Moi je ne veux pas gêner le gouvernement. Je ne négocie pas avec le ministre de l’Économie en présentant des lignes rouges, mais des lignes claires », a-t-il ainsi affirmé début janvier dans l’émission « C à Vous », sur France 5, pour sa première interview télévisée de l’année. Une certaine pudeur qui, mise en pratique, débouche sur un océan de tiédeur.
Réunir un conclave sur la réforme des retraites ? Une idée « intelligente », affirme Édouard Philippe. Les concessions faites par le gouvernement au PS ? « Nous sommes allés très loin. » Son avis sur le grand oral de François Bayrou ? « Une déclaration de politique générale, c’est politique et c’est général. » Emmanuel Macron ? Sa mission est « difficile ». Un festival de lapalissades qui risque de durer. Car pour le reste, il va encore falloir attendre, confirme un de ses proches : « Édouard n’est pas dans un sprint, mais dans un marathon. »
En réalité, cette stratégie du silence - déjà éprouvée par ses maîtres Alain Juppé et Jacques Chirac en leur temps - permet à l’ancien Premier ministre de cultiver plusieurs aspects qui semblent entretenir sa popularité. Dis autrement, elle lui offre une stature enviable, au-dessus des péripéties de l’Assemblée nationale. Le tout, sans avoir à dévoiler le fond de son projet.
Quand c’est flou, il y a « Doudou » ?
Ainsi, pas besoin de préciser sa future proposition sur la réforme des retraites, lui, l’ancien cadre des Républicains qui a prôné un temps le report de l’âge légal de départ à 67 ans. Appréciable, quand le Normand jouit d’une popularité intéressante au sein de l’électorat de gauche modérée.
Dans le même esprit, la discrétion médiatique d’Édouard Philippe lui a permis de passer entre les gouttes d’une controverse potentiellement ravageuse cet automne : les coupes drastiques de la présidente de la région Pays-de-la-Loire Christelle Morançais (100 millions d’euros quand le gouvernement en demandait 40) dans divers domaines. Est-ce donc son projet élyséen que de raboter 73 % des crédits alloués à la culture, comme la vice-présidente de son parti ? Jamais, l’ancien locataire de Matignon n’a eu à répondre à ce sujet épineux qui a pourtant fait l’objet de diverses tribunes ou de Unes de presse.
Quand c’est flou, il y a « Doudou » ? Force est de constater que la stratégie fonctionne pour l’instant. Édouard Philippe continue d’engranger des points de popularité dans les sondages. Reste, désormais, à convertir ces données en intention de vote. Une mission sans doute plus difficile encore que celle qui consiste à rester dans l’atmosphère, sans rien (ou si peu) à dire.
En attendant le projet « massif » qu’il promet aux Français, l’ancien Premier ministre espère donc épaissir son matelas d’avance notamment sur les ambitieux présents au gouvernement. Avec un risque : celui de la déception Alain Juppé. Quand le maire de Bordeaux, considéré comme le grand favori de la primaire de la droite en 2016 avec une popularité au Zénith, avait terminé la course battue par François Fillon. Édouard Philippe, qui était son porte-parole, s’en souvient. Bruno Retailleau, qui était le coordinateur de campagne du Sarthois, aussi.
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