Boris Vallaud : « Notre seul objectif est d’être utiles aux Français » - INTERVIEW
POLITIQUE - Outre-mer, hôpital public, précarité étudiante, crèches privées… Les textes mis à l’ordre du jour par les socialistes ce jeudi 23 janvier dans le cadre de leur niche parlementaire entendent répondre à « des enjeux de la vie quotidienne ». Loin des débats « conceptuels » qui agitent souvent la gauche, le PS tente de se recentrer sur les demandes et les besoins des Français.
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Alors que son groupe a, la semaine dernière, majoritairement refusé de voter la censure du gouvernement, le président des députés PS Boris Vallaud rappelle que rien n’est acquis et qu’il restera vigilant sur les derniers arbitrages. « La censure reste sur la table », prévient-il. Entretien.
Le HuffPost. Le premier texte qui sera examiné lors de votre niche est celui pour lutter contre la vie chère dans les outre-mer. Pourquoi lui accorder cette place privilégiée ?
Boris Vallaud: Nous sommes attachés à l’égalité républicaine. Nous considérons que les territoires ultramarins arrivent trop souvent à l’ordre du jour une fois qu’on a parlé de tout le reste. Les outre-mer, ce n’est pas un supplément d’âme. La vie chère est une question récurrente, brûlante, de beaucoup de nos compatriotes. Nous avons été les témoins d’une puissante révolte contre la vie chère en Martinique. Cette contestation n’est pas nouvelle, puisqu’on l’a déjà eue en 2009 en Guadeloupe et en Martinique, en 2017 en Guyane, en 2018 à la Réunion… C’est insupportable. Nous proposons donc une loi importante, sur laquelle nous pouvons avancer. Je tiens à rappeler qu’en moyenne la différence de prix entre l’Hexagone et l’Outre-mer est de l’ordre de +40 %. Souvent à cause de monopoles ou d’oligopoles, il y a un manque de transparence sur les marges. Nous devons donner à chacun la possibilité de vivre dignement.
Les textes de votre niche ont tous été adoptés en commissions. Pensez-vous tous pouvoir les faire passer dans l’hémicycle ?
Oui, je crois que nous pouvons avoir des majorités dans l’hémicycle et faire céder le gouvernement. Cette niche est l’occasion d’un retour au réel en politique. On reçoit des gens dans nos permanences toutes les semaines qui nous parlent de ce qui marche et de ce qui ne marche pas, de leurs problèmes et attentes. Sur le repas à 1 euro pour les étudiants qui souffrent de précarité, pour la santé des Français en instaurant un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, sur l’état des crèches privées dans notre pays, sur la santé mentale, sur l’accès au sport pour tous… Notre travail est de traduire concrètement ces doléances et de leur ramener un maximum de victoires comme nous le faisons dans les négociations avec le gouvernement sur le budget, comme nous l’avons fait depuis 2022, avec 5 lois proposées par les socialistes dans le cadre des niches parlementaires qui sont allées au bout de la navette.
La non-censure n’a valu que pour la première motion. Le gouvernement est sous surveillance.
Mais est-ce vraiment au Parlement de s’occuper, par exemple, des pannes d’ascenseur ?
On met la vie quotidienne de ceux qui n’ont que leur travail pour vivre à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Sur la question des ascenseurs, il y a manifestement une nécessité de se saisir de ces sujets-là. Nos parlementaires ont tenté d’alerter, en vain. On n’est pas dans de l’abstraction ou du conceptuel, on est dans le concret. Il y a 100 millions de trajets par jour qui sont effectués en ascenseur : c’est l’équivalent d’un million de kilomètres. Dans certains immeubles, il y a des pannes chroniques qui pénalisent les personnes âgées, en situation de handicap ou les gens, beaucoup de mères, qui ont besoin de monter les courses. Se préoccuper de cela nous paraît évident.
Une proposition de loi entend accélérer la rénovation énergétique des logements. Est-ce faisable au moment où le gouvernement entend raboter de plusieurs centaines de milliers d’euros « Ma Prime Rénov » ?
Le secteur du bâtiment reste un des principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre. Or nous devons tenir l’objectif d’atteindre une neutralité carbone d’ici 2040. Aujourd’hui, beaucoup de rénovations sont partielles, alors qu’il faut des rénovations globales. Nous proposons un mode de financement radicalement nouveau. Le reste à charge au moment des travaux demeure un frein, la façon de le lever est de faire en sorte qu’il n’y ait rien à débourser lors de ces travaux.
Au Sénat, le gouvernement enchaîne les amendements de dernière minute pour imposer des coupes budgétaires. Est-ce que cela vous semble conforme à la non-censure que vous avez accordée à l’exécutif ?
La non-censure n’a valu que pour la première motion. C’est une mise à l’épreuve de la négociation en cours, le gouvernement est sous surveillance. Nous continuons d’exiger le rétablissement d’un certain nombre de crédits, et notamment les investissements dans la transition écologique.
Ne craignez-vous pas, en fin de compte, d’avoir seulement permis au gouvernement de gagner du temps, et de vous retrouver sans avancées majeures à faire valoir à gauche ?
Non. De premières avancées sont bien là, la discussion se poursuit pour le budget… Et la censure reste sur la table. Certains, sur notre gauche, considèrent que nous n’avons rien obtenu. D’autres, sur notre droite, que le gouvernement aurait trop lâché. La réalité, c’est qu’on a voulu défendre ceux qui ont à se battre contre la fermeture de classes ou qui ont toutes les difficultés à avoir des remplaçants dans l’Éducation nationale. On a obtenu l’annulation des 4 000 suppressions de postes. Pour ceux qui travaillent à l’hôpital, nous avons obtenu une augmentation du budget. On peut considérer que ce n’est pas assez, et c’est mon cas, mais ça constitue quand même une avancée. Lorsque le pouvoir d’achat des Français est attaqué, nous devions être vigilants pour que la taxe sur l’électricité ne revienne pas. Nous continuons de nous bagarrer. Le seul objectif est d’être utile aux Français.
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