Présidentielle en Argentine : Javier Milei, « anarcho-libertarien » sera le prochain président

ARGENTINE - L’économiste ultralibéral Javier Milei sera le prochain président de l’Argentine après avoir remporté ce dimanche 19 novembre le second tour de l’élection présidentielle, a concédé dimanche soir son rival, le ministre centriste de l’Économie Sergio Massa, reconnaissant sa défaite.

Il a largement remporté cette victoire avec 55,95% des voix, contre 44,04% pour son rival, selon des résultats officiels partiels. Les résultats, montrant une avance de plus de onze points pour Javier Milei, ont été communiqués par le secrétariat général de la présidence, avec plus de 86% des votes décomptés.

Javier Milei, 53 ans, « est le président que la majorité des Argentins a élu pour les quatre prochaines années », a déclaré Massa, qui était arrivé en tête au premier tour le 22 octobre. Peu avant l’annonce des résultats officiels partiels, il a indiqué, devant ses partisans réunis à son QG de campagne à Buenos Aires, avoir appelé Javier Milei pour « le féliciter et lui souhaiter bonne chance ».

Javier Milei, a affirmé dimanche soir dans son discours de victoire qu’« aujourd’hui commence la fin de la décadence » et la « reconstruction de l’Argentine ». « C’est une nuit historique pour l’Argentine », a-t-il lancé à plusieurs milliers de partisans, à son QG de campagne à Buenos Aires. « C’en est fini du modèle appauvrissant de la caste, aujourd’hui nous adoptons le modèle de la liberté, pour redevenir une puissance mondiale ».

« Qu’ils s’en aillent tous, qu’il n’en reste pas un seul ! »

Le président brésilien Lula a souhaité « bonne chance et succès » au nouveau gouvernement argentin, dans un message sur le réseau social X dans lequel il n’a pas mentionné le vainqueur des élections de dimanche, Javier Milei.

« Je souhaite bonne chance et succès au nouveau gouvernement. L’Argentine est un grand pays qui mérite tout notre respect. Le Brésil sera toujours disponible pour travailler avec nos frères argentins », a écrit Luiz Inacio Lula da Silva.

L’ex-président américain Donald Trump a félicité Javier Milei sur son réseau social Truth Social, estimant qu’il allait « transformer » son pays. « Je suis très fier de toi. Tu vas transformer ton pays et faire de l’Argentine à nouveau un grand pays », a écrit Donald Trump avant la publication des résultats officiels.

En même temps, l’euphorie a envahi l’extérieur du QG de campagne de Javier Milei, où quelques milliers de partisans ont chanté et scandé deux des slogans fétiches du candidat : « La caste tiene miedo » (La caste a peur !) « Viva la libertad, carajo ! » (Vive la liberté bordel !).

« Qu’ils s’en aillent tous, qu’il n’en reste pas un seul ! » , ont entonné aussi les pro-Milei, agitant des drapeaux jaunes à l’effigie du lion -une image cultivée par Milei lui-même, évoquant sa chevelure-crinière.

Dégager la « caste politique parasite »

L’ampleur de l’écart surprend : des sondeurs avaient ces dernières semaines donné un léger avantage à Milei, mais nombre d’analystes prédisaient un résultat se jouant « au vote près », dans une élection crispée et indécise comme rarement en 40 ans depuis le retour de la démocratie.

Au final, « l’outsider » qui promettait de dégager la « caste politique parasite », les gouvernements peronistes et libéraux se succédant depuis 20 ans, a renversé la politique argentine par un petit raz-de-marée, à hauteur du ras-le-bol d’Argentins éreintés par une économie à genoux.

Une inflation chronique, désormais à trois chiffres (143% sur un an), quatre Argentins sur dix sous le seuil de pauvreté, un endettement pathologique et une monnaie qui dévisse dressent le paysage de ce second tour.

Soins longue durée ou thérapie de choc ? Pour la troisième économie d’Amérique latine, 36 millions d’Argentins étaient appelés à se prononcer entre projets d’avenir on ne peut plus antagoniques.

D’un côté, Massa, politicien accompli, ministre de l’Économie depuis 16 mois d’un exécutif péroniste (centre gauche) dont il s’était distancié. Et qui promettait un « gouvernement d’unité nationale », et un redressement économique graduel, préservant l’Etat-providence, crucial dans la culture argentine.

Milei « comme Scaloni »

Face à lui, Javier Milei, économiste « anarcho-capitaliste » comme il se décrit, polémiste de plateaux TV surgi en politique il y a deux ans. Dégagiste contre la « caste parasite », résolu à « tronçonner » l’« Etat-ennemi » et à dollariser l’économie, laissant mourir le peso argentin de sa belle mort.

Au milieu, des Argentins passés « de crise en crise, et au bord de la crise de nerfs », a résumé Ana Iparraguirre, politologue au cabinet GBAO Strategies.

Ereintés par des prix qui grimpent de mois en mois, voire de semaine en semaine, quand les salaires décrochent, dont le salaire minimum à 146.000 pesos (400 dollars).

« Il faut voter pour le moins pire », s’est résignée Maria Paz Ventura, docteure de 26 ans. « Beaucoup de gens ont peur de (Milei), mais vu comment on va, un changement ne nous ferait pas de mal. Il faut parier ! ».

Milei, « c’est comme Scaloni (le sélectionneur de l’Argentine championne du monde, NLDR) : personne ne croyait en lui, et au final il a bien fait les choses », s’est enthousiasmée après la victoire Sonia Do Santo, une enseignante de 36 ans.

On va prendre des coups »

Très émue, Maria Carballo, architecte de 40 ans, a dit au contraire, avoir en glissant son bulletin « eu envie de pleurer, par peur que gagne Milei. Ses idées m’effraient ».

Milei a capté depuis deux ans un vote « bronca » (colère), mais sa rhétorique, sa volonté d’assécher la dépense publique dans Argentine : un pays où 51 % des Argentins reçoivent une aide sociale, ou son projet de « déréglementer le marché des armes à feu », ont aussi effrayé.

Aussi, le candidat « antisystème » a baissé le ton entre les deux tours. Moins d’apparitions, moins tranchées, et un message : « Votez sans peur, car la peur paralyse et bénéficie au statu quo ».

Seule certitude : quel que soit le vainqueur, il y aura « des décisions économiques rapides qui vont faire mal », affirme Ana Iparraguirre.

Le pays est sous la pression des objectifs de rééquilibrage budgétaire du Fonds monétaire international (FMI), auquel l’Argentine rembourse péniblement un prêt colossal de 44 milliards de dollars octroyé en 2018.

« Quoi qu’il arrive, on ne voit pas un bel avenir. On s’attend à prendre des coups », a grimacé Mariano Delfino, 36 ans, après avoir voté « sans conviction ».

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