"Poutine flirte avec l'apocalypse": les 6 mois de la guerre vus par un spécialiste de la Russie

Michel Eltchaninoff sur notre plateau le 24 août 2022. - BFMTV
Michel Eltchaninoff sur notre plateau le 24 août 2022. - BFMTV

Il y a six mois, l'armée russe envahissait l'Ukraine où la guerre fait toujours rage. Ce mercredi, c'est le philosophe et spécialiste de la Russie, Michel Eltchaninoff, qui était l'invité du Face à face de notre journaliste Apolline de Malherbe pour revenir sur l'événement. Selon l'auteur de l'essai Dans la tête de Vladimir Poutine, l'évolution et l'issue du conflit dépendent entièrement du président russe.

"Vladimir Poutine est dans une politique où il va aux limites du rationnel pour faire plier l'adversaire, et l'adversaire ce sont donc les Ukrainiens mais aussi les Européens et les Américains", a observé l'intellectuel.

Citant les combats autour de la centrale nucléaire de Zaporijia, celui-ci a même repris: "Les Russes flirtent avec les limites de l'apocalyptique. Il est évident que la Russie ne souhaite ni une guerre nucléaire ni un accident mais on est à un tel degré de radicalisation...".

La "mission historique" qui obsède Vladimir Poutine

Une radicalité qui est donc avant tout celle de Vladimir Poutine selon Michel Eltchaninoff: "Il est persuadé qu'il suit une mission historique. Faire retrouver à la Russie le faste de l'empire russe ou de l'Union soviétique, retrouver des terres historiques de la Russie. Il a commencé par la Géorgie, puis la Crimée et le Donbass en 2014".

Le philosophe voit dans cet état d'esprit de l'autocrate du Kremlin l'influence d'Alexandre Douguine, dont la fille vient d'être tuée samedi dans un attentat que la Russie attribue à l'Ukraine malgré les dénégations de Kiev.

"Si Poutine ne passe pas des coups de fil à Douguine pour savoir ce qu'il doit faire, il a été influencé par cette pensée extrême", a-t-il ouvert.

"Douguine est le symbole du front idéologique de cette guerre. Il fait depuis 20 ans l'apologie d'une Russie devant entrer dans une guerre de civilisation à mort". "La Russie serait la civilisation de la terre contre la civilisation de la mer incarnée par les Anglo-saxons", a caractérisé Michel Eltchaninoff.

Le mépris du président russe pour une Europe "décadente"

Et cette vision du monde nourrit l'approche des relations internationales de Vladimir Poutine, assure Michel Eltchaninoff.

"Pour Poutine, l'Europe est faible car elle est démocratique, il considère les valeurs européennes comme décadentes."

De toutes façons, pour le président russe, la situation est simple: il n'a de compte à rendre qu'à son opinion publique. "C'est un homme qui ne supporte pas de perdre, qui ne veut pas perdre la face devant son peuple", a décrit l'essayiste.

Tandis que les autorités ukrainiennes, le président Volodymyr Zelensky en tête, ont affirmé craindre une action particulièrement violente de la Russie à compter de ce mercredi de fête nationale célébrant l'indépendance de 1991, Michel Eltchaninoff a confirmé:

"Vladimir Poutine est prêt à aller très loin. Il a dit que les choses sérieuses n'avaient pas encore commencé."

"Le temps pour lui"

Le spécialiste a estimé que cette guerre, désormais vieille d'un semestre, pouvait encore s'inscrire dans la durée car "Vladimir Poutine a le temps pour lui".

"Il est au pouvoir depuis 22 ans, la constitution - qu'il a modifiée - lui permet d'y rester jusqu'en 2036", a-t-il expliqué.

Autant dire que notre expert n'est pas optimiste quant à l'aboutissement du processus de paix: "S'il y a un arrêt des combats ce ne serait qu'une pause, avec une guerre qui reprendrait un an après par exemple. Une pause qui n'empêcherait pas les Ukrainiens de mener des actions, ou la Russie de préparer une offensive par exemple sur Odessa, l'un de leurs objectifs."

Certes, les rumeurs vont bon train concernant la santé de Vladimir Poutine. Toutefois, Michel Eltchaninoff a appelé à la prudence: "Il y a des rumeurs mais tout dépend d'un état de santé de Vladimir Poutine duquel on ne sait rien". Le 7 octobre prochain, Vladimir Poutine atteindra d'ailleurs ses 70 ans. "Vladimir Poutine fait très attention à sa santé, et il est entouré d'une dizaine de médecins", a achevé Michel Eltchaninoff.

Article original publié sur BFMTV.com