Pourquoi Macron, de retour en Algérie, ne veut pas s’attarder sur les questions mémorielles

Emmanuel Macron, ici à Alger en décembre 2017, a mis en avant les questions mémorielles lors de son premier mandat. Pour le deuxième, il change son fusil d’épaule et choisit la facilité.
NurPhoto via Getty Images Emmanuel Macron, ici à Alger en décembre 2017, a mis en avant les questions mémorielles lors de son premier mandat. Pour le deuxième, il change son fusil d’épaule et choisit la facilité.

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Emmanuel Macron, ici à Alger en décembre 2017, a mis en avant les questions mémorielles lors de son premier mandat. Pour le deuxième, il change son fusil d’épaule et choisit la facilité.

POLITIQUE - Cinq ans après sa première visite, Emmanuel Macron est de retour en Algérie. Il ne s’agit toujours pas d’une visite d’État : l’Élysée la présente comme une visite « officielle et d’amitié », une qualification très proche de celle utilisée lors du déplacement de 2017. Les ressemblances entre les deux seuls déplacements du président en Algérie s’arrêtent là : alors que le premier avait fait la part belle à la dimension mémorielle entre les deux nations, celui-ci se veut « tourné vers l’avenir tout en continuant l’apaisement des mémoires ». Une nouvelle ambition sur laquelle il espère bien ne pas se faire déborder.

Une fois n’est pas coutume, le voyage présidentiel durera plus de 48 heures, entre une arrivée à Alger en début d’après-midi le jeudi 25 août et un départ prévu le samedi 27 dans la journée. Dans la capitale algérienne, le président de la République assistera à une cérémonie d’hommage aux martyrs, avant une visite au cimetière Saint-Eugène pour « rendre hommage aux morts pour la France » indique le Palais.

Sur le plan mémoriel, c’est à peu près tout, si ce n’est la présence au sein de la délégation de Benjamin Stora, historien spécialiste de la Guerre d’Algérie et auteur du rapport qui a inspiré à Emmanuel Macron sa ligne de conduite sur les relations franco-algériennes.

Par rapport au premier quinquennat, où ce thème était au cœur des échanges entre les deux pays, le changement de cap est flagrant. « Le président de la République a fait le choix d’orienter cette visite vers l’avenir : les start-up, l’innovation, la jeunesse, des secteurs nouveaux et pas seulement ceux qu’on évoque régulièrement », assume l’Élysée. Il souhaite « poursuivre le travail d’apaisement accompli sur le plan mémoriel, mais ce n’est pas l’objectif premier de cette visite », ajoute-t-on de même source.

Mission réconciliation

Candidat puis président en 2017, Emmanuel Macron a multiplié les gestes envers l’Algérie pour guérir les plaies : après avoir qualifié la colonisation de « crime contre l’humanité » pendant la première campagne, il a reconnu la responsabilité de l’armée française dans la mort du mathématicien Maurice Audin ou de l’avocat nationaliste Ali Boumendjel.

Cela n’a pas empêché un vent glacial de souffler à l’automne 2021, lorsque le dirigeant français a reproché au système « politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » autour de la guerre d’indépendance, selon des propos rapportés dans la presse. Les restrictions drastiques sur la délivrance de visas, réponse du gouvernement Macron au manque de coopération de l’Algérie sur le retour de ses ressortissants entrés illégalement en France, ont aussi crispé les échanges.

Mais l’Élysée l’affirme, depuis, que l’eau a coulé sous les ponts. Après « quelques années compliquées » sur la question des visas, le Palais assure que la situation évolue de façon positive et présente la venue de Gérald Darmanin aux côtés du président comme un gage de bonne volonté. Quant à la crise liée aux propos d’Emmanuel Macron, « le président de la République a exprimé ses regrets en septembre et depuis, les contacts et échanges avec les autorités algériennes se sont poursuivis, intensifiés et ont abouti à l’invitation du président de la République par le président algérien », tente de balayer le palais.

Preuve, selon la présidence, que les relations se sont assainies : la durée exceptionnelle de la visite, ainsi que le passage du président à Oran, deuxième ville du pays. Sur place, Emmanuel Macron se consacrera à la culture avec un déjeuner avec l’écrivain franco-algérien Kamel Daoud, une démonstration de break dance ainsi que la visite de Disco Maghreb, à la fois boutique et label mythique du raï local remis à l’honneur par le franco-algérien DJ Snake.

« Le président de la République souhaite montrer qu’il veut travailler avec l’Algérie sur tous les aspects de la relation franco-algérienne. Quand il va en Algérie, il veut s’adresser à toute l’Algérie », insiste l’Élysée. Sans avouer que les thématiques culturelles sont bien moins difficiles à aborder que les mémorielles. Le risque de faux pas est donc réduit, pour un président dans son deuxième et dernier mandat, et qui doit en plus faire face en France à une situation politique plus compliquée qu’à ses débuts.

« La priorité, c’est le présent et l’avenir »

Chaque geste d’Emmanuel Macron sur la responsabilité française dans la Guerre d’Algérie lui a valu son lot de critiques en France, de la part de la droite et l’extrême droite. Lors de la célébration des soixante ans des accords d’Evian en pleine campagne présidentielle, Marine Le Pen avait ainsi reproché à son adversaire de « se flageller devant l’Algérie ». La déclaration du candidat Macron sur « les crimes contre l’humanité » avait aussi suscité l’ire de l’extrême droite.

Face à ces critiques, Emmanuel Macron a toujours assumé sa ligne. Mais cinq ans plus tard, le paysage politique n’est plus le même. Réélu moins confortablement face à Marine Le Pen, et ne disposant que d’une majorité relative à l’Assemblée - tandis que le RN y a percé avec 89 députés - le président se prépare à une rentrée politique agitée, après un été et une fin de session parlementaire sur les chapeaux de roues.

Inutile donc d’apporter de l’eau au moulin avec une nouvelle polémique sur la responsabilité de la France en Algérie. « Le président de la République a déjà beaucoup fait sur les questions de mémoire. Il faut et il va continuer à travailler dessus, mais il y a aussi d’autres sujets. La priorité c’est le présent et l’avenir », martèle l’Élysée. Aucune déclaration d’envergure sur le plan mémoriel n’est attendue à l’issue de ce voyage, et à l’Élysée, la gêne est palpable lorsque l’on interroge sur les suites de la demande d’Emmanuel Macron aux autorités algériennes de reconnaître le massacre d’Oran du 5 juillet 1962. Une seule échéance d’ordre mémorielle est fixée à ce stade : l’hommage national aux victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie prévu le 18 octobre aux Invalides. Sans risque.

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