Posologie, contre-indications... Quand et comment prendre de l'ibuprofène sans danger?

Un médicament de moins à la télévision - en tout cas pour l'une de ses versions. Les autorités sanitaires ont annoncé, jeudi 8 février, l'interdiction des publicités grand public pour l'ibuprofène 400mg. L'objectif: limiter au maximum les mauvais usages et leur lot d'effets secondaires, parfois très graves.

Pour la deuxième fois en cinq ans, l'un des médicaments préférés des Français fait l'objet d'une alerte. Aurions-nous une relation toxique avec cet antidouleur du quotidien dont nous avons consommé 34 millions de boîtes en 2022? Six questions pour mieux connaître cette molécule.

• L'ibuprofène, c'est quoi?

Qu'il s'agisse d'un petit cachet blanc, d'un ovale ou d'une gélule bleue, l'ibuprofène, c'est avant tout un médicament de la famille des anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS).

"Cette classe de médicaments comprend de nombreuses substances comme l’ibuprofène mais aussi l’acide acétylsalicylique (aspirine), l’acide niflumique, le diclofénac, le flurbiprofène, le kétoprofène ou le ténoxicam", explique l'Agence de sécurité du médicament (ANSM) à BFMTV.com.

"L'ibuprofène" est l'appellation générique de la substance active. Certaines entreprises en commercialisent sous un autre nom, c'est par exemple de l'Advil, vendu par le laboratoire Haloen.

Plus sournois, de l'ibuprofène être parfois utilisé dans des produits combinant plusieurs molécules. L'iprafeine est, par exemple, un mélange de caféine (100mg) et d'ibuprofène (400mg). Ce qui n'est pas toujours évident aux yeux des malades.

"Nous avons énormément de médicaments avec des noms vraiment différents qui contiennent des médicaments de la même famille", met en garde Eric Myon, le secrétaire général de l'Union nationale des pharmaciens de France.

"Spedifen, Nurofen, ibuprofène, iprafeine...", liste-t-il. On est sur la même famille d'anti-inflammatoires. Vigilance, donc! Il y a des doses à respecter pour ne pas se mettre en danger."

• Quand faut-il prendre de l'ibuprofène?

L'ibuprofène est un produit recommandé "dans le traitement de la douleur, de la fièvre et des inflammations", explique l'ANSM. Arthrose, rhumatismes, migraine, douleur modérée, menstruations douloureuses... L'intérêt de cette molécule est qu'elle permet une réduction efficace de la douleur, tout en étant relativement sûre. Un profil bénéfice-risque favorable justifiant sa mise à disposition en libre-service et donc, sans ordonnance.

Accès en libre-service ne veut pas pour autant dire qu'il faut prendre le médicament sans suivre de consignes. "Il faut toujours prendre la dose la plus faible possible, sur la durée la plus courte possible", et "de préférence au cours d'un repas avec un grand verre d'eau", rappelle l'autorité de santé.

La dose fait le poison. Une ligne rouge doit être gardée à l'esprit: un adulte ne doit pas consommer plus de 1200mg d'ibuprofène par jour, et doit respecter un intervalle de 6 à 8 heures entre les prises de comprimés de 400mg.

"Si au bout de 3 jours on se dit qu'on a encore très très mal, bien sûr qu'il vaut mieux aller consulter un médecin plutôt que de continuer seul avec 10 jours d'anti-inflammatoires en automédication", souligne Eric Myon.

• Enfants, femmes enceintes... Tout le monde peut-il en prendre?

L'ibuprofène n'est pas destiné à tous les publics. Selon l'Assurance-maladie, Les anti-inflammatoires non-stéroïdiens en général sont à éviter:

  • pour les enfants de moins de 15 ans, "sauf si la notice du médicament mentionne clairement qu’il peut être utilisé chez l’enfant, et dans quelles conditions";

  • les personnes âgées de plus de 65 ans;

  • les femmes qui allaitent.

Une "contre-indication absolue" est signalée par le Vidal pour les femmes enceintes, lors des quatre derniers mois de grossesse.

Les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque, hépatique ou rénale sévère doivent aussi éviter la prise de cet anti-inflammatoire.

Comme tout médicament, consultez la notice pour connaître la posologie adaptée, les contre-indications et les effets secondaires potentiels. Enfin, il est conseillé de faire appel à son médecin ou pharmacien pour surveiller le cocktail entre l'ibuprofène et d'autres médicaments ingérés.

• Quels sont les risques d'effets secondaires?

Grâce à la pharmacovigilance, l'Agence de sûreté du médicament a identifié des effets secondaires - comme dans tous les médicaments. Pour les anti-inflammatoires non-stéroïdiens, l'Assurance maladie signale notamment de potentiels troubles digestifs, des éruptions cutanées, une crise d'asthme, des vertiges ou encore un risque de somnolence.

Et que se passe-t-il si la posologie n'est pas respectée? Des atteintes rénales ou cardiaques peuvent être observées, mais également des hémorragies (saignements) gastro-digestives. L'"insuffisance rénale aiguë dysfonctionnelle" touche d'ailleurs particulièrement les personnes âgées, déshydratées, suivant un régime faible en sel, ou ayant d'autres pathologiques cardiaques, rénales ou hépatiques (du foie).

Les anti-inflammatoires comme l'ibuprofène, "en particulier lorsqu’ils sont utilisés à des doses élevées sur des durées prolongées, sont également associés à une augmentation des événements cardiovasculaires (comme l’infarctus du myocarde ou l’accident vasculaire cérébral)", souligne l'agence.

Mais pourquoi tant d'effets potentiellement néfastes? Ils sont la conséquence directe du fonctionnement de ces petits cachets. Comme l'explique le Docteur Tsourounis au New York Times, pour soulager les douleurs, l'ibuprofène bloque l'activité de certaines enzymes.

Or, ces enzymes contribuent au "maintien des fonctions rénales et hépatiques et à la régulation de l'équilibre des fluides et des électrolytes dans l'organisme".

En dépit de ces risques identifiés, la balance entre le service rendu et les effets délétères est claire. "Le Comité pour l'évaluation des risques en matière de pharmacovigilance conclut que les bénéfices de l'ibuprofène sont supérieurs aux risques", assure l'Agence européenne des médicaments.

• L'ibuprofène peut-il cacher des maladies?

Les anti-inflammatoires "peuvent masquer les signes et les symptômes d'une infection, tels que la douleur et la fièvre, et peuvent retarder la mise d'un traitement adéquat, ce qui peut accroître le risque de complications", assure l'Agence de sûreté du médicament dans ses consignes transmises à BFMTV.com.

Un point qui fait tiquer le secrétaire général de l'Union nationale des pharmaciens de France:

"C'est les restes d'une bonne vieille éducation médicale française qui dit 'attention à ne pas cacher les symptômes', donc pas d'antidouleurs etc. Aujourd'hui on est dans un monde où l'accès dans un parcours de soin n'est pas très simple (...) donc dire aux gens qu'il serait bien de souffrir pour être sûr de ne pas rater de diagnostic, alors qu'il n'y a pas de médecin disponible: ça ne sert à rien", prend position Eric Myon.

Dans une interview à France 3, le Dr Philippe Vella, directeur des médicaments antalgiques à l'ANSM, a relevé de 2000 à 2018, "337 cas de complications infectieuses dont 32 décès ont été répertoriés pour l'ibuprofène et 46 cas dont dix décès avec le kétoprofène".

• Pourquoi les autorités sanitaires mettent-elles en place des restrictions?

En 2019, les autorités sanitaires ont décidé de déplacer les boîtes d'ibuprofène, d'aspirine et de paracétamol - aussi connu sous le nom de doliprane - derrière les comptoirs des pharmacies. Une mesure censée réguler la consommation de ces produits par les malades, sans pour autant nécessiter une ordonnance.

Quasiment quatre ans plus tard, dans "la continuité" des mesures de 2019, les autorités ont annoncé l'interdiction de la publicité auprès du grand public pour l'ibuprofène 400mg. La mesure entrera en vigueur le 2 avril prochain.

Pourquoi? Car "les signalements d’effets indésirables graves en lien avec la dose d’ibuprofène (...) ont augmenté parallèlement au nombre de publicités auprès du grand public en faveur de l’ibuprofène 400 mg". Selon nos informations, ils ont même doublé.

Ces mesures s'avéreraient d'ailleurs plutôt efficaces. Depuis quelques années, les pharmaciens constatent une baisse nette de la consommation de ces petits cachets, comme l'explique Eric Myon.

"La presque bonne nouvelle c'est que la population générale a gardé l'idée qu'il ne faut pas consommer trop d'anti-inflammatoires, notre dispensation s'est écroulée depuis le Covid", assure-t-il.

Une prise plus raisonnable qui pourrait aussi coïncider avec des recommandations prises au plus fort de la pandémie, où il était un temps envisagé que l'ibuprofène puisse entraîner davantage de formes graves de l'infection. Un point depuis réfuté plusieurs fois.

Article original publié sur BFMTV.com