Policiers en prison : Gérald Darmanin sommé de réagir aux propos « gravissimes » du DGPN

Le directeur de la Police nationale Frédéric Veaux photographié à Roubaix le 22 mai 2023 (illustration)
Le directeur de la Police nationale Frédéric Veaux photographié à Roubaix le 22 mai 2023 (illustration)

POLITIQUE - Y a-t-il encore un pilote dans l’avion des forces de l’ordre ? Voilà la question que se pose une partie de la classe politique ce lundi 24 juillet, après les propos tenus par le directeur national de la police nationale (DGPN) Frédéric Veaux au Parisien. Dans cette interview réalisée après la colère provoquée par le placement en détention provisoire d’un policier soupçonné d’avoir roué de coups un jeune homme à Marseille, l’intéressé conteste à la fois une décision de justice et prône un traitement spécial pour les forces de l’ordre.

« De façon générale, je considère qu’avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail », ose Frédéric Veaux, en s’opposant donc à la détention de ce fonctionnaire de la Bac, mis en examen pour violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours.

Une analyse pour le moins intrigante sur le plan juridique, mais à laquelle souscrit volontiers le préfet de police de Paris Laurent Nuñez, lequel fut par le passé Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur.

Une entorse à l’indépendance de la justice et une remise en cause de l’un des fondements de l’État de droit, à savoir que chaque citoyen dispose des mêmes droits et devoirs qui a — sans surprise — fait bondir la gauche, qui plaide pour une réforme de la police. « Soutenir la police républicaine ce n’est pas la placer au-dessus des lois ! Le ministre doit réagir aux propos du DGPN », a réagi sur Twitter le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, jugeant dans un second tweet « gravissime » que le préfet de police de Paris puisse soutenir cette déclaration.

« Un coup de force »

Député PS de l’Essonne, Jérôme Guedj s’alarme que cette position très politique soit relayée par le compte officiel de la porte-parole du ministère de l’Intérieur. « Donc le porte-parole de la police relaie une position qu’on imagine personnelle du DGPN, qui s’assied ainsi sur le devoir de réserve. Et qui met la pression sur le ministre, ou joue les poissons-pilotes pour lui. Ça s’appelle un coup de force », s’est-il alarmé.

« L’indépendance de la justice, son autorité républicaine sur tous - y compris les policiers - sont remises en cause par un quarteron de chefs de la Police dans une opération coordonnée qui marque un précédent grave. Le silence du gouvernement marque-t-il sa complicité ? », s’est indigné sur le même réseau social le député écolo Benjamin Lucas. « Alors ? Darmanin, Macron et “l’arc républicain ” refusent d’appeler la police au calme et au respect de la loi ? Donc ils les encouragent à “ faire la guerre” aux “nuisibles” ? Écœurant. L’État ridiculisé », a déploré Jean-Luc Mélenchon, alors que de très nombreux députés insoumis partageaient leur indignation, à l’image de l’élu de Seine-Saint-Denis Bastien Lachaud.

« Si Darmanin ne réagit pas, c’est à Emmanuel Macron de le faire »

Alors que François Ruffin évoque « un silence coupable du pouvoir politique », le député Eric Coquerel presse Emmanuel Macron de réagir : « Si le ministre Darmanin ne réagit pas c’est à Emmanuel Macron de le faire dès demain », écrivait-il dimanche en référence à l’interview du président attendue ce lundi 24 juillet aux journaux télévisés de 13 heures sur TF1 et France 2.

À noter que cette sortie fait aussi réagir au delà de la NUPES. Guillaume Lacroix, président du Parti radical de gauche (allié de Bernard Cazeneuve) a réclamé le limogeage de Frédéric Veaux. « Quand la justice n’est pas la même pour tous alors il n’y a plus de justice. Et quand il n’y a plus de justice, il n’y a plus de démocratie. La chaîne de commandement de la police doit être relevée de ses fonctions immédiatement », a-t-il estimé. Même chez Renaissance cette position fait grincer des dents. « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. Non messieurs les patrons de la Police Nationale, on ne met pas ainsi la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en garde à vue », a tweeté le député macroniste des Côtes d’Armor Éric Bothorel.

Au-delà du cercle politique, plusieurs spécialistes des questions de sécurité ont également exprimé leur inquiétude. C’est notamment le cas du chercheur Sebastian Roché. « Le fait que le chef de la police fasse de la politique est un événement majeur. En s’en prenant — en tant que fonctionnaire — au fonctionnement des institutions, il introduit un coin dans l’autorité de l’État. Et pas un petit », a-t-il analysé sur Twitter, en s’interrogeant sur l’objectif de cette stratégie adoptée par le DGPN.

Secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme, la magistrate Magali Lafourcade a également commenté la sortie de Frédéric Veaux : « La dernière fois que j’ai regardé l’article 144 du code de procédure pénale, je n’ai pas vu que la qualité de policier empêchait le placement en détention provisoire. En revanche, parmi les critères, figure toujours le risque de concertation frauduleuse avec les complices ».

Pour l’heure, Gérald Darmanin n’a pas réagi aux propos du directeur général de la police nationale. À son arrivée en Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Macron a renvoyé sa réaction sur le sujet à son interview prévue ce lundi à 13 heures.

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