Polar – Shaft, toujours borderline

« “Mais quel salaud pourrait souhaiter baiser la veuve d'un vieil ami à peine refroidi dans sa tombe ?” lui demandèrent les lambeaux de sa conscience. » On vous présente John Shaft, « le » John Schaft, super détective privé (calmez-vous, les filles). C'est le héros d'une série de sept courts polars signés Ernest Tidyman, adaptés dans les années 1970 en série TV, pattes d'eph et col roulé, et en cinq films, dont le dernier, en 2019, donnait à voir Samuel L. Jackson dans le costume. Du costaud, du bâti, du ferme, du bien armé. Impensable de publier les textes aujourd'hui : trop de « négros », de « greluches » et de « turlutes ». Le Cherche midi les réédite dans sa nouvelle collection, Borderline : des bouquins souples, pas plus gros qu'un poche, beaux comme des SAS. Leur mission ? Faire (re)lire quelques pépites (Mickey Spillane est de la partie), et – c'est l'intention de l'éditeur – tenter de faire revenir le mâle post-#MeToo à la lecture de romans, puisqu'il paraît que, déboussolé, il a déserté la fiction…

Shaft, Shaft, Saft ! d'Ernest Tidyman. Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jacques Hall (Borderline, 192 p., 15 €).

L'extrait qui tue :

Shaft était morose, somnolent. Il y a des gens qui se prennent pour des aigles quand ils fendent une couche de nuages moutonnant à treize mille mètres d'altitude. Ça les excite, ils se croient libres. Lui ne ressentait qu'une vague douleur dans les fesses d'être resté assis sans bouger, pendant trois heures et demie. Le [...] Lire la suite