Plusieurs tableaux de Soulages redeviennent liquides, des scientifiques mènent l'enquête

C'est un phénomène mystérieux qui intrigue les scientifiques. Plus de 60 ans après leur création, la peinture de plusieurs tableaux du peintre Pierre Soulages, maître de l'outrenoir mort en octobre 2022, est redevenue liquide par endroit.

Pour élucider cette anomalie surprenante, des chercheurs du CNRS et de l'Institut d'optique de Saint-Étienne se sont rendus aux Abattoirs, Musée-Frac Occitanie Toulouse pour analyser les trois œuvres de l'artiste concernées. Ils relatent leurs découvertes dans une vidéo avec le journal Le Monde, publiée sur YouTube.

"Un problème de vieillissement"

Le point commun entre ces trois tableaux de Pierre Soulages? Ils ont tous été réalisés à Paris entre décembre 1959 et mars 1960.

Une première piste importante selon la restauratrice du patrimoine et spécialiste des œuvres de Soulages, Pauline Hélou de la Grandrière: "On retrouve les mêmes altérations dans les peintures de Soulages que dans les peintures d’autres artistes qui travaillaient à Paris à la même période et qui se fournissent chez les mêmes marchands de couleur", explique-t-elle dans la vidéo.

"La peinture plutôt que de s'oxyder et de devenir de plus en plus cassante, devient de plus en plus molle et quelques fois devient liquide. Parfois des empattements suintent des gouttes de liants de la peintre, qui est de l'huile", poursuit-elle.

Et d'ajouter: "Les peintures n'ont pas eu de problème de séchage mais c'est un problème de vieillissement qui revient en arrière et la peinture redevient fluide".

Campagne d'imagerie

Grâce à des instruments d'imagerie, l'équipe de scientifiques analyse les tableaux du peintre de manière plus précise et examine ainsi le relief ou la brillance de chaque œuvre.

Les chercheurs utilisent notamment un procédé, appelé "luminescence", qui consiste à éclairer la peinture avec différentes longueurs d'ondes, de l'ultraviolet jusqu'au proche infrarouge, afin de comprendre sa composition chimique.

"C'est avec cette technique d’imagerie que l’on essaie de comprendre quel est l’état chimique de cette zone plus fluidifiée qui a amené à cette coulure qui ne fait pas partie de la composition originale de l’œuvre", explique Mathieu Thoury, physico-chimiste, dans la vidéo.

Plusieurs hypothèses à creuser

Selon, Pauline Hélou de la Grandrière plusieurs hypothèses sont probables pour expliquer ces coulées inattendues: le fournisseur de la peinture ou "la forte pollution au sulfure" présente à Paris dans les années 50.

"Ce sont aussi des toiles qui ont été exposées immédiatement après leur création, dans des expositions qui sont parfois parties très loin, donc qui ont été stockées tout de suite dans des caisses, mises dans l'obscurité et avec des variations de climat", précise la spécialiste à nos confrères de chez France Info.

"Ce n'est pas un problème qu'on retrouve chez les Américains contemporains de Soulages par exemple, sauf quand ils sont venus travailler à Paris", ajoute-t-elle.

Si pour l'heure aucune hypothèse ne s'est avérée concluante, l'équipe de scientifiques va poursuivre ses recherches et suivre l'évolution de l'apparence visuelle et de l'état chimique des tableaux dans le temps. Leur étude va également être élargie à d'autres œuvres des artistes français Henri-André Martin et Georges Mathieu.

Article original publié sur BFMTV.com