Avec Percival Everett, le cauchemar américain a son polar

Ah, Money, Mississippi ! Son église de bois blanc, ses maisons aux porches tranquilles, son diner bondé à l'heure de pointe et ses grandes croix qui n'en finissent pas de brûler, allumées par le Ku Klux Klan…

Ici, en 1955, a eu lieu le lynchage d'Emmett Till, torturé à mort pour avoir adressé la parole à une femme blanche et qui deviendra l'un des emblèmes du mouvement pour les droits civiques. De ce célébrissime lynchage, dont il rappelle l'histoire, l'écrivain afro-américain Percival Everett (photo), diplômé en littérature et en philosophie, spécialiste du mélange des genres – il écrit de la fiction, des essais, des poèmes, lorgne du côté du western, du polar, de l'horreur –, tire un conte gore à l'humour grinçant.

Sordide mise en scène

À Money, « repère de péquenots débiles qui […] offrent la preuve vivante que la consanguinité ne conduit pas à l'extinction », un homme blanc, puis deux, puis un grand nombre, tous racistes, sont retrouvés battus à mort, égorgés au fil barbelé, les testicules arrachés. Ceux-ci se trouvent dans la main d'un autre cadavre, noir pour sa part. Problème : après chaque crime, ce mort anonyme disparaît pour mieux réapparaître lors de la prochaine mise en scène sordide, tel un zombie vengeur. Diablerie ! Tandis que deux enquêteurs noirs, flegmatiques et désopilants, sont dépêchés dans la région par le MBI, des prières échappent aux rednecks terrifiés : « Oh, Seigneur Jésus, […] nous autres, pauvres Blancs mortels, on est morts de tr [...] Lire la suite