Pendant que la NUPES se déchire, leurs jeunes veulent « montrer l’exemple »

Photo d’illustration prise en marge d’une manifestation contre la réforme des retraites 
 à Paris le 21 janvier 2023.
Photo d’illustration prise en marge d’une manifestation contre la réforme des retraites à Paris le 21 janvier 2023.

POLITIQUE - Face à la presse, politiquement correct oblige, ils les appellent les « aînés ». Par opposition, eux sont les jeunes de la NUPES, moyenne d’âge autour de la vingtaine. Un an après la naissance de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale, l’ambiance est bonne entre les jeunes Socialistes, Insoumis, Écologistes et Communistes. À des années-lumière de leurs aînés, jamais aussi proches du divorce.

Encore ce samedi 15 juillet, sur son blog, Jean-Luc Mélenchon ne donnait pas cher de la coalition de gauche : «  Le PCF a déjà déclaré morte la NUPES. Les Verts, même avec la tête de liste commune, veulent plusieurs listes ’pour avoir plus d’élus’, le PS annonce une liste de ’tous les socialistes’. Ils savent exactement ce qu’ils font et ils ne peuvent pas dire qu’ils ne comprennent pas ce qui résulterait de cela », fustige durement celui qui, pourtant, était l’artisan de l’union treize mois auparavant.

En face, les jeunes observent avec qui de l’agacement, qui une pointe de désespoir et, globalement, une « insatisfaction » commune, ces dissensions internes. Car de leur côté, l’ambiance est à la franche « camaraderie » avec de « très bonnes » relations pour les plus enthousiastes, « cordiales » disent les moins dithyrambiques.

« On ne fait pas de débats sur la police tue ou le racisme systémique »

La rencontre des branches jeunesses de la NUPES a véritablement eu lieu au moment des législatives de juin 2022. « Avant, forcément, on se croisait dans le cadre de tables rondes, on s’invitait mutuellement dans nos évènements nationaux. Mais depuis l’accord de la NUPES, on porte des projets ensemble », raconte Camille Hachez, cosecrétaire nationale des Jeunes Écologistes.

La meilleure illustration de ce travail collectif demeure à ce jour les élections européennes. Alors que la secrétaire nationale des Verts Marine Tondelier qualifie de « forceurs » les insoumis qui insistent, les Jeunes Écolos soufflent à leurs confrères l’idée d’une tribune transpartisane pour faire l’union au Parlement européen. Tout le monde suit, à l’exception du Mouvement Jeunes Communistes de France (MJCF). « Nous avons fait le choix de ne pas y participer. Nous, aller parler aux jeunes avec juste une alliance électorale, ça ne nous intéresse pas trop », assume leur secrétaire général Assan Lakehoul.

Le jeune communiste a refusé dès le début le cadre de la « Jeune NUPES », à qui il reproche de ne parler « qu’à la jeunesse politisée des centres-villes » quand lui revendique de travailler davantage sur le terrain, « dans un cadre plus large que la NUPES », avec les syndicats étudiants et organisations de jeunesses.

Des divergences existent donc, mais elles n’empêchent pas le travail en commun. « Quand Emma Rafowicz (PS), Emma Fourreau (LFI) ou Aurélien Le Coq (LFI) m’appellent, il n’y a aucun problème, on s’entend même plutôt bien personnellement. On travaille ensemble quand c’est nécessaire », assure Assan Lakehoul.

« Ce n’est jamais simple de faire une alliance inédite mais il y avait quelque chose qui nous paraissait naturel » - Emma Rafowicz, présidente des Jeunes Socialistes

De même, là où dans la cour des grands, ce sont parfois deux visions qui s’affrontent - exemple sur « le racisme systémique » dans la police, terme employé par les Insoumis et Marine Tondelier mais rejeté par Fabien Roussel - les jeunes évoquent eux des discussions « plus consensuelles », selon Aurélien Le Coq, co-animateur des Jeunes Insoumis-es. « On n’a pas de débats sur le fait que la police tue ou qu’il y a un racisme systémique, parce qu’on est assez d’accord sur le fond des sujets. Par contre, on a eu un débat sur la manière dont on devait en parler dans l’espace public, avec une différence d’approche et de méthode », abonde Camille Hachez, des Jeunes Écologistes.

Une question de génération, d’urgence et d’envie partagée

De là à dire que les jeunes sont plus soudés que leurs aînés ? Si certains préfèrent esquiver en évoquant plutôt « les convergences », la présidente des Jeunes socialistes Emma Rafowicz répond un « oui » franc. Et n’allez pas croire que c’est parce qu’ils sont « jeunes, donc des Bisounours ». « Nous sommes plus soudés parce que nous sommes sans doute les plus conscients des crises climatiques, démocratiques, sociales et des risques de voir l’extrême droite gagner en 2027 » , juge-t-elle. Julien Layan, co-coordinateur national des Jeunes Génération.s, résume : « Nous avons une forme de responsabilité vis-à-vis de notre génération. »

Lutte contre l’extrême droite, crises diverses… En juin 2022 c’est pourtant sur un discours similaire que s’est construite l’union. Pourquoi alors un an plus tard, ce qui roule chez les uns coince chez les autres ? En partie parce que, dans les branches jeunesse, il n’existe pas (encore) de ces rancunes politiques tenaces, capables de tuer dans l’œuf les alliances. En période électorale, les cadres de la jeune NUPES n’ont pas non plus à batailler entre eux pour savoir qui occupera telle ou telle place éligible sur une liste, sujet plus que propice à faire naître des inimitiés.

Mais le principal moteur est une aspiration commune, celle « d’une génération qui a vraiment envie de travailler ensemble ». « Pour nous, l’union, c’était facile. Ce n’est jamais simple de faire une alliance inédite mais il y avait quelque chose qui nous paraissait naturel », raconte Emma Rafowicz. Autour d’elle, ses pairs sont prêts à beaucoup pour ne pas briser l’élan, y compris parfois aller contre la ligne du parti et être reçus « un peu froidement » ensuite par la direction.

« Ce qui manque aujourd’hui aux cadres des partis de la NUPES, c’est peut-être ça : d’avoir vraiment, sincèrement, le même objectif de victoire de la gauche commune. Et de comprendre que cet objectif de long terme nécessite parfois des compromis à court terme », avance la numéro 1 des Jeunes écologistes.

« Montrer l’exemple pour que nos aînés fassent le travail »

C’est à se demander si vieillir rend vraiment plus sage… Unanimement, les jeunes cadres déplorent les querelles publiques et parfois violentes qui « abîment l’image » de l’alliance. « Il ne me viendrait pas à l’idée d’insulter les insoumis, les écologistes, Générations ou les communistes sur Twitter, et je pense que c’est pareil pour mes homologues », cingle Emma Rafowizc. « On se dit qu’on a besoin de montrer l’exemple pour que nos aînés fassent le travail. À la fois sur le besoin de rester unitaire mais aussi le respect des partenaires », ajoute-t-elle.

Le contraste avec les passe d’armes régulières des têtes d’affiche sur la Nupes est flagrant. Pas plus tard que le 4 juillet, le responsable de LFI Manuel Bompard mettait sur le même plan Vladimir Poutine, Xi Jinping... et Fabien Roussel.

Dans les prochains mois, la jeune NUPES va se consacrer aux élections européennes avec dès la rentrée la restitution des travaux du Forum Européen pour savoir si oui ou non, les gauches sont irréconciliables sur l’UE. En dépit des avancées chez les écologistes et les communistes, l’insoumis Aurélien Le Coq refuse de baisser les bras. « On ne veut pas se résoudre à se dire que les européennes, c’est terminé. » Dans les pas de Jean-Luc Mélenchon, il pointe le « risque » de voir la NUPES se dissoudre sans liste commune.

Certains de ses collèges, eux, veulent voir plus loin et n’hésitent pas évoquer l’avenir de la NUPES, unie en 2024 ou pas. Le sujet, disent-ils tous, n’a pas vraiment été évoqué lors de réunions communes. Mais les points de vue de chacun convergent : ils sont ainsi plusieurs à vouloir développer l’ancrage territorial, à réclamer un élargissement de la NUPES et pourquoi pas des structures communes, sans pour autant y noyer les partis.

« Nous devons apprendre à faire ensemble, avec nos cultures politiques et nos organisations différentes » - Camille Hachez, cosecrétaire nationale des Jeunes Écologistes

C’est aussi avec fierté qu’au moins deux interlocuteurs évoquent la création spontanée de comités jeunes NUPES à l’échelle locale après les législatives, ainsi que des groupes de travail partagés sur la communication ou la logistique : « C’est une façon d’apprendre à faire ensemble, avec nos cultures politiques et nos organisations différentes », se réjouit Camille Hachez, pour qui « ce sont des choses que l’on doit préparer dès maintenant.» « Pour 2027, il ne suffira pas de dire qu’une fois qu’on aura choisi un candidat, tout suivra naturellement », insiste-t-elle. Pendant ce temps, la NUPES adulte appelle depuis cinq mois à un « acte II ». Sans réussir à lui donner vie.

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