Pendant 20 ans, les médecins m’ont encouragée à faire des régimes, cela a aggravé mon lipœdème - Témoignage

« C’est il y a seulement deux semaines, 24 ans après mon premier régime, qu’on a enfin posé un diagnostic : je suis atteinte d’un lipœdème. »
« C’est il y a seulement deux semaines, 24 ans après mon premier régime, qu’on a enfin posé un diagnostic : je suis atteinte d’un lipœdème. »

TÉMOIGNAGE - À 13 ans, j’ai commencé à développer une culotte de cheval assez marquée. Mes proches comme mes médecins ont commencé à me mettre en garde sur la prise de poids, et c’est comme ça que j’ai commencé mon premier régime. J’étais en pleine croissance, j’avais besoin de nutriments et pourtant, tout le monde semblait trouver normal que je mange du concombre du matin au soir.

Ça a été le début d’une spirale infernale qui s’est aggravée au passage à l’âge adulte, et n’a cessé que le jour où on m’a diagnostiqué une pathologie méconnue, le lipœdème.

Les médecins me répètent de perdre du poids, rien ne s’améliore

Pendant plus de vingt ans, j’ai grossi à vue d’œil tout en me restreignant à l’extrême sur l’alimentation. À chaque visite chez le médecin, on me répétait qu’il fallait que je perde du poids et je culpabilisais énormément. À l’entrée de la vingtaine, j’ai passé un an à me nourrir presque exclusivement de sachets hyperprotéinés. Je suis devenue bien plus mince, mais j’ai gardé cette culotte de cheval très prononcée ainsi qu’une forme de genoux que je trouvais peu harmonieuse. Pour avoir des jambes plus dessinées, j’ai décidé d’avoir recours à une liposuccion, qui m’a permis d’avoir un rapport plus apaisé à mon corps pendant un temps.

Quand je suis tombée enceinte trois ans plus tard, mon corps a complètement changé. Au total, j’ai pris neuf kilos pendant ma grossesse, ce qui est en dessous de la moyenne. Mais mes bras et mes jambes ont gonflé, et la texture de ma peau est devenue différente. Sans rien avoir changé à mon alimentation, mon apparence est devenue tout autre.

Mon poids fait le yo-yo et je développe des troubles alimentaires

Le temps est passé et à chaque bouleversement hormonal (conception d’un enfant en PMA, grossesse, pilule contraceptive…) mon poids et mon apparence ont changé. À l’inverse, les exhortations à maigrir à chaque rendez-vous médical sont restées constantes. Après la naissance de mon deuxième enfant, j’ai commencé à m’affamer et à ne plus manger qu’un seul repas par jour, bien en dessous des besoins physiologiques moyens. Comme d’habitude, je me suis amincie sans que mes jambes et mes bras ne changent. Puis, dès que j’ai recommencé à m’alimenter normalement, j’ai repris du poids et avec l’effet yo-yo, mon tour de cuisses a augmenté. En parallèle, mes jambes sont devenues de plus en plus douloureuses, et marcher longtemps ou courir est devenu difficile.

Sans aucune logique entre les restrictions que je m’imposais et l’évolution de mon reflet dans le miroir, j’ai développé des troubles du comportement alimentaire. Le tout, dans une société extrêmement grossophobe, où le regard des autres est violent. Quand mes proches me voyaient maigrir, tout le monde me félicitait. « Waouh, tu es trop belle, c’est génial, ça te va trop bien ! » Quand le retour de flamme de ces régimes drastiques très mauvais pour la santé arrivait et que je reprenais du poids, je m’autoflagellais. « Je suis encore en échec, ce n’est pas possible, je suis une merde. »

Le lipœdème, une pathologie mal connue

C’est seulement récemment, 24 ans après mon premier régime, qu’on a enfin posé un diagnostic sur ma condition : comme bien d’autres (l’association Lipœdème France estime à 11 % le nombre de femmes concernées), je suis atteinte d’un lipœdème.

J’ai découvert l’existence de cette pathologie sur les réseaux sociaux, et cela m’a permis d’aller voir un phlébologue qui a posé un diagnostic sans appel : « C’est flagrant, cette graisse est un lipœdème. Vous ne la perdrez jamais en faisant des régimes et du sport ! » Après des années d’errance médicale, je pensais que je n’entendrais jamais ces mots.

Car même si le lipœdème est reconnu par l’OMS, en France, peu de professionnels de santé sont formés à l’identifier. C’est beaucoup moins le cas en Allemagne, par exemple, où la maladie est largement plus diagnostiquée et traitée.

Pour moi, ce diagnostic a été une renaissance. Cet été, pendant mes vacances, j’ai posté pour la première fois une photo de moi en maillot de bain sur Instagram et je me suis sentie libre. Grâce aux réseaux sociaux, j’ai rencontré une communauté de femmes atteintes de lipœdème qui avait vécu un parcours similaire. Des années d’errance médicale, de souffrance, et de troubles du comportement alimentaire… En plus de se soutenir, nous militons aussi pour la reconnaissance de cette condition par la sécurité sociale française : même si l’OMS a reconnu la pathologie en 2018, les traitements et les parcours de soins que nécessite ce syndrome ne sont pas pris en charge, alors même que le lipœdème est douloureux et peut devenir très handicapant s’il n’est pas soigné. Or, rien que l’achat de vêtements de contention est un budget très lourd.

En septembre, j’irai me faire opérer mon lipœdème de stade 2 en Allemagne. J’ai de la chance : mes parents peuvent me prêter l’argent nécessaire à cette intervention qui se chiffre à environ 20 000 € tout compris. Un budget énorme pour faire cesser des douleurs quotidiennes et invalidantes. En parallèle, j’ai à cœur de faire connaître ce syndrome au plus grand monde et interpeller sur son manque de prise en charge, alors qu’il pourrait concerner une femme sur dix.

« Le lipœdème est considéré comme un syndrome et nous savons peu de chose sur cette pathologie qui n’a pas été très étudiée. Elle consiste en une anomalie de répartition des graisses qui peut parfois être disproportionnée, et qui touche très majoritairement les membres inférieurs (on parle parfois de « jambes poteaux »).

Elle se diagnostique sur critères cliniques : l’augmentation du volume des membres inférieurs, une texture graisseuse à la palpation cutanée qui peut être particulière, un gonflement des jambes, des sensations congestives, des douleurs anormales au toucher… Les patientes rapportent aussi souvent des ecchymoses spontanées.

Si les régimes et le sport ne font pas du tout perdre de volume au lipœdème, les prises de poids, elles, le font augmenter. Ce qui est tragique, c’est qu’à cause de l’effet yo-yo des régimes, à chaque reprise de poids, le lipœdème augmente. Il y a plusieurs stades de lipœdème , et la majorité des thérapies vont être conservatrices : on essaie d’éviter la dégradation avec des bas de compression veineuse pour améliorer le drainage lymphatique, par exemple. On prescrit des drainages lymphatiques manuels chez des kinésithérapeutes, on encourage les patientes à avoir une activité physique.

Cette condition fait souffrir la peau et engendre un risque infectieux plus important, on encourage donc des soins de peau pour garder une bonne qualité cutanée. Quand ces options thérapeutiques ne donnent pas grand-chose, alors, on envisage la chirurgie. Le but est toujours d’améliorer la qualité de vie des patientes. »

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