Comment parler de l’affaire Lola aux enfants ?

Teenagers look at the bouquets of flowers displayed at the entrance of the building where Lola, a 12 year-old schoolgirl who was found dead in a trunk in the 19th district on October 14, 2022, lived, in Paris on October 17, 2022. (Photo by Geoffroy Van der Hasselt / AFP)

PSYCHOLOGIE - Des questions, des peurs peut-être irrationnelles… Commis ce vendredi 14 octobre dernier dans le 19e arrondissement de Paris, le meurtre choquant de la jeune Lola, âgée de 12 ans, a eu un très large retentissement et soulève son lot d’interrogations y compris chez les enfants. « Il faut surtout bien écouter leurs questions et leurs craintes. Il ne faut pas aller au devant », prévient Catherine Verdier, une psychologue et thérapeute pour enfants et adolescents contactée par Le HuffPost. Que l’on soit un parent ou un enseignant, aborder avec eux ce meurtre sordide semble être délicat mais surtout primordial.

« Les enfants ressentiront probablement de la peur, de la crainte et de la colère à l’encontre de la meurtrière présumée. Probablement beaucoup de tristesse aussi », analyse Catherine Verdier. Leur principale interrogation : « Est-ce que ça peut m’arriver ? Ils vont sûrement poser des questions sur la barbarie et la torture », continue-t-elle, d’autant plus que les adolescents peuvent avoir accès aux détails sordides du crime, par les réseaux sociaux notamment.

Pour les rassurer, « il faut souligner le caractère exceptionnel de cette affaire. Et placer la cruauté de l’acte sur le baromètre de la violence. Ça n’arrive pas tous les jours. » Même son de cloche pour Joseph Agostini, psychologue clinicien et coauteur du livre Tueurs en série sur le divan, contacté par Le HuffPost : « Je pense que c’est important de leur dire que c’est un cas isolé », surtout pour les adolescents qui « vont s’identifier à la jeune fille. »

Éviter les détails inutiles

Les deux psychologues s’accordent sur une chose essentielle : inutile de rentrer dans les détails. « Se focaliser dessus renforcera l’effet de sidération » que peuvent ressentir certains, alerte Joseph Agostini. Il dénonce une société portée sur l’image : « On n’est pas obligé d’exhiber la réalité organique comme on le fait dans les séries. On doit protéger les enfants de ce qui n’est pas intéressant. À part déplorer les faits abjects, on n’a rien à dire. »

Selon lui, réfléchir au « pourquoi » est le plus important. Il préconise des réflexions autour de la question de la maltraitance et des violences faîtes aux enfants. Le but ? « Faire en sorte d’oublier l’image traumatique en privilégiant l’analyse. » Il pousse les professeurs et les instituteurs à se saisir du débat. « On peut faire de l’éducation civique autour des enfants maltraités, faire un cours de philo sur ’pourquoi on s’attaque aux enfants et les fantasmes de cruauté’ », insiste-t-il avant de rappeler : « On ne devient pas assassin par hasard et c’est bien de l’enseigner aux enfants. »

Il est rejoint par Catherine Verdier, qui estime que ces discussions vont aider les enfants à exprimer leurs émotions. Elle donne aussi des pistes de débat : « On peut revenir sur la notion de ne pas tuer, de ne pas agresser. Ce n’est pas la même chose qu’une bagarre. On est au dernier échelon de la violence. » Ce débat permettrait selon elle d’expliquer la gravité des faits sans rentrer dans le détail.

Le cas des tout-petits

Les deux psychologues distinguent les adolescents des plus petits, qui n’ont pas eu vent de l’affaire. « Si on pense que les autres enfants vont leur en parler, on peut éventuellement le dire. On ne peut pas garder les enfants sous cloche » estime Catherine Verdier. Pour extérioriser leur peine, elle conseille aux parents des plus jeunes de les faire participer aux hommages publics : « C’est moins dur d’exprimer une douleur en groupe que tout seul. Ça aide à pleurer, ça a un effet thérapeutique qui cicatrice la douleur. »

Elle recommande de leur faire dessiner leurs émotions : « Pour avoir un aperçu de leur ressenti et ensuite engager une conversation. » Idem pour Joseph Agostini qui propose aux parents de « faire un dessin, d’organiser un moment de recueillement et familial pour rappeler que les enfants subissent tous les jours des souffrances liées à la folie des adultes. »

Il considère d’ailleurs que le rôle des parents est de prévenir les amalgames. Il rappelle que « la meurtrière présumée est probablement une malade psychotique. Le meurtre n’est pas appelé à se reproduire, ce n’est pas une tueuse en série. » Catherine Verdier tempère : « Les parents et l’école vont devoir se partager la tâche. Tout n’est pas du ressort de l’école. »

Quid des règles de sécurité ? Selon la psychologue, il faut rappeler les règles édictées aux enfants depuis toujours : « Se méfier des inconnus, on ne suit pas des personnes qu’on ne connaît pas… Il faut garder toujours son téléphone portable chargé. Et dans le doute, on appelle ses parents. »

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