« Oublier Camus, oublier Orwell » : récit d’un colloque incendiaire

Portrait daté du 17 octobre 1957 de l'écrivain Albert Camus, à qui l'Académie suédoise venait d'attribuer le prix Nobel de littérature. (Photo AFP)  - Credit:STF / AFP
Portrait daté du 17 octobre 1957 de l'écrivain Albert Camus, à qui l'Académie suédoise venait d'attribuer le prix Nobel de littérature. (Photo AFP) - Credit:STF / AFP

George Orwell, dites-vous ? Un faux dissident. Un faux excentrique. En réalité un médiocre écrivain, un antisémite, un homophobe, un misogyne, un mouchard anticommuniste. L'heure serait venue d'« oublier Orwell » au profit de quelques-uns de ses compatriotes qui n'ont pas eu droit, eux, à une statue érigée près du siège de la BBC à Londres comme Patrick Leigh Fermor, Arthur Koestler, Patrick Hamilton.

Ainsi s'exprimait Edward Lee-Six, le vendredi 6 octobre, à l'occasion de la séance de rentrée du Séminaire littéraire des Armes de la critique, animé depuis dix ans par des anciens élèves de l'École normale supérieure pour répondre au « défaut de formation théorique » qu'ils ont ressenti rue d'Ulm. Dans leurs cours, leurs professeurs du département littératures et langage ne leur auraient pas suffisamment parlé des « déterminants économiques et sociologiques de la production des textes ».

Et chez George Orwell, ces déterminants sont légion. Né le 25 juin 1903 au Bengale, dans une famille de la petite bourgeoisie dont l'avenir reposait sur la vitalité de l'Angleterre puritaine, capitaliste et impérialiste, il a étudié au collège de Eton, le fleuron des public schools britanniques, puis à Oxford et Cambridge, avant de retrouver l'Inde en tant que membre de l'administration coloniale. Devenu socialiste en 1936, au terme d'un séjour dans les mines du nord de l'Angleterre qui a fourni la matière du Quai de Wigan, il ne se serait jamais départi des préjugés de sa jeu [...] Lire la suite