Otages, stratégie, logistique: pourquoi l'offensive terrestre israélienne n'a toujours pas eu lieu à Gaza

Tsahal annonce ce lundi avoir mené une incursion "limitée" dans la bande de Gaza, notamment pour faire du repérage. Deux semaines après l'attaque du Hamas, la grande offensive promise par Israël se fait pourtant toujours attendre.

Otages, stratégie, logistique: pourquoi l'offensive terrestre israélienne n'a toujours pas eu lieu à Gaza

Plus de deux semaines d'attente. Après l'attaque menée le 7 octobre par le Hamas, l'armée israélienne n'a toujours pas lancé la riposte terrestre promise dans la bande de Gaza. L'opération s'avère de fait complexe, alors qu'environ 200 personnes sont actuellement retenues en otage par le groupe palestinien, que Tsahal espère pouvoir faire libérer.

Multiplication des frappes israéliennes

Entre frappes aériennes et opérations au sol, Israël ne cesse de mener des actions depuis l'attaque du Hamas. L'armée israélienne affirme ce lundi avoir mené des opérations terrestres "limitées" à Gaza à l'aide de "blindés et de soldats d'infanterie". En parallèle, elle mène d'importantes frappes sur le territoire palestinien. Selon Tsahal, "320 cibles" du Hamas, dont "des terroristes du Hamas" et "des dizaines de centres de commandement opérationnel", ont été atteintes ces dernières 24 heures.

Pourtant, l'offensive militaire d'ampleur promise se fait toujours attendre. Selon un réserviste israélien, elle pourrait survenir à tout moment.

"Ils nous emmènent de base en base pour nous entraîner. (...) Tous les jours, ils nous demandent d'être prêts, on attend", assure à BFMTV Rudy Rochman, joint depuis Israël.

Tel-Aviv jure qu'"il n'y aura plus de Hamas"

Quelque jours après l'attaque du Hamas en Israël, le 7 octobre dans la bande de Gaza, Israël a promis de répliquer avec une offensive militaire d'ampleur.

Le 13 octobre, Tel-Aviv a ainsi ordonné l'évacuation de "tous les civils" de la ville de Gaza dans les 24 heures "pour leur propre sécurité et protection". "Ce n'est que le début" des opérations israéliennes à Gaza, a ensuite assuré le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

"Ça prendra un mois, deux mois, trois mois. À la fin, il n'y aura plus de Hamas, il va connaître les bombes de l'armée de l'air", prévient encore dimanche le ministre israélien de la Défense, lors d'un briefing au centre de commandement de l'armée de l'air israélienne.

Réservistes mobilisés

"L'action terrestre, à l'heure où nous parlons, n'a pas lieu", concède le colonel Olivier Rafowicz, porte-parole de l'armée israélienne, ce lundi sur BMFTV.

"(L'offensive) n'est pas retardée puisqu'il n'y a jamais eu de date ni d'heure fixées à l'avance", assure-t-il cependant.

Mais la riposte se prépare: "l'État d'Israël a mobilisé 400.000 réservistes, il y a des équipements gigantesques, des préparatifs, les entraînements également ont dû être adaptés à la situation". Selon nos équipes sur place, les réservistes continuent bien d'affluer sur place et s'entraînent dans des conditions proches de l'environnement urbain de Gaza.

Les frappes aériennes et l'incursion terrestre de ce lundi peuvent être interprétées comme "une préparation sur le terrain" du Hamas en collectant notamment des informations utiles aux renseignements, avant de lancer l'offensive, analyse Tamar Sebok, consultante Israël pour BFMTV et correspondante en France du quotidien Yedioth Aharonoth.

Le scénario d'incursions répétées

"Au regard de ce qu'il s'est passé, on voit mal comment il pourrait ne pas y avoir d'offensive", avance le général Jérôme Pellistrandi, consultant Défense, pour BFMTV.

Après l'attaque menée par le Hamas, il y a un "désir de vengeance de l'opinion (israélienne)", assure-t-il. "Ce qui met le Premier ministre Benjamin Netanyahu sous pression, déjà marqué par l'échec des services de renseignements à prévenir cette offensive inattendue".

Pour autant, le scénario d'une grande offensive, promise par Tel-Aviv, n'est pas certain, selon certains experts. L'ancien ambassadeur américain en Israël (2001-2005) Daniel Kurtzer estime notamment sur CNBC que l'offensive "pourrait se dérouler par étapes avec une addition d'incursions menées par de petits groupes de soldats israéliens plutôt qu'une grande invasion".

Un scénario évoqué également dans Libération par Héloïse Fayet, chercheuse au Centre des études de sécurité de l'Ifri et coordinatrice du programme Dissuasion et prolifération. Elle estime qu'Israël pourrait parfaitement privilégier une première phase faite d'"incursions" pour obtenir "des renseignements" et toucher des "cibles" précises, avant de passer à une deuxième phase "plus musclée" avec notamment des "troupes au sol".

Un terrain ardu

De fait, une grande offensive serait particulièrement périlleuse pour Israël, alors que Gaza est une zone urbaine estimée comme étant la plus densément peuplée au monde. Son territoire est par ailleurs équipé d'un réseau de tunnels qui peut permettre au Hamas de circuler, voire de contre-attaquer.

"Une opération longue, coûteuse et usante", résume l'historien spécialiste de l'armée israélienne Pierre Razoux dans Libération, pour laquelle Tsahal doit prendre le temps de se préparer sur le plan logistique.

"À un moment, il faut rentrer dans les immeubles (à Gaza) et c'est là que les pertes arrivent parce qu'évidemment les immeubles seront piégés par le Hamas. Elles risquent d'être considérables", prévient Jérôme Clech, consultant Défense BFMTV et auteur de "La Prospective Stratégique" aux éditions Hermann.

Préserver les otages?

La question des personnes retenues par le Hamas s'avère par ailleurs cruciale. "Le contexte est complexe avec les quelques 200 otages dont des binationaux", rappelle le général Pellistrandi.

Dans le cas où Israël décide d'attaquer, la survie de ces otages, dont on ignore toujours le nombre et l'identité exactes, serait fortement menacée. "C'est un facteur très important", alors que deux Américaines ont été libérées vendredi dernier, abonde Tamar Sebok.

Selon le New York Times, le président américain Joe Biden aurait même conseillé à Tel-Aviv de reporter son offensive, afin de donner plus de temps à Washington pour secourir plus de personnes retenues.

Un "choix politique dramatique" pour Netanyahu

Outre les otages, "il faut forcément prendre en compte les pertes civiles" inévitables d'un côté comme de l'autre dans le cadre d'une telle offensive, ajoute le général Jérôme Pellistrandi. Elles auraient un "coût politique immense" pour Benjamin Netanyahu face à une population qui enterre déjà de nombreux proches, abonde le grand reporter et ancien correspondant à Jérusalem Gallagher Fenwick sur LCI.

"(Une invasion d'ampleur) est un choix politique dramatique" à prendre pour le Premier ministre Netanyahu dans un contexte compliqué "où il n'y a pas de bonne solution", estime encore notre consultant.

L'issue d'une telle offensive reste également encore incertaine. Si l'objectif de Tel-Aviv de renverser le Hamas est atteint, que deviendrait ensuite le territoire palestinien, alors qu'Israël n'a jamais évoqué la possibilité d'une nouvelle occupation militaire et encore moins civile du territoire? Une nouvelle question en suspens dans un contexte toujours aussi incertain.

Article original publié sur BFMTV.com

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